De l’ère Pinault, László Bölöni restera comme l’un des entraîneurs qui aura fortement contribué à l'évolution du Stade Rennais FC au milieu des années 2000. Pionnier en la matière, ce Roumain issu de la minorité hongroise instaurera une méthode infaillible qui permettra à Rennes de retrouver la scène européenne après plus de trente ans de disette. Taciturne d'aspect mais chaleureux dans l’intimité, Bölöni revient pour la deuxième fois au stade de la route de Lorient depuis son départ en juin 2006. Et ce, par la grande porte.
Fini le temps des regrets. Parti l’esprit libre après avoir rempli son contrat, Bölöni refoulera un terrain connu, un terrain qu’il aura lui-même érigé, un terrain qu’il laissa avec des certitudes. Un travail propre et respecté, né d’une intransigeance sans faille et d’une connaissance parfaite des rudiments du ballon rond. Car, avant d’entamer une carrière d’entraîneur, l’homme fut un footballeur émérite, sélectionné à cent huit reprises en sélection roumaine entre 1975 et 1984.
Il permet également au football roumain d’écrire une de ses plus belles pages sportives. Deux ans après avoir rejoint les rangs du FC Steaua Bucarest, il remporte la Coupe d’Europe des clubs champions en 1986 contre le FC Barcelone (0-0, 2-0 t.a.b) [1].
Peiné par la dégradation de son pays et des méthodes dictatoriales du clan Ceauşescu, propriétaire parallèlement du FC Steaua Bucarest, Bölöni obtient l’autorisation de quitter le territoire roumain. Une aubaine qu’il ne laisse pas passer : « En 1987, j’ai eu l’autorisation du parti communiste roumain de tenter ma chance en occident avec ma famille ; contrairement à mes coéquipiers d’alors, Stoïca et Piturca, qui ont dû laisser derrière eux un de leurs enfants en gage ». Après une année en Belgique, il termine anonymement sa carrière à Créteil et Orléans.
Par la suite, rien ne prédestinait Bölöni au métier d’entraîneur. Cultivé, l’ancien milieu de terrain pensait plutôt s’épanouir dans une voie libérale avant de se confronter à une dure réalité. Qu’il prendra avec philosophie : « J’avais fait huit années d’études pour obtenir mon diplôme de chirurgien-dentiste, c’est quand même supérieur à un boulot où vous dépendez d’un ballon qui file trop à gauche ou à droite. Mais mon diplôme n’était pas valable en France. Pas question de rentrer en Roumanie par la petite porte : va pour entraîneur ». Un changement de cap qu’il ne regrettera pas et qui sera certainement renforcé par sa rencontre avec Raymond Goethals sous les couleurs du Racing Jet Wavre entre 1987 et 1988.
En 1992, direction l’AS Nancy-Lorraine pour peaufiner ses gammes, avant de prendre les rênes du club lorrain deux ans plus tard. Pendant six saisons, Bölöni fera avec les moyens du bord en tentant de maintenir Nancy dans les hautes sphères françaises, sans pour autant en faire une référence. Plus conforme à ses ambitions, il reprend la sélection roumaine en 2001 en s’appuyant essentiellement sur la nouvelle génération montante du football roumain (Chivu, Mutu...). Mais, c’est véritablement lors de son premier exil dans un championnat étranger que les compétences du natif de Târgu Mureş prendront un virage à cent quatre-vingts degrés.
Désiré par le Sporting Portugal, Bölöni a, enfin, l’opportunité de diriger une formation de standing européen et de devenir le mentor d’un jeune joueur de seize ans, encore méconnu du grand public : un certain Cristiano Ronaldo. Composant également avec Mario Jardel et Ricardo Quaresma, la saison du champion sortant n’est pourtant pas conforme aux attentes de la direction lisbonnaise. À la recherche d’un entraîneur pour remplacer Vahid Halilhodžić, parti au Paris Saint-Germain, le Stade Rennais FC porte alors son dévolu sur Bölöni.
Collant parfaitement au profil, Bölöni s’engage en Bretagne avec un but principal : s’appuyer sur un centre de formation qui regorge des talents de demain. Récents vainqueurs de la Coupe Gambardella, les Jonathan Bru, Florent Chaigneau, Yoann Gourcuff, Arnold M’Vuemba sont incorporés en professionnels dès l’arrivée du technicien des Carpates, comme le furent l’année précédente Grégory Bourillon, Jimmy Briand, Jacques Faty et Stéphane N’Guéma sous Philippe Bergeroo et Vahid Halilhodžić.
Au cours de l’intersaison, le mercato rennais est agité puisque dix-neuf départs sont répertoriés contre seulement trois arrivées dont deux sous formes de prêts (Abdeslam Ouaddou et Grégory Vignal). Avec le maintien comme ligne d’horizon, les « Rouge et Noir » se situent au milieu de tableau pendant une bonne partie de la saison avant de trouver leur rythme de croisière. Le 23 mars 2004, au terme d’un match d’une rare intensité, Rennes surprend Marseille (4-3) grâce à un quadruplé d’Alexander Frei, complètement requinqué et sorti du placard bosnien depuis l’arrivée de Bölöni (comme le seront aussi Toifilou Maoulida et Olivier Monterrubio).
Durant cette saison, de passage à Rennes, tous les gros passeront à la trappe. Ce sera le cas de Lyon (3-1) et de Monaco (1-0), qui vaudront, après la rencontre, les commentaires peu amènes du latéral gauche monégasque de l’époque, Patrice Evra : « Cela me fait chier de perdre face à une équipe de merde ». Emmerdant par sa capacité à faire déjouer les organisations adverses, le "Rennes Bölönien" prône, par moment, un football champagne, au grand plaisir du public rennais qui se délecte de certaines victoires aisées en cette deuxième partie de saison.
Terminées les fins de saison épique, le Stade Rennais FC redécouvre la première moitié du classement en se hissant à une bonne neuvième place. La saison 2004-2005 est, quant à elle, placée sous le signe de la continuité. Une nouveauté du côté du club, si souvent pointé du doigt pour son instabilité. Sous l’impulsion d’un Alexander Frei en état de grâce (20 buts), les "Rouge et Noir" pointent à la quatrième place au soir de la dernière journée du championnat, qualificative pour la Coupe de l’UEFA. Trente-quatre ans après la double confrontation face aux Glasgow Rangers, Rennes retrouve la scène européenne. Bölöni devient ainsi le premier entraîneur à qualifier le Stade Rennais FC par le biais du championnat [2].
Août 2005, l’avenir de Bölöni est remis en cause au bout de la cinquième journée et une raclée à l’AS Nancy-Lorraine (6-0). L’entraîneur roumain tient bon, mais son maintien à la tête de l’équipe est une nouvelle fois mis en cause à la fin de la première partie de saison. En cas de défaillance à Nantes, nul doute qu’un nouveau compte à rebours sera amorcé. Ce soir là, Rennes réalise l’exploit de s’imposer en Loire-Atlantique (0-2) grâce notamment à un but fantastique de John Utaka et une prestation solide de Simon Pouplin dans les buts bretons.
La machine est lancée et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Flamboyants, les Rennais s’offrent une victoire retentissante sur le terrain de l’Olympique Lyonnais (1-4) et font tomber, par la suite, un des records du club avec huit succès en autant de matchs. Collectivement au point, l’entrejeu stadiste défie alors toute concurrence en s’appuyant plus sur des joueurs offensifs et techniques que défensifs et physiques : Étienne Didot, Yoann Gourcuff et son maître à jouer Kim Källström. Aux avant-postes, Alexander Frei et Olivier Monterrubio se trouvent les yeux fermés, tandis que John Utaka sort, enfin, de son hibernation.
La fin de saison est palpitante et les coéquipiers de John Mensah jouent les têtes d’affiche dans la dernière ligne droite. Néanmoins, au moment de conclure, Rennes s’enferme étrangement dans sa torpeur. Trop joueur à Nice (1-2), manquant de maîtrise face au Paris Saint-Germain (1-1) et Lille (2-2), souffrant de réalisme à Saint-Étienne (0-0), le Stade Rennais FC dégringole à la septième place dans les dernières encablures du championnat, à seulement quatre points du podium. Après trois saisons de labeur, une porte de sortie est entrouverte pour Bölöni qui, malgré des résultats plus que satisfaisants, ne reçoit pas de nouveau bail de la part de la direction rennaise.
Qu’importe, les deux parties se séparent « médiatiquement » en bons termes et la décision est plutôt prise avec soulagement au sein du groupe rennais, un peu exaspéré par les pratiques bölöniennes. Pas comme les autres, le Transylvain étonne encore tout son monde à quelques jours de son départ de Rennes vers Monaco. Il convoque un panel de journalistes dans un restaurant aux abords de la route de Lorient pour leur dresser… son bilan.
Peu orthodoxe, mais fidèle à l’image du bonhomme, un dossier de quatre pages est même remis à chaque convive, où il revient avec entrain sur son œuvre bretonne. Extraits : « L’entraîneur que j’étais a aussi sa part de mérite. J’ai une énorme fierté à dire que le Stade Rennais FC n’est plus lourd, il ne dort plus [...] J’aurais pu faire mieux, peut-être, mais laissez-moi dire qu’à l’heure du bilan, je n’ai aucun reproche à me faire. J’ai déclaré une fois que je souhaitais marquer l’histoire du Stade rennais. Je crois que j’ai réussi ». Sur son départ, le technicien des Carpates se montre disert en évoquant n’avoir reçu « aucune prolongation » de la part de Pierre Dréossi et de l’État-major du club. De sa dernière saison à la tête de Rennes, il la décrit comme « difficile » par rapport aux différentes menaces dont il a fait face tout en revenant sur son nouveau challenge : « Être contacté par Monaco, moi Bölöni, j’en suis fier ». Il déchantera assez vite.
Débauché par l’AS Monaco, son histoire avec la Principauté ne saura finalement qu’un feu de paille. Viré comme un malpropre en octobre 2006, son matricule en prend même un coup par rapport aux déclarations de certains de ses joueurs qui, dans ces cas là, préfèrent souvent se dédouaner : « Il faisait preuve de discrimination entre les joueurs. Le départ de Bölöni est une grande satisfaction. J’en avais plus que marre. Ce qui se passait au club était inadmissible. Je ne comprenais rien à ses reproches. Cela le faisait rire quand je demandais de jouer à mon vrai poste. Mais il parlait dans mon dos. Il est même allé voir des joueurs pour leur dire qu’il ne savait pas où me mettre et que je n’entrais pas dans son schéma [...]. J’ai un statut, je suis international » avouait Yaya Touré au lendemain de l’éviction de son entraîneur.
Un an plus tard, Bölöni choisi une piste exotique en rejoignant Al Jazira Abu Dhabi (Émirats arabes unis). Avec le renfort de Bonaventure Kalou, il termine vice-champion de la Ligue nationale Etsilat avant de rebondir en Europe. Malgré un énième intérêt de la fédération roumaine, il retrouve la Belgique, terre qui l’avait accueilli après son exil de son pays d’origine, en paraphant un contrat au Standard de Liège en juin 2008. Après l’obtention d’une coupe nationale, Bölöni remporte le titre honorifique de « meilleur entraîneur de l’année 2009 ». Une saison conclue par le dixième titre de champion de Belgique de l’histoire du Standard de Liège. Tout allait bien avant que les mauvais résultats ne contraignent Bölöni et la direction liégoise à se séparer à l’amiable, malgré une prolongation signée quelques semaines plus tôt.
Même infortune à Al Wahda où il s’assiéra seulement deux fois sur le banc de touche de la formation des Émirats arabes unis, alors qu’il avait été initialement recruté pour que le club arabe fasse bonne figure à la Coupe du monde des clubs. Rigide, l’homme est souvent contesté par ses coups de sang, ses méthodes qui détonnent dans un milieu où la susceptibilité est de mise. Une austérité entretenue par son vécu qui s’équilibre bien face à la sympathie du personnage. Souvent en conflit avec ce dernier, Olivier Monterrubio ne nie pas que tout ne fut pas tout rose avec le Roumain. Mais, l’ancien rennais lui a rendu hommage lorsqu’il a appris son retour en France, et plus précisément au RC Lens l’hiver dernier : « C’est quelqu’un de très rigoureux dans son travail. Mais contrairement à l’impression qu’il peut donner, il est également capable de se lâcher, de plaisanter avec les joueurs, une qualité très importante dans un groupe. Il n’ira peut-être pas forcément vers les joueurs, mais si on a quelque chose à lui dire, la porte de son bureau est toujours ouverte ». La méthode a fait ses preuves. Et elle permet actuellement au RC Lens d’espérer de se maintenir, ce qui était loin d’être acquis avant son arrivée. C’est un peu ça l’effet Bölöni.
- "Mulţumesc László" (traduction : "merci László")
Notes[1] Pour la petite histoire, le gardien roumain Helmut Duckadam arrêta les quatre premiers tirs aux buts du Barça. Héros de tout un pays et du... Real Madrid, il reçoit, en guise de remerciements, une voiture d’une marque allemande de la part du président madrilène. De retour en Roumanie, il est convoqué par Nicu Ceauşescu, fils du dictateur, afin que le gardien des « Roş-Albaştrii » lui donne son bien. Refusant cette requête, sa carrière sportive prend fin quelques semaines plus tard après la visite de la police secrète roumaine qui lui cassa tous les doigts et les deux poignets. Ce jour là, Duckadam dira définitivement adieu au football professionnel.
[2] Lors de ses deux premières épopées en Coupe d’Europe, Rennes s’était qualifié à la suite de victoires en Coupe de France (1965, 1971)
Thomjez
23 février 2011 à 16h28Laszlo était un pur hongrois de Roumanie, faudrait penser à renommer le topic en « Köszönom szépen Lazslo », ça lui ferait un peu plus plaisir, non ? :)
Louis G
23 février 2011 à 17h06Ce monsieur Boloni connait bien le Stade Rennais...nul doute que le match du WE prochain sera bien préparé car les lensois ont un besoin impératif de points pour se maintenir en Ligue 1 et l’entraineur sera content de se faire rappeler à son bon souvenir !!...c’est un match a prendre très au sérieux par Rennes, comme tous les matchs à venir pour se maintenir dans le peloton de tête !!...
Gilles
23 février 2011 à 17h59Bel article excepté une expression :
Un virage à 360 degrés, ce qui fait un tour complet sur soit même, ce qui ne constitue pas un tournant... essayez un autre angle, 90 ou 180 :-)
boogerman35
23 février 2011 à 18h40Je ne me souvenais pas de cette déclaration de Patrice Evra !!à part jouer au foot, ce mec n’a rien dans le crâne !!
boogerman35
23 février 2011 à 18h44Sinon pour ce weekend, c’est sur que le match sera bien préparé mais après le collectif lensois est beaucoup plus faible, il pourront pas espérer mieux que le nul. Ils nous ont pas battu depuis 10 matchs et Boukari va faire le but classique contre son ancien club !a l’image de Benzema hier et de moussa sow en début de saison !Le match qui m’inquiète c plus Montpellier à l’extérieur !
portugais35
23 février 2011 à 19h30Evra me fera toujours rire !!!
Allez Rennes !!!
Diabolo35
23 février 2011 à 20h38J’allais faire le même commentaire que Gilles sur l’expression « virage à 360° », erreur souvent faite et qui me fera toujours rire.
Sinon, très bel article, et hommage à Monsieur Laszlo : même si il ya eu des matches très ennuyeux (ne l’oublions pas), il y a eu effectivement du football champagne avec les Frei, Monterubio, KK, Gourcuff, ... Bref un bilan globalement très positif.
Méfiance contre Lens, qui a la rage après la défaite de Samedi.
NB : Je me rappelais très bien de l’exploit de Dukhadam en finale la Coupe des Clubs Champions (ancêtre de la Champion’s League), mais je ne connaissais pas la suite, ou je l’avais oublié. Merci pour cette « anecdote » sidérante.
Guéna du 22
23 février 2011 à 21h22Bonsoir à tous supporters du SRFC, je voudrais faire part de quelques souvenirs de cet époque :
Javais pu lire sois dans le télégramme ou ouest france ce fameux titre « boloni le guy roux de l’ouest... » et Rennes vennais de vendre (je n’ai pas vérifier sur le net...)Cech,Gourcuff,frei et Kallstrom ??? moi naif, et fidele a notre coach roumain , je me suis dis que le recrutement rennais va vraiment déchirer et avec le centre de formation qu’il y avait,future équipe à fiere allure... why not et Lazlo est parti pour les tunes à monaco....???
Désolé mais à l’époque j’ai eu vraiment les boules.
Mais je ne lui enleverai rien à tout ce qu’il a fait pour rennes(instaurer une dicipline qui manquait cruellement a Rennes depuis plusieurs années !!!)
Amis supporters du Stade Rennais, je commais peut etre des erreurs, car à ce moment là j’était en nouvelle calédonie, et mes souvenirs et mon objectivité n’était peut etre pas proche de la réalité...
Allez, je vous souhaite une bonne soirée devant Marseille MU, et espérant que l’on prenne trois points contre nos amis chtis, car le mois de mars va nous etre tres tres difficil et décisif, je le pense pour notre future place européenne.
Tous ensemble et soyons unis pour supporter nos jeunes.
Kénavo et vive la galette saucisse !!!!
Guéna du 22
the miz
23 février 2011 à 22h56En ce qui concerne Duckadam,rien n’a été prouvé,il semblerait qu’il avait un problème au bras et des problèmes sanguins.
Le mystère demeure toujours mais il y a eux tellement de versions différentes.
Nicopicolo
24 février 2011 à 04h30Lazlo. C’est pas le Comte Dracula, avec une belle équipe il a fait qoui ? Mieux que Lacombe, restes à Dinard ! Guy de mes c***^ ! la coupe de France,tu l’as oubliée !
POKOU 56
24 février 2011 à 09h32suis daccord avec gilles pour le viage a 360° Cela m a sauté aux yeux , mais on te pardonne cette petite erreur de jeunesse , mon cher boris, car la qualité de tes articles sont indeniables et c’ est ! toujours un plaisir de te lire.
Pour Laszlo , c est un entraineur qui arrivé au bon moment a Rennes. Et lui a apporté la Rigeur necessaire , un peu comme Antonetti aujourdh ui.
Tous les grands entraineurs sont autoritaires , cela force le respect et la discipline dans un groupe souvent jeune.
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