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Stade rennais - Bordeaux : l’oeil de Théo Rauzy

Thomas Rassouli 18 janvier 2022 à 10h38 12 commentaires

C’est votre nouvelle rubrique sur Stade rennais Online. Passé chez les jeunes du SRFC et aujourd’hui éducateur au CO Pacé, titulaire du BEF et membre de la commission technique du District de football, Théo Rauzy vous donne quelques clés tactiques observées lors des rencontres du Stade rennais. Après l'étincelante victoire de Rennes face à Bordeaux, voici l’oeil de Théo.

« Qu’est-ce que vous faites mercredi prochain ? - Rien… - Parfait ! ». Au sortir d’un match raté et ennuyeux face à Lens symbole de la passe difficile du Stade Rennais, les Rouge et Noir tenaient le parfait adversaire pour se relancer à l’heure du déjeuner dominical. Des Girondins de Bordeaux avec une bonne tête de vainqueurs victimes expiatoires se présentaient au Roazhon Park pour cette 21ème journée de championnat.

Une belle occasion que les Rennais n’ont pas laissé filer avec une victoire 6-0 au terme d’un match totalement maîtrisé. Si la faiblesse de l’adversaire peut inciter à relativiser cette large victoire, elle n’en reste pas moins intéressante d’un point de vue tactique, avec des choix payants de la part de Bruno Génésio et de son staff. Analyse.

Les compos :

Rennes (1-4-4-2) : Alemdar - Melling, Badé, Omari, Assignon - Bourigeaud, Martin, Santamaria, Doku - Terrier, Laborde

Bordeaux (1-4-4-1-1) : Costil - Mangas, Mexer, Gregersen, Pembelé - Oudin, Sissokho, Lacoux, Hwang - Adli – Niang

Le retour au 1-4-4-2

Le premier choix remarqué en avant-match est le retour à ce système qui avait porté ses fruits en début de saison (victoires éclatantes contre Clermont, Paris ou Metz entre autres…) mais qui avait été abandonné au profit d’un 1-4-3-3 depuis le match mémorable contre Lyon. S’il permettait de donner plus de libertés offensives à Majer et Tait, grâce à la sentinelle Martin située derrière eux, les blessures ou méformes des deux créateurs ont finalement poussé Génésio à revoir ses plans en ajoutant un attaquant axial et en instaurant un double pivot Martin-Santamaria au milieu. Plusieurs effets positifs se sont fait ressentir hier.

  • Avoir deux attaquants pouvant attaquer la surface depuis l’axe sur les situations de centre.
  • Rendre les courses de Laborde plus utiles. Le Montois a tendance à se déplacer énormément le long de la ligne défensive et en profondeur. Cependant, sa vitesse relativement moyenne n’en fait pas un joueur pouvant facilement être trouvé en profondeur pour rompre la dernière ligne. Ces courses sont donc plus efficaces pour ouvrir des espaces qui bénéficieront à un second attaquant.
  • Faciliter le pressing. Si les courses de Laborde sont plus utiles avec deux attaquants quand Rennes a le ballon, on peut penser la même chose quand les Bretons ne l’ont pas. Avec le positionnement d’un deuxième attaquant, ce ne sont plus à nos milieux relayeurs de venir presser le deuxième arrière central sur des courses plus longues et effectuées avec de moins en moins d’intensité au fil des semaines. La pression est donc plus forte sur les défenseurs adverses, même si cela peut nous rendre plus vulnérables au milieu, notamment face à des équipes plus habiles que les Girondins…
  • Se montrer dangereux en contre-attaque. Avec des Bordelais réduits à 10 et courant (trottinant) après le score, la deuxième mi-temps a donné lieu à un bon nombre de situations de contre-attaques qui ont été facilitées par le système à deux attaquants, pouvant combiner, être touchés en point d’appui, en profondeur, ou attirer plusieurs joueurs sur eux pour libérer des espaces sur le côté.
  • Des rôles qui correspondent mieux à Santamaria et Martin. Aligné en relayeur dans une position parfois très haute sur le terrain face à Lens, Santamaria est redescendu d’un cran au côté de Jonas Martin hier. S’ils ne disposent pas des qualités techniques et de création pour jouer vers l’avant qu’a pu montrer Majer lors de sa rentrée, Les deux joueurs ont brillé par leur discipline et leur sobriété. Situés proche l’un de l’autre ils ont donné de l’équilibre à l’équipe tout en s’assurant de pouvoir jouer simple et rapidement. Leur bonne lecture du jeu et leur capacité à suivre les mouvements du bloc équipe pour défendre en avançant leur a par ailleurs permis de récupérer un certain nombre de ballons.

Les carrés rennais

Au delà du système et de la prestation indigente d’une équipe Bordelaise réduite à 10 pendant toute la 2ème MT, l’animation offensive Rennaise fut très intéressante lors du premier acte. Jetons un œil sur une des spécificités du projet de jeu Rennais et l’utilisation de certains espaces bien définis par le staff et les joueurs.

Bordeaux défend en zone dans un 1-4-4-2. Doku, positionné en haut du carré (espace imaginaire situé entre les deux arrières et les deux milieux adverses d’un même côté) attire l’attention de 3 joueurs. Ce positionnement profite à Assignon qui est servi par Omari.

Profitant du bloc de Laborde qui stoppe sa course pour empêcher Mexer de défendre, Assignon lance Doku dans l’espace. Ce dernier sert Martin Terrier en retrait pour la première grosse occasion du match.

Quelques minutes plus tard, c’est au tour de Bourigeaud d’occuper cet espace de l’autre côté du terrain.

Bourigeaud se rend disponible à l’intérieur du carré. Badé ne prend pas le risque de jouer dans l’intervalle et sert Melling. Malheureusement, la passe de droitier de Badé arrive un peu dans le dos de Melling et ne lui permet pas d’enchaîner vers l’avant.

L’occupation de ces zones génère donc une supériorité « positionnelle » malgré une infériorité numérique, ce que l’on peut remarquer encore ci-dessous.

Doku attire l’attention de 3 joueurs tout en prenant l’information sur le positionnement d’Assignon. Le latéral gauche Bordelais n’a plus personne à marquer.

Enfin, ce qui fait la force de cette équipe rennaise est de savoir varier afin de créer de l’incertitude chez l’adversaire. Ainsi, nous voyons ci-dessous que les rôles s’inversent parfois avec les latéraux Assignon et Melling occupant cette zone intérieure, laissant le couloir à Doku ou Bourigeaud.

Le jeu vient du côté gauche, Badé ayant transmis le ballon à Omari. Assignon décide de faire un appel à contre-pied et de venir occuper le carré. Doku s’adapte et se rend disponible le long de la ligne de touche pour recevoir la passe du Franco-Comorien.

Si sur toutes les situations précédentes, les porteurs de balle ont décidé de contourner le bloc Bordelais, ils ont été capables à de rares occasions de trouver le joueur dans le carré par une passe dans l’intervalle, comme Omari ci-dessous.

Assignon situé en haut du carré, le latéral gauche Bordelais ne vient pas défendre sur lui. Trouvé par Omari, il a le temps de se retourner pour jouer vers l’avant. A noter le positionnement de Laborde et Guirassy qui accaparent l’attention des deux arrières centraux adverses en sortant de leur champ de vision.

L’occupation de ces zones par différents joueurs et notamment par les latéraux est une force de l’équipe de Bruno Génésio avec des joueurs arrivant souvent en mouvement et dans le bon timing dans ces zones, rendant plus complexe la tâche de l’adversaire pour défendre et réagir vite. On pourra quand même regretter la tendance d’Omari et surtout de Badé à privilégier des passes de contournement et à trop rarement trouver le joueur à l’intérieur du carré. Par ailleurs, Bordeaux n’a pas su s’adapter et aurait très certainement pu défendre différemment et avec plus d’agressivité sur les porteurs de balle.

Si la prestation d’ensemble est très satisfaisante avec des changements qui ont complètement porté leurs fruits, le triste visage affiché hier par une équipe de Petkovic peu combattive et réduite à 10 en seconde période incite à la modération.

A confirmer donc dimanche prochain face à une équipe clermontoise qui avait subi le même sort (6-0) au Roazhon Park il y a quelques mois.

Par Théo Rauzy

12 commentaires

  1. philig
    18 janvier 2022 à 12h20

    merci pour cette nouvelle rubrique et toutes ces explications.

  2. un supporter
    18 janvier 2022 à 15h03

    Osés les théories de Théo Rauzy ?
    Nous dirons plutôt carrées et bien dosées.
    Allez Rennes

  3. candide
    18 janvier 2022 à 15h28

    Enfin quelqu’un qui sait de quoi il parle et qui n’a pas la prétention de mettre des notes scolaires aux joueurs qui appliquent les directives et les schémas du coach. Merci Théo ainsi que SRO.

  4. Xavier
    18 janvier 2022 à 18h29

    Sympa toutes ces informations. Ha j’aurais adoré jouer avec des tacticiens de la sorte. Tout cela est bien beau mais avec des joueurs en excellente condition physique...ce qui n’était certainement pas le cas à Nancy, les repas de fin d’année étaient loin d’être digérés.

  5. sno35
    18 janvier 2022 à 18h44

    Merci, très intéressant :-))

  6. CondateFan
    18 janvier 2022 à 18h46

    Tiens, après la maison lensoise de la semaine dernière, voilà le carré bordelais.
    Bon, pourquoi pas. Même si dans le cas présent et d’après les six photos d’illustrations, on a juste affaire à un traditionnel « jeu entre les lignes ». Et même si on leur a mis la tête au carré, le positionnement des bordelais leur permet de couper les lignes de passes et ainsi empêcher le ballon de toucher les Rouge et Noir dans leur pré carré. D’où le contournement du bloc dans la plupart des cas.
    Quant au latéral qui « repique » dans l’axe (fig5), Bruno s’inspire de Pep, qui lui même a fait du neuf avec du vieux en remettant au goût du jour le 2-3-5 sur phase offensive.
    Une attaque à deux favorise-t-elle les qualités de Laborde ? Bah carré ment. Comme démontré par Theo Rauzy au début de l’article.
    En tout cas espérons qu’après le carré ce ne soit pas la croix et la bannière à Clermont.

  7. Xavier
    18 janvier 2022 à 20h51

    ça pourrait être une belle rubrique à condition de ne pas être censurer !!

  8. Nils
    18 janvier 2022 à 22h49

    Xavier > De quoi donc parles-tu ?

  9. Kévin34
    18 janvier 2022 à 23h14

    Oups ! C.’est dur à assimiler tout ça.
    Peut-être un peu trop scientifique pour mon pov ’ cerveau .
    Les bordelais couraient comme des poulets sans têtes et Rennes a joué facile .
    Contre Clermont ce ne sera pas la même limonade .
    On en reparle dimanche soir ?
    Kévin34

  10. maurice
    18 janvier 2022 à 23h59

    Très belle démonstration de ce qui peut être travaillé à l’entraînement et quel plaisir ce doit être pour Génésio de voir se concrétiser l’aspect tactique sans cesse peaufiné dans ce fameux jeu en triangle.
    Mais pour cela, il faut des joueurs à leur meilleur niveau le jour J comme cela a été le cas dimanche où on assiste à une démonstration de football.
    Mais dans cette équation, deux paramètres non négligeables sont à prendre en compte :
    - l’adversaire qui, lui-même dissèque le jeu rennais pour mieux l’annihiler et couper ce fameux triangle (Lille, Nice) Bordeaux ayant été un adversaire bienveillant.
    - réitérer ce genre de production avec la même intensité, ce même bloc-équipe, cette même concentration pour ne surtout pas casser la fameuse dynamique.
    Le match à Clermont nous en dira beaucoup plus sur la capacité de l’équipe à reproduire un tel match.

  11. Exigeant
    19 janvier 2022 à 10h23

    Autant je respecte ces théoriciens du jeu et suis bluffé par leurs superbes démonstrations, autant je pense que beaucoup de grands joueurs jouent plutôt à l’instinct qu’en récitant des leçons de tactiques apprises au tableau noir (en appliquant toutefois les grandes orientations données par le coach avant ou pendant le match).
    Mais j’avoue que beaucoup de choses ont évolué dans le foot depuis la lointaine époque où je pratiquais...et c’est sans doute tant mieux.
    Tenez, aujourd’hui on peut considérer que ce qu’on appelait autrefois un arrière, est un bon joueur s’il participe souvent à des phases offensives même si celles-ci ne sont pas toujours fameuses, et bien qu’il soit très moyen dans ses responsabilités défensives.

    Pour revenir au débat jeu récité ou jeu d’instinct (on disait « l’intelligence de jeu »), je crois que quelqu’un comme Ribery, excellent dans le jeu sans ballon, c’est à dire toujours bien placé pour recevoir le ballon dans les conditions les plus intéressantes pour l’équipe, était loin d’être un automate appliquant des consignes strictes apprises en salle ou sur un terrain d’entraînement.
    Je me trompe peut-être totalement.
    Et j’ai beaucoup apprécié la démonstration de M. Rauzy, et j’en redemande...

  12. Gastineau
    19 janvier 2022 à 15h42

    Bien lu et bien expliqué

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