L’Atlético Madrid à la loupe

Ligue Europa, Stade Rennais - Atlético Madrid, jeudi à 19h00. Pour son second match de groupes de la Ligue Europa, Rennes reçoit l’Atlético Madrid, vainqueur de la compétition en 2010. Gary Dunn, fondateur et webmaster du site web madridatleticos.com, vous présente le prochain adversaire des « Rouge et Noir ».

Histoire

Le Club Atlético de Madrid, S.A.D., plus connu sous le nom d’Atlético Madrid, est le second club de la capitale espagnole, et le troisième club le plus titré d’Espagne derrière les géants du FC Barcelone et du Real Madrid.
Il est fondé en 1903 sous le nom d’Athletic Club de Madrid par trois étudiants basques installés à Madrid et désirant en faire une branche de leur club favori, l’Athletic Bilbao. Rapidement, l’Athletic est rejoint par des membres dissidents du Real Madrid, et le club se développe, arborant les couleurs bleues et blanches de Bilbao.
En 1911, le club change ses couleurs pour le maillot rouge et blanc qui est encore le sien aujourd’hui. Plusieurs théories s’opposent sur l’origine de ce changement, mais l’Atlético Madrid trouve ses couleurs historiques et bientôt son surnom, les « Colchoneros » (Matelassiers) en référence aux rayures rouges et blanches communes aux maillots du club et au motif le plus usité pour les matelas de l’époque.
Trois fois vainqueurs du Campeonato del Centro (championnat régional du centre de l’Espagne) au cours des années 1920 et finaliste de la Coupe d’Espagne en 1921 et en 1926, face à l’Athletic Bilbao, l’Athletic Club de Madrid est logiquement invité à rejoindre la première ligue professionnelle espagnole, la Primera Division, en 1928 pour sa saison inaugurale.

Après quelques saisons ponctuées de promotions et relégations régulières, le club devenu Athletic Aviación de Madrid, remporte son premier titre de champion d’Espagne en 1940 et récidive un an plus tard, dans le sillage de Ricardo Zamora et German Gomez, respectivement entraineur et capitaine, deux figures emblématiques du club.
Devenu le Club Atlético de Madrid en 1947, les Rojiblancos vont connaitre leur âge d’or, remportant deux nouvelles Liga en 1950 et 1951 sous les ordres d’Helenio Herrera. Légèrement en retrait du Real et du FC Barcelone après le départ d’Herrera en 1953, l’Atlético reste le troisième club du pays et profite de la victoire du Real Madrid en Coupe d’Europe pour s’y qualifier et en atteindre les demi-finales en 1958, ne perdant qu’au match d’appui face au Real de Kopa et Di Stéfano.

L’Atlético va bientôt obtenir sa revanche cependant, puisque le second club madrilène est alors la seule équipe à-même de menacer l’hégémonie de la « maison blanche » durant les années 1960 et 1970, gagnant quatre titres en Liga pour trois secondes places, et remportant trois coupes d’Espagne ainsi que la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe 1962.
Finaliste de la Coupe d’Europe des clubs champions en 1974 (pour une défaite 4-0 contre le Bayern), l’Atlético reste une force majeure en Espagne mais rentre dans le rang derrière les deux monstres du football hispanique, gagnant malgré tout une Coupe d’Espagne en 1976 et la Liga en 1977, avant d’atteindre une nouvelle finale de Coupe des coupes, perdue contre le Dynamo de Kiev en 1986.

En 1987, Jesús Gil arrive aux commandes du club madrilène avec l’ambition de ramener les Rojiblancos au sommet, et la surenchère réalisée par le nouveau président sur le marché des transferts permet au club toucher du doigt son passé glorieux, remportant deux coupes d’Espagne supplémentaires en 1991 et 1992, et surtout en réussissant le doublé coupe-championnat en 1996. La gestion catastrophique de Gil et son implication dans des affaires de corruption rattrapent cependant le club les années suivantes, et en 2000, le club est relégué en Segunda Division.
Remonté en Liga deux ans plus tard, l’Atlético se reconstruit alors patiemment avec l’apport de l’un de ses entraîneurs emblématiques, Luis Aragones, et l’arrivée d’une nouvelle génération de jeunes joueurs talentueux menée par Fernando Torres. Depuis, menée par des joueurs tels que Diego Forlan, Sergio « Kun » Agüero ou aujourd’hui Radamel Falcao, l’Atlético Madrid se rapproche quelque peu de son glorieux passé, faisant figure de sérieux client en Liga, derrière le FC Barcelone et le Real Madrid, et redoutable sur la scène européenne, comme le prouve leur victoire en Ligue Europa 2010.

Contexte et tactique

L’été dernier fut une ère de changement pour l’Atlético Madrid, après le remplacement de l’entraineur Quique Sanchez Flores par Gregorio Manzano. Il était notamment reproché à Flores de ne pas avoir su régler de nombreux problèmes dans le jeu, bien que la victoire en Ligue Europa 2010 ait masqué le plus gros des manques de l’effectif madrilène.
Manzano, qui fait son deuxième passage aux commandes du club après une première pige lors de la saison 2003-2004, n’a pas été un choix des plus populaires auprès des fans de l’Atlético, certains craignant qu’il impose un style de jeu en désaccord avec les valeurs du club. Cependant, il est réputé pour ses qualités de meneur d’hommes et sa capacité à transcender ses joueurs pour les grandes occasions.
Avec les départs de Kun Agüero, Diego Forlan et David De Gea, certains commençaient déjà à craindre que la saison des Colchoneros s’apparente à un long combat pour le maintien, mais une série de gros transferts (Diego, Falcao, Turan) ont redonné du baume au cœur des supporters de l’Atléti.

Manzano est adepte d’une formation en 4-3-3 offensif assez similaire à celle prônée par Frédéric Antonetti. Il aime voir son équipe remonter la balle en partant de la défense par un jeu fait de passes à ras-de-terre, et garder la possession du ballon. Lorsque le ballon est perdu, l’équipe a pour instruction de presser haut et en nombre afin de le récupérer. Pour le moment, le nouveau style de jeu de l’Atlético a plutôt convaincu les fans, mais ce n’est que le début de la saison, et le match du week-end dernier contre Barcelone a montré au grand jour les limites actuelles de l’équipe madrilène.
Avec de nombreuses arrivées dans les derniers jours du mercato, il doit être pris en compte que les nouveaux joueurs de l’équipe sont encore en phase d’adaptation au jeu de leur nouveau club, et Manzano lui-même n’a pas encore complètement déterminé son onze idéal pour la saison en cours, avec un turn-over assez conséquent depuis le début de la saison. Un turn-over qui pourrait se répéter tout au long de la saison cependant, puisque pour la première fois depuis plusieurs saisons, le club possède un effectif suffisamment fourni pour permettre à l’entraineur de ménager, faire tourner ou même laisser de côté des joueurs importants sans que les performances du club ne soient affectées outre-mesure.

Pour Manzano, le plus important est que son système de jeu soit bien intégré par ses joueurs, et il répète régulièrement que les joueurs s’adapteront à sa disposition tactique, et non l’inverse. L’influence des latéraux et leur entente avec les ailiers est l’une des satisfactions de ce début de saison, et l’arrivée de Radamel Falcao tend à justifier l’utilisation fréquente des ailes pour centrer vers la tête du goleador colombien. Mais l’Atlético ne se résume pas à une équipe de centreurs monomaniaques, et les milieux axiaux de l’équipe sont capables d’ouvertures lumineuses vers leurs partenaires de l’attaque pour créer des situations dangereuses.
Le point faible de l’Atlético Madrid ces dernières années, sa défense, a également été remaniée, même si elle reste parfois hésitante et fébrile, notamment à la réception de longs ballons dirigés vers la surface de réparation. Cependant, la claque reçue au Camp Nou ce dimanche ne doit pas être prise en exemple puisque le FC Barcelone a infligé des défaites similaires aux plus grands clubs d’Espagne, y compris le Real Madrid de José Mourinho.

Poste par poste

Gardiens : La présence de Thibaut Courtois est quasi-certaine. Le jeune portier belge était ciblé par l’Atlético pour devenir le successeur de David De Gea, transféré à Manchester United, mais le club Madrilène fut battu par Chelsea sur ce dossier, avant que le club londonien n’accepte de le prêter pour une saison à l’Atlético. Depuis, Courtois a réussi un excellent début de saison et a déjà gagné le cœur des supporters des Colchoneros, qui espèrent que son prêt puisse se muer en transfert au terme de la saison.
Derrière lui dans la hiérarchie, Joel Robles était considéré par beaucoup comme le successeur naturel de De Gea, mais le club en a décidé autrement. Un autre choix possible est Sergio Asenjo, l’éternel blessé. Asenjo fut autrefois surnommé le "nouveau Casillas", mais des performances inégales et des blessures ont mis sa carrière en péril. Une place sur le banc est probablement ce qu’il peut espérer de mieux.

Défense : Le talon d’Achille de l’Atlético depuis plusieurs saisons. Une amélioration statistique était visible jusqu’à ce week-end, lorsque l’Atlético possédait la meilleure défense de Liga, mais le Barça est passé par là ! Difficile de comprendre pourquoi Manzano a modifié le week-end dernier une défense qui restait sur trois matchs sans concéder de but. Le latéral droit Silvio a été l’une des révélations du club depuis son arrivée, mais il a été handicapé par quelques légères blessures. S’il devait manquer ce match, il serait remplacé par l’international colombien Luis Perea, qui peut également jouer au poste de défenseur central. Joueur courageux et volontaire, Perea est cependant également connu pour quelques erreurs défensives grossières.
Alvaro Dominguez a connu un bon début de saison récompensé par une sélection avec l’équipe d’Espagne. Il est aujourd’hui le premier choix au poste de défenseur central. À ses côtés, l’ancien sochalien Miranda a les faveurs de Manzano à défaut d’avoir celles du public madrilène. L’international uruguayen Diego Godín n’a que peu joué cette saison, et sa piètre performance contre Barcelone n’a certainement pas convaincu Manzano qui devrait donc, selon toute vraisemblance, aligner Miranda contre Rennes.
Sur le côté gauche, Filipe, qui était ménagé contre Barcelone, devrait être rappelé pour remplacer Antonio Lopez, décevant ce week-end. Antonio Lopez est le capitaine de l’équipe, mais il n’est pas un membre régulier du onze-type de Manzano.

Milieu et attaque : L’Atlético est particulièrement riche dans ces deux secteurs. Le système en 4-3-3 de Manzano inclut un buteur seul en pointe, accompagné par deux milieux offensifs sur les ailes et trois joueurs de soutien au milieu de terrain.
Mario Suarez est le premier choix au poste de milieu défensif, et il sera accompagné de Gabi ou peut-être Tiago si le coach madrilène décide d’aligner sa meilleure équipe. Koke et Assunção sont deux autres candidats potentiels pour jouer à ce poste.
Devant, José Antonio Reyes devrait occuper le flanc droit tandis qu’Arda Turan débutera sur l’aile gauche. Arda Turan a commencé son passage à l’Atlético de manière très positive, et bien qu’il ne profite pas du même traitement médiatique que certains de ses coéquipiers, tous sont unanimes pour reconnaitre ses immenses qualités. Diego, l’ancien meneur de jeu emblématique du Werder de Brême, a joué ce week-end après son retour de blessure, mais il pourrait rester sur le banc pour ce match.
Parmi les autres joueurs susceptibles de débuter ce match aux postes de milieux offensifs, il faudra notamment garder un œil sur les jeunes argentins Savio et Juanfran, qui devraient prendre place au minimum sur le banc des remplaçants. Le jeune attaquant Adrían a également montré de belles choses lors de ses précédentes entrées en Ligue Europa. Adrían a remporté le Soulier d’or lors du Championnat d’Europe espoirs qu’il a gagné avec l’Espagne cet été, et a réussi quelques passes décisives importantes lors des tours de qualification de Ligue Europa. Il pourrait être utilisé pour percuter la défense rennaise, mais devrait cependant commencer le match sur le banc, tandis que Radamel Falcao commencera le match en pointe.
Falcao affronte une tâche immense puisqu’il doit combler à lui seul le vide laissé par les départs de Kun Agüero et Diego Forlán cet été. Pas de quoi effrayer l’attaquant colombien, qui a déjà réalisé quelques performances de très haute volée depuis le début de la saison pour l’Atlético. Il est plus qu’un bon joueur de tête, et Rennes devra le surveiller de très près à chaque instant.

Un homme à surveiller : Radamel Falcao

Faut-il encore le présenter ? Le "Tigre" a terminé la saison dernière avec le titre de meilleur buteur de l’histoire de la Ligue Europa sur une saison, battant l’ancien record de Jürgen Klinsmann (15 buts) avec ses 17 réalisations. Sur les tablettes des plus grands clubs européens, le serial-buteur colombien a surpris tout son monde en rejoignant l’Atlético Madrid. Falcao est particulièrement réputé pour son jeu aérien phénoménal, mais son talent ne s’arrête pas là, comme le prouve son but contre le Sporting Gijon : recevant le ballon, il contrôle alors, élimine la défense adverse et bat le portier de Gijon d’un joli tir croisé.
Buteur cinq fois en cinq matches cette saison, Falcao a également débloqué son compteur en Ligue Europa avec un but lors de la victoire de l’Atlético face au Celtic Glasgow. La défense rennaise devra être aux aguets, car le « Tigre » ne manque que rarement le cadre lorsqu’il reçoit le ballon dans la zone de vérité.

Merci à Gary Nunn (http://www.madridatleticos.com/)
Crédit photos : telegraph.co.uk, Sergiolewin