Il fut un temps où Erminig ne brillait pas seule au royaume des mascottes du Stade rennais. Au début des années 2010, un autre costume parcourait la pelouse de ce qui s’appelait encore le stade de la route de Lorient : la Chips Brets. À l’intérieur alors, Pierre, 18 ans, vivant un rêve éveillé. Pour SRO, celui qui est aujourd’hui devenu ingénieur en Allemagne revient sur cet épisode savoureux de sa carrière. Entretien.
Comment devient-on mascotte du Stade rennais ?
J’avais 18 ans, et je m’étais inscrit dans une agence d’intérim à Chartres-de-Bretagne. J’avais fait voeu, s’il y avait des offres, de travailler au Stade rennais. Je m’attendais à ce qu’il y ait des offres pour la buvette, ou la restauration pour faire des frites ou des galettes saucisses. Puis une fois, je pars à la pêche avec mon oncle et on m’a appelé pour me dire qu’on avait un travail pour moi au Stade rennais. Et là ils me disent que c’est pour faire la mascotte. De base, j’ai cru que c’était pour faire Erminig. Et c’est après que j’ai compris que c’était pour faire la Chips Brets.
C’était une volonté de ta part en tant que supporter ?
Oui, j’ai toujours été fan de foot depuis longtemps, j’en ai fait, mon père m’a donné ma passion, et j’ai dû aller voir mes premiers matchs du Stade rennais vers 6 ans, en 1998.
Tu n’as donc pas hésite longtemps…
J’ai accepté direct. J’étais comme un fou, je n’y croyais pas. Je m’étais fait à l’idée de travailler dans la friture ou la boisson. Donc là, être mascotte, aller sur le terrain, c’était un peu un rêve de gosse qui se réalisait. Une fois que tu endosses le costume et que tu es sur le terrain, que tu approches les joueurs de près, c’est fou.
Comment s’est déroulé ton premier jour ?
Je suis arrivé trois heures en avance. C’est Julien Boucher (responsable évènementiel au Stade rennais, ndlr) qui m’a accueilli et m’a expliqué le plus important : comment gérer le ventilateur. Parce que dans le costume de la Chips, il y avait un système de ventilation qui prenait l’air de l’extérieur vers l’intérieur pour garder le costume gonflé. Le truc compliqué, c’est qu’il fallait bien enfoncer le ventilateur, et essayer de marcher à une allure convenable, régulière et linéaire, pour ne pas que le ventilateur se barre et que le costume de la Chips se dégonfle.
Ce qui t’es évidemment arrivé…
Oui… Une dizaine de fois en trois saisons. Et vu du stade, ça se voit. Ma mère a été en panique plusieurs fois en me voyant me dégonfler au milieu de terrain, elle pensait que j’étais en train de m’asphyxier, ce qui n’était pas le cas. Je passais juste pour un con, et il fallait remettre le ventilateur en marche.
Qu’est-ce que ça fait d’être au milieu du stade avant un match ?
C’est fou. Je pouvais me balader un peu partout. Ça faisait marrer mes potes en tribunes. Au milieu, l’impression de grandeur… Pour un jeune de 18 ans en plus, c’est là que tu te dis que les Eduardo Camavinga ou Désiré Doué, quand ils ont commencé à 16 ans… C’est juste impressionnant d’avoir environ 29 000 personnes autour de toi. Ça peut galvaniser mais aussi mettre une pression de fou pour un ado. C’est ce qui rend encore plus extraordinaire leur réussite pour moi.
Quelles péripéties pouvaient t’arriver pendant un match ?
J’en ai deux en tête. La première, c’est sur un avant-match de Rennes - Saint-Etienne en 2010 (21 août, 0-0, ndlr). Je passais derrière les buts et Dimitri Payet s’entraînait aux coups francs. Dans le costume, j’avais une grille devant les yeux, et je ne voyais qu’à 90 degrés, ce qui est vraiment limité. Je marchais derrière le but et je ne voyais pas le terrain, puis je reçois un ballon. Là, je vois Payet qui se marre. Je me dis qu’il ne l’a pas fait exprès. Je reprends ma marche, et je reçois un nouveau ballon. Là il était avec d’autres coéquipiers et tous se marraient. Finalement ils me visaient. (rires) Mais à ce moment, je ne me marrais pas trop, car eux ne savaient pas que j’avais mon ventilateur à gérer. Au final, j’ai même fini dans le « Temps Additionnel » du Canal Football Club.
La seconde, c’est encore avec un club visiteur…
Oui, face à Paris, en 2013 (6 avril, 0-2, ndlr). Il y avait déjà une belle équipe en face avec Pastore, Ibrahimovic, ou Nenê. Je me balade vers la zone d’entrée des joueurs et je sens une tape dans le dos. Je me retourne, c’était Thiago Silva et Marco Verratti qui essayaient de me parler en Portugais et en Italien. Je ne parlais ni l’un ni l’autre. Ils avaient l’air de bien se marrer (rires). J’avais hâte de les voir avant le match, et au final ils ont été très sympas, on a rapidement parler un peu français.
Tu côtoyais les joueurs du Stade rennais, mais aussi Erminig, qui arrive à cette époque là.
Oui, son truc c’était d’essayer de se chamailler avec la Chips Brets. Mais pareil, il ne devait pas savoir que j’avais le ventilateur à gérer. Ça amusait le public, mais pour moi c’était compliqué de m’occuper d’Erminig et du ventilateur ! En plus, je n’ai jamais rencontré la personne qui était dans le costume d’Erminig. On n’arrivait pas en même temps au stade.
Quelle température fait-il sous un costume comme celui-là ?
Très très chaud. Je dirais environ 30-35 degrés. En hiver j’étais en t-shirt dessous même s’il faisait froid dehors.
Combien de temps a duré cette aventure ?
Trois ans. J’ai fait ça de 2010 à 2013. J’étais en BTS à Lannion, et je faisais ce travail un week-end sur deux, pour les matchs à domicile. Ça s’est finit car je suis parti en études à Clermont-Ferrand.
Tu n’as jamais voulu être mascotte dans un autre club ?
Non ! Je suis Rouge et Noir à vie. J’ai ensuite déménagé à l’étranger, et quand tu y es, ton sentiment d’appartenance pour ton club est exacerbé. Ça vaut pour moi mais aussi mes amis ici à Francfort qui supportent d’autres équipes.
Tu aimerais le refaire un jour ?
Oui, complètement. Je signe tous les jours.
Quitte à incarner Erminig cette fois ?
Pourquoi pas ! Ce qui m’intrigue c’est comment lui voit dans sa mascotte. À l’époque il voulait tout le temps me plaquer, mais lui avait des bras (rires). En tout cas il fait super taf, quand il a mis le canari dans la poubelle durant le derby, c’était trop drôle.
Breizhou
20 octobre 2022 à 20h13Moi aussi je signe direct pour ce Job ??. J’irai chauffer le public..je ne serai pas du genre à me dégonfler ?
J’ai marqué face au RCK ce soir là
20 octobre 2022 à 21h07Bonjour à Pierre, et merci Thomas pour cette interview décalée mais authentique !
Désolé à Pierre pour cette mi-temps du Rennes-Lyon du 6 novembre 2011 où nous t’avons gentiment balancé par terre pendant notre tour de terrain concluant le challenge orange. On ne voyait pas ton ventilo...!
axeleden
22 octobre 2022 à 11h09En voyant le titre de cet article sur le coup j’ai dit « on s’en fout », et puis par hasard je retombe sur cette interview bien sympa, et beaucoup plus intéressante que celle de certains joueurs !
Merci Pierre et Thomas !
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