À tout juste 19 ans, le jeune parisien venu exercer le métier de footballeur au centre de formation du Stade rennais en 1995, est rapidement couvert d'éloges. Paul Le Guen, en entraîneur avisé et surtout en professionnel aguerri, donne sa confiance au jeune joueur dès son arrivée à Rennes. Retour sur le destin peu ordinaire de Fabrice Fernandes.
Sauvé in extremis la saison précédente grâce à un but du joker Kaba Diawara (victoire face à Toulouse, 1-0), lors de la dernière journée de championnat, le SRFC attaque l’exercice 1998-1999 avec d’autres ambitions. En effet, François Pinault est arrivé aux commandes du club en précisant rapidement l’objectif d’"un titre dans les 10 ans". Paul Le Guen succède ainsi à Guy David au poste d’entraîneur de l’équipe fanion du Stade Rennais FC. Rennes démarre alors sa saison avec le septième budget de France, soit 150 millions de francs (loin derrière le PSG et ses... 300 millions de francs).
Même une douloureuse béquille à la cuisse gauche, souvenir d’un tacle trop musclé de l’Auxerrois Danjou, n’arrive pas à calmer la joie savourée comme un gamin qu’il n’est plus. Celui qui allait prendre 19 ans au mois d’octobre se souviendra longtemps de son premier match en première division, le 8 août 1998 face à l’AJA de Guy Roux. Fabrice Fernandes, l’originaire de Pantin, est l’un des grands artisans de la victoire rennaise 1-0 (but de Laurent Huard). En titularisant d’entrée le benjamin du groupe, Paul Le Guen fait une bonne pioche. Fabrice est remplacé à la 88ème minute de jeu par Edouard Cissé et sort sous les applaudissements des 17 394 spectateurs qui garnissent les travées de la route de Lorient. Ce soir-là, Fabrice Fernandes a une pensée émue pour son père grâce à qui l’aventure a démarré. « Il jouait le dimanche matin avec les vétérans. C’est en allant avec lui au stade de Pantin que j’ai voulu devenir professionnel », explique t-il, têtu comme un Breton qu’il allait devenir en 1995. Patrick Rampillon le détecte à l’INF de Clairefontaine où il passera trois années, et décèle chez lui d’énormes qualités. Il fait tout d’abord ses classes dans les équipes de jeunes puis en CFA. Sa chance lui vient de Paul Le Guen, à qui il a tapé dans l’œil, et qui lui offre sa confiance lors des matches de préparation. Il crève alors l’écran face à Auxerre et donne ainsi raison à l’entraîneur breton, qui souhaite faire confiance aux jeunes formés au club.
En quelques semaines estivales, Fabrice Fernandes est passé de l’anonymat du CFA à la première division. Cependant, le jeune joueur natif de Pantin, à côté d’Aubervilliers, a encore beaucoup de travail à accomplir, à commencer par le développement de sa musculature. En effet, sa silhouette juvénile semble bien fragile face aux mensurations athlétiques de la quasi-totalité des rugueux défenseurs de D1. Ses principales qualités se reposant surtout sur son incroyable vivacité, lorsqu’il joue dans l’axe et à gauche, où vont ses préférences. Un départ en trombe qui prouve que Fabrice Fernandes n’a pas l’intention de musarder en route.
La semaine suivante, le jeune milieu de terrain inscrit son premier but en D1. Malgré la défaite 3-1 à Montpellier, le prodige stadiste réalise une magnifique prestation et étonne les observateurs. Il profite d’un centre au second poteau distillé par l’intenable Yoann Bigné sur le côté droit pour ouvrir son compteur but d’une sublime reprise de volée qui fait mouche. Il joue les quatre-vingt dix minutes. Une semaine plus tard, le SRFC s’impose face au Havre (2-1), et le jeune milieu offensif démontre une nouvelle fois l’étendue de son talent, au point même de faire penser à l’ex-Havrais Vikash Dhorasoo. C’est d’ailleurs lui qui sera à l’origine de l’égalisation stadiste en seconde mi-temps, après que celui-ci ait adressé un superbe centre sur lequel Shabani Nonda saute plus haut que les défenseurs normands pour égaliser. Fabrice distille une passe décisive et obtient un « 5 » (sur 6) dans France Football, qui le place d’ailleurs dans son équipe type de la troisième journée. C’est le début de la consécration ! Dans sa foulée, le club de la capitale bretonne réalise un très bon début de saison et se place tout de suite dans le haut de tableau du championnat. En l’espace de seulement trois rencontres, Fabrice Fernandes s’impose parmi l’élite du football au pays des champions du monde. Il est convaincant, ses dribbles et son culot enthousiasment le public de la route de Lorient. Le SRFC alors en pleine bataille juridique avec l’Inter Milan pour récupérer ses jeunes joueurs Mikaël Silvestre et Ousmane Dabo, voit un autre jeune pousse, pur produit de la formation rennaise, briller de mille feux. Ce milieu offensif gauche s’impose rapidement comme LA révélation rennaise du début de saison.
Il n’en faudra pas plus pour qu’il soit sélectionné par Raymond Domenech en équipe de France espoirs, en compagnie de trois autres joueurs stadistes, Anthony Réveillère, Yoann Bigné et Édouard Cissé. Il fait partie des trente joueurs convoqués et susceptibles d’affronter l’Islande pour le compte de la campagne des éliminatoires du championnat d’Europe de la catégorie. Mais il ne participera finalement pas à la victoire des Bleuets 2-0 (réalisations signées par Nicolas Anelka et Daniel Moreira).
Contre Strasbourg lors de la 4ème journée, il est encore au départ du but de Nicolas Goussé (1-1). Fabrice Fernandes n’en finit plus de surprendre. La journée suivante, le joueur stadiste découvre le majestueux Vélodrome, un grand moment dans la carrière naissante du jeune rennais. Les « Rouge et Noir » réalisent l’exploit de ramener un point de la Canebière (1-1). Quelques jours plus tard, il marque son deuxième but professionnel face à Bastia sur un coup-franc parfaitement réalisé de sa belle patte gauche (victoire 2-0), le tout devant sa famille présente dans les tribunes de la route de Lorient et venue spécialement de Pantin pour l’occasion. C’est assez pour entendre dire sur les bords de la Vilaine « qu’il y a du Keruzoré dans ce garçon-là » - sans doute grâce à sa façon très fluide de conduire la balle. « Il ne regarde pas ses pieds », « il a le sens du jeu et des ouvertures », « il sait éviter les coups comme seuls les grands joueurs savent le faire » sont d’autres commentaires entendus à son sujet. Excellent animateur sur le flanc gauche de son équipe, Fabrice enfile sa panoplie de buteur pour le plus grand bonheur des supporters « Rouge et Noir ». Après six journées, Rennes se positionne à la quatrième place à égalité de points avec Monaco, et l’ambition est clairement affichée : « Se qualifier pour une coupe d’Europe, n’importe laquelle ».
Dix-neuf ans et un talent fou, le jeune joueur ne se prend pas la tête pour autant. Il est cool, sur le terrain, dans la vie, et même... devant les micros et les caméras. Pourvoyeur de ballons du « nouveau Weah » Shabani Nonda, Fabrice Fernandes et le Stade Rennais cuvée 1998-1999 régalent et dominent l’AS Monaco des champions du monde en titre, Thierry Henry et David Trezeguet (2-1), devant un parc des sports euphorique comme rarement. Le « Rennes nouveau » conçu à l’intersaison tient la route, et tout cela pour la plus grand joie de messieurs Méhaignerie, Pinault et Blayau. Au soir de la dixième journée et après une courte victoire 1-0 (but de Nonda sur un corner tiré par... Fabrice Fernandes) dans le derby face à Lorient, le SRFC est troisième, classement qu’il conservera jusqu’à la mi-saison.
Rennes s’assure régulièrement la maîtrise du jeu en faisant circuler le ballon sur toute la largueur du terrain via des échanges de droite à gauche entre les milieux : de Gregoire à Fernandes en passant par Bigné et Cissé.
Rennes est fort ! Le Stade Rennais rend aussi à « dame chance » le mérite qui lui revient, comme à Toulouse où il l’emporte pour la quatrième fois d’affilée grâce à une réalisation d’un ancien toulousain. Dominique Arribagé, « le faux-frère », devient prophète en son pays, en marquant à la suite d’un coup-franc parfaitement adressé au second poteau par Fabrice Fernandes. Avec vingt-trois unités au bout de onze journées, c’est déjà six de plus que le SRFC 1997-1998 à mi-parcours. Par le biais d’une place de troisième après 990 minutes de jeu, l’équipe du Breton de Pencran fait même mieux que sa devancière de l’exercice... 1971-1972 ! Plus de trente ans que le Stade Rennais n’avait pas été à pareille fête... un océan de bonheur avec une parfaite communion entre l’équipe, les joueurs, le club d’une part et le public de l’autre. Fabrice Fernandes n’est d’ailleurs pas innocent dans cette réussite. Habile techniquement, il apporte ce petit plus qui manquait au Stade Rennais lors des dernières saisons. Toute la Bretagne, du Conquet à la Gravelle, de Pleumeur-Bodou à Damgan vit désormais au rythme des performances des coéquipiers du jeune prodige. Rennes écrase Sochaux 4-0 lors de la douzième journée et compte désormais six points d’avance sur le quatrième au général. Seule ombre au tableau, l’ennemi nantais vient s’imposer (2-3) en terre stadiste quatre journées plus tard. Après un dernier point glané en Moselle face à Metz (0-0), le SRFC arrache la médaille de bronze à la mi-championnat derrière Marseille et Bordeaux.
S’ensuit alors une période beaucoup plus délicate pour le jeune parisien. Peu épargné par les blessures durant l’hiver, Fabrice Fernandes ne joue plus pendant sept matches avec l’équipe première. Il évolue alors avec la réserve aux côtés de la jeune classe montante (des Dahoub, Ketchanke, Anis et consorts) et inscrit un but face à l’équipe B de Caen. Pendant ce temps, c’est un autre jeune joueur formé à Rennes qui pointe le bout de son nez au milieu de terrain, Cyril Yapi (le jeune morbihannais, originaire de Caudon, sera titularisé pour la première fois en D1 lors d’une rencontre face à l’OM au soir de la 21ème journée) ! Fabrice Fernandes retrouve enfin les terrains de D1 face à Nancy, lors de la vingt-cinquième journée de championnat, après avoir remplacé Stéphane Grégoire (87ème).
À cette période, le SRFC ne gagne plus et Paul le Guen lui préfère la recrue hivernale bretonne, Christophe Le Roux, joueur bien plus expérimenté que le jeune parisien. Ceci dit, il marque de nouveau face à ... Saint-Lô avec l’équipe de CFA. Auteur d’époustouflants débuts en D1, Fernandes ronge son frein et est finalement écarté de l’équipe première, ne jouant que huit minutes à Nantes lors d’une défaite 1-2 pour le compte de la trente-deuxième journée de championnat. Ses fantastiques débuts sous la tunique « Rouge et Noir » semblent désormais être de lointains souvenirs. Fernandes rentre dans le rang et le Stade rennais termine à la cinquième place du championnat.
Sur un plan personnel, Fabrice Fernandes aura joué 15 matches et marqué 2 buts. Sa deuxième saison professionnelle repart sur les mêmes bases que la fin de la précédente. L’équipe débute très mal sa saison et Paul Le Guen ne le confine pas dans son onze type. Il est pourtant titularisé lors de la sixième journée face à Monaco (victoire 2-1) et est remplacé à cinq minutes de la fin par Cyril Yapi. À force de persévérance, il regagne petit à petit sa place dans l’équipe titulaire et inscrit le troisième but de la victoire stadiste face à Sedan (5-0, dixième journée). Ce même soir, débarque un autre jeune prodige venu tout droit de l’équipe réserve... Makhtar N’Diaye. Ce dernier marque son premier but en D1 sur un coup-franc « platinien ». Fabrice Fernandes squatte régulièrement la feuille de match mais ne rentre qu’avec parcimonie sur le terrain, ou alors pour y disputer quelques minutes seulement. Il s’aguerrit toujours avec l’équipe B et inscrit un nouveau but face à la réserve de... Caen, puis quelques semaines plus tard face à Tours (5-0). Finalement, il ne jouera que très peu en D1 lors de sa deuxième saison (dix-sept rencontres pour un seul but). De son côté, le Stade rennais luttera jusqu’au bout pour acquérir son maintien parmi l’élite, et l’obtiendra lors de la dernière journée après une victoire capitale face à Metz (2-0). Au travers de cette saison quasi-blanche pour lui, Fabrice Fernandes tarde à confirmer les qualités entrevues lors de sa première partie de saison de l’exercice 1998-1999.
Fabrice Fernandes est prêté à l’aube de l’exercice 2000-2001 au club Anglais de Fulham, où il rejoint l’entraîneur Français Jean Tigana, avec une option d’achat estimée à 45 millions de francs. Il est présenté aux supporters londoniens comme un grand joueur en devenir, le genre de footballeur indispensable pour franchir les délicats paliers de la Premier League. En dépit d’un superbe but inscrit contre les « Red Devils » de Manchester United en Cup, Fabrice Fernandes n’est pas vraiment en odeur de sainteté (29 matches pour 2 buts) chez les Cottagers. Il est d’ailleurs prêté aux Glasgow Rangers en plein milieu de la saison, mais après seulement quatre rencontres disputées en Écosse, il est de retour dans son club formateur. En 2001 et après un passage éclair à Southampton (11 matches, 1 but), le milieu de terrain parisien signe à... l’Olympique de Marseille. Il y posera ses valises durant deux mois avant de prendre la poudre d’escampette courant du moins de novembre pour rejoindre le club britannique de Southampton. Fabrice Fernandes est alors âgé de vingt-trois ans et souhaite enfin se pérenniser dans un club. Il connaît alors ses meilleures saisons sous les couleurs du club du sud de l’Angleterre, où sa patte gauche affole pléthore de défenses anglaises durant trois saisons (80 matches pour 4 buts). Il en profite également pour se créer une ébauche de palmarès.
La relégation du club anglais en seconde division sera synonyme de la fin des espérances. Transféré à Bolton durant l’été 2005, il n’y réussit jamais à faire son trou. Malheureusement pour lui, il connaît aussi quelques déboires judiciaires outre-Manche, arrêté pour excès de vitesse (et conduite en état d’ivresse), il est condamné par la justice anglaise. Il prend alors la direction du Beitar Jerusalem de Luis Fernandez, fraîchement débarqué dans le club israélien, avant de signer quelques mois plus tard au Dinamo Bucarest. En mal de temps de jeu et perdu dans ses contradictions, il résilie son contrat et quitte le championnat roumain.
Il s’entraîne par la suite avec le groupe professionnel du PSG à partir de septembre 2007, avec l’accord de son ancien entraîneur au Stade rennais, Paul Le Guen. En janvier 2008, l’ancien espoir du football français, tente de se relancer au Havre, en Normandie, son neuvième club en dix ans. De quoi le cataloguer désormais comme un globe-trotter, dans la plus pure lignée des Xavier Gravelaine and co.
1998 – 2000 : Stade Rennais (France)
2000 – 2001 : Fulham (Angleterre, prêt)
2000 – 2001 : Glasgow Rangers (Écosse, prêt)
2001 – 2002 : Stade Rennais (France)
2001 – 2002 : Marseille (France)
2002 – 2005 : Southampton (Angleterre)
2005 – 2006 : Bolton (Angleterre)
2006 – 2007 : Beitar Jérusalem (Israël)
2007 – 2007 : Dinamo Bucarest (Roumanie)
2008 – 2009 : Le Havre (France)
Sources :
- Ouest France
- Wikipédia
- Les Cahiers du football
Crédits photos :
- Site officiel de Southampton
- srfc.frenchwill.fr
- bbc.co.uk
Roudoudou
2 janvier 2011 à 17h42Fernandes avait un pied gauche extraordinaire... Je me souviens être allé au Stade surtout pour le voir jouer, comme avant lui Jocelyn Gourvenec ou Raymond Kéruzoré. Il y avait chez lui quelque chose de lumineux dans le jeu. Je me souviens même avoir questionné Gourcuff à son endroit, sur le site officiel, lors de sa pris de fonction comme entraîneur du SRFC. Mais, comme trop souvent dans le milieu du football, ce pauvre garçon n’avait pas de plomb dans la tête. Espérons juste que le reste de sa vie ne sera pas fait de trop de rancoeur et de tristesse devant tant de dons gâchés...
the miz
2 janvier 2011 à 18h18Une marge de progression énorme mais les blessures et les mauvais choix de carrière ça ne pardonne pas.
Quand tu vois l’ambition du Stade rennais en 1998 et ce qu’on a eux par la suite on peut vraiment se demander si les dirigeants se sont pas foutu de nous ?!!
Que de déceptions pour notre Stade rennais et Fernandes en tout cas.
yvicash
2 janvier 2011 à 18h37c’était le grand frère de letalec des pieds magiques et ......... rien de plus de grosse carences plus haut
anatole
2 janvier 2011 à 19h00Roudoudou a tout résumé : cet espoir s’est perdu par la tête.
Max
2 janvier 2011 à 22h26Et aujourd’hui il joue où ? En quoi ?
Cinéma-Pongolle
3 janvier 2011 à 07h47> Il est au chômage.
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