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ENTRETIEN / Tiémoué Bakayoko : « Je n’avais pas trop de choix que de partir »

Thomas Rassouli 3 mars 2024 à 12h35 2 commentaires

Formé au Stade rennais, Tiémoué Bakayoko a dû le quitter il y a près de 10 ans, au terme d’une unique saison sous les couleurs du club. Aujourd’hui au FC Lorient, le milieu de terrain de 29 ans a connu le titre de champion de France avec Monaco, avant des expériences à Chelsea, Naples et au Milan AC. Avant de revenir au Roazhon Park dimanche, le Merlu s’est confié à Stade Rennais Online sur son passage, son départ douloureux, Rennes-Milan en Ligue Europa, et son retour au SRFC qui aurait pu se faire l’été dernier. Entretien.

Comment arrives-tu au Stade rennais ?

Je suis repéré vers 11-12 ans par la cellule de recrutement. Ensuite, je visite les installations, comme celles d’autres clubs français. Je me fais une grosse blessure, et tous les clubs français qui me voulaient sont un peu moins nombreux. Le Stade rennais est toujours là, du début à la fin. Patrick Rampillon vient me voir à la maison pour me rassurer, et me dire qu’ils me veulent toujours. Je me soigne, et j’arrive au Stade rennais à mes 13 ans.

Qu’est-ce que ça fait d’arriver dans un club pro à 13 ans ?

C’est top, c’est ton rêve quand tu es jeune. C’est un peu le début du rêve, jusqu’à arriver professionnel, qui débute. Je suis super excité.

Tu rencontres des coéquipiers qui vont te suivre tout au long de la formation ensuite.

Oui, jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs, pour la plupart. La première année, je suis en préfo (pré-formation, ndlr) donc je dors au centre de formation. Je suis avec toutes les générations de 1991 à 1994. Au début, les coéquipiers que je me fais sont de la préfo donc habitent déjà sur Rennes. La première année, je suis un peu solo au centre de formation. On doit être 3 joueurs je crois. Derrière, toute ma génération arrive : Steven Moreira, Cédric Hountondji, Adrien Hunou, Wesley Saïd… C’était une bande de potes, on s’est très vite entendus et on passait beaucoup de temps ensemble. On était au centre de formation donc on ne pouvait que passer du temps ensemble, plus l’école (rires).

Il y avait aussi l’aspect compétition à prendre en compte, non ?

Oui bien sûr. Déjà à ce moment là, moi de passer de mon petit club parisien à une structure semi-professionnelle au début, ça change. Tu te rends compte qu’il y a des joueurs aussi bons que toi, et que la concurrence s’installe déjà.

Est-ce que tu as aimé cette période de ta vie ?

Ah oui, oui oui ! Je me suis construit en tant qu’individu. J’ai terminé mon éducation à Rennes. Pour moi, Rennes a une place très importante.

Que penses-tu avoir appris au Stade rennais ?

J’étais au début de mon éducation quand j’arrive. J’avais 13 ans quoi. Tu as plein de choses à apprendre de la vie, savoir ce que tu veux dans la vie, comment tu veux interagir avec les personnes autour de toi. Me construire en tant que personne, tes valeurs. J’ai tout construit à Rennes.

Qu’est-ce que c’était la formation rennaise ?

C’était le dépassement de soi, le respect, mais aussi ce côté familial. La compet’, vouloir gagner, mais avant tout faire les choses étape par étape. Progresser petit à petit, ne pas se voir plus haut qu’on ne l’est. C’est tout ça que j’ai appris à Rennes.

Tu as pu apprendre ça avec une série d’éducateurs (Julien Stéphan, Régis Le Bris, Franck Haise…) qui sont pour la plupart entraîneurs en Ligue 1 aujourd’hui…

(Il coupe) Ce qui est impressionnant d’ailleurs ! C’est quelque chose qui ne me choque pas aujourd’hui. Au vu de ce que j’ai appris à leurs côtés tout au long de ma formation, ça ne m’étonne pas qu’ils soient là aujourd’hui.

Était-il plus dur à ton époque d’intégrer l’équipe pro qu’aujourd’hui en tant que jeune ?

Oui bien sûr, c’est une certitude. À l’époque, c’était beaucoup plus difficile d’arriver tôt avec les professionnels. Pourquoi ? Je pense que dans le business d’aujourd’hui, les jeunes avec une forte valeur marchande, on les lance beaucoup plus tôt. Oui, il faut du talent. On va te mettre en Ligue 1, si tu n’es pas performant… Je pense que tout le monde a évolué, que les coachs ont évolué, que les joueurs apprennent plus vite. On les lance plus vite dans le grand bain, ne serait-ce qu’à des entraînements professionnels. Donc je pense que tu progresses plus vite. Ce qui était beaucoup plus difficile à atteindre à l’époque.

« Je suis parfois nostalgique »

Tu te souviens de ton premier match en pro avec Rennes ?

C’était à Évian-Thonon-Gaillard. Qu’est-ce que ça m’a fait ? Beaucoup d’émotions. Je pense que c’est le rêve de tout jeune à cette époque là. Beaucoup d’excitation mais beaucoup de sérieux aussi. Parce qu’on te lance mais il faut que tu sois bon, que tu performes. Ça s’était très bien passé (victoire 2-1, ndlr).

Comment juges-tu ta première et unique saison avec le Stade rennais ?

C’est quasiment une saison complète (28 apparitions, 1 but, ndlr). Je joue un peu moins la deuxième partie de saison mais sinon c’était une très très bonne première saison pour moi. En fait, c’était un peu la ligne directrice que je m’étais donné : faire une première saison assez complète, engranger beaucoup de temps de jeu, et pouvoir faire une deuxième saison où je m’affirme un peu plus. Malheureusement ça n’a pas pu être le cas au Stade rennais.

Tu as marqué un but, tu t’en souviens ?

Oui très bien, à Toulouse. On gagne 5-0. Je ne savais pas quoi faire comme célébration, j’ai couru voir mes potes, ils m’ont tous enlacé. J’ai un bon souvenir de cette saison.

Durant cette saison, le Stade rennais réalise un gros mercato avec Ntep, Toivonen, Grosicki. Comment l’as-tu vécu ?

J’étais un petit jeune, moi tout ce qui venait j’étais content ! Je ne faisais vraiment pas attention à tout ça, c’était un mercato. On avait besoin d’augmenter le niveau de l’équipe je pense. Ces arrivées là étaient bonnes, on a vraiment fait des bons matchs.

Comment était ce vestiaire ?

Je n’ai aucun avis à donner à cette époque là, après aujourd’hui, en ayant vécu dans pas mal de vestiaires, je dirais que c’était une ambiance top. C’était hyper familial, on faisait des repas ensemble, Sylvain (Armand) nous ramenait souvent chez lui avec le reste du groupe. C’était vraiment bonne ambiance. Toute ma génération était dans ce groupe, on était tout le temps ensemble, on habitait tous ensemble à côté du stade.

Elle te manque cette époque ?

Bien sûr. Bien sûr que je suis parfois nostalgique de ces moments là. À cet endroit là, tu es un petit jeune et tu prends moins de paramètres en compte. Tu fonces, tu vas tout droit, sans calculer autour. Cette période là me manque, bien sûr.

« Ne pas avoir ta destinée entre les mains par moment, je ne trouve pas ça normal »

Un match t’a t-il marqué avec Rennes ?

Je pense qu’il y a ce match contre le PSG en fin de saison (le 7 mai 2014, victoire de Rennes 2-1 au Parc des Princes, ndlr). Jouer au Parc, devant toute ma famille, gagner en plus, c’était quelque chose de fort. C’était un gros moment, le grand PSG avec toutes les stars qui vont avec.

Tu as suivi le PSG - Rennes de dimanche dernier (1-1, 23e journée de Ligue 1 2023-2024) ?

Bien sûr ! Pour moi, Rennes est une des seules équipes de Ligue 1 où au départ tu te dis qu’ils peuvent battre le PSG. Ça ne m’a pas étonné, ils auraient mérité de gagner sur l’ensemble du match je pense.

Alors, il y avait penalty pour toi ?

Moi honnêtement, ça peut se siffler comme ça peut ne pas se siffler. Pour moi, il y a un contact, après c’est l’arbitre qui décide. En toute honnêteté il n’aurait pas sifflé, ça ne m’aurait pas choqué. Qu’il le siffle, ça ne me choque pas non plus. Mais pour le déroulement du match et pour ce que c’était de voir Rennes gagner contre le PSG, ça aurait pu ne pas se siffler, c’est sûr.

En 2014, vous gagnez contre le PSG, mais 4 jours plus tôt, vous perdez la finale de coupe de France contre Guingamp (le 3 mai 2014, défaite 0-2). Comment l’as-tu vécu ?

Je ne rentre pas d’ailleurs. Déçu, car toute ma famille était venue. On a vu que Guingamp était un peu notre bête noire. Je me rappelle, la veille de ce match, on se disait qu’on allait gagner et mettre un terme à ce petit côté négatif contre Guingamp. Oui, déception. C’était une grosse frustration (de rester sur le banc). À l’époque, je n’avais pas trop compris, j’étais hyper déçu de ne pas avoir joué au Stade de France.

Tu as connu plein de choses depuis, ça reste un match qui t’a marqué ?

Oui, bien sûr, il y a plein de moments marquants dans la carrière d’un footballeur. Perdre une finale, bien sûr.

Au terme de cette saison, tu es transféré à Monaco (contre environ 8 millions d’euros, à l’été 2014). Comment est-ce que tu l’apprends ?

Ça se fait durant la préparation à Dinard. La première semaine se passe, et je me rappelle avoir une sensation bizarre. J’ai l’impression que quelque chose a changé depuis la première saison. Les jours passent et mon agent me contacte pour me dire que Monaco est intéressé par moi. Je lui dit directement que ça ne m’intéresse pas, que je ne viens de faire que ma première saison en professionnel au Stade rennais, et que j’ai envie de rendre un peu plus au Stade rennais par rapport à ce qu’il m’a donné. Que je veux faire une deuxième saison. Mais j’ai compris très rapidement que je n’aurais pas trop le choix si je voulais atteindre mes objectifs personnels. Je n’avais pas trop de choix que de partir car le club avait besoin de renflouer les caisses.

Qui vient te voir pour te le dire ? Le président (René Ruello), l’entraîneur (Philippe Montanier) ?

C’est le coach qui fait un rendez-vous avec moi durant le stage. Disons qu’il me parle d’un point de vue sportif. Qu’il va y avoir beaucoup de changements, que je ne vais pas rentrer dans ses plans, que je n’aurai pas la place que je veux, c’est-à-dire de titulaire. Que je serai derrière dans la hiérarchie. Ce qui me surprend, beaucoup d’ailleurs. À ce moment, je suis un peu perdu après ce qu’il me dit. Je vois bien qu’il me pousse vers la sortie, et derrière mes agents et le club un peu plus haut m’expliquent que le club a besoin d’argent et que j’ai une des plus grosses valeurs marchandes à ce moment-là dans l’effectif. Ils veulent que j’accepte l’offre de Monaco. Ça s’est fait comme ça, en 24h-48h. J’ai quitté le stage les larmes aux yeux, je suis allé prendre l’avion direction Monaco.

À 20 ans, tu as l’impression de comprendre à ce moment comment marche le foot ?

Ouais, je commence à comprendre. Je me rends compte que parfois, ce n’est pas vraiment toi qui a le dernier mot, et que ce que tu veux, parfois ça ne se passe pas comme ça. C’est très difficile quand je pars.

Tu le comprends, encore aujourd’hui ?

Non, aujourd’hui je comprends un peu plus, mais ça ne veut pas dire que je suis d’accord avec ça.

Tu comprends que vous joueurs, n’ayez pas forcément toujours votre destin entre vos mains ?

Oui. Aujourd’hui je le comprends, c’est une certitude.

Et tu es ok avec ça ?

Non, je ne serai jamais ok avec ça. Je trouve qu’un joueur professionnel, qui a une carrière aussi courte qu’elle soit, qui va durer 15-20 ans, le fait de ne pas avoir ta destinée entre les mains par moment, je ne trouve pas ça normal. Mais c’est le business d’aujourd’hui et tu dois l’accepter.

Est-ce que c’est quelque chose que tu as vécu à nouveau dans ta carrière ensuite ?

Non. J’ai plutôt fait ce que je voulais. Des moments, je n’avais pas vraiment le choix mais plus le temps passe, plus tu sais dans quel monde tu es et comment ça se passe.

« Le Milan AC a encore un temps d’avance à tous les niveaux »

Rennes a récemment joué contre le Milan AC, ton ancien club également. Qu’as-tu pensé de ces deux matchs ?

C’était une opposition de style. Tu avais une équipe dont le nom parle par lui-même, avec un gros palmarès, une grosse expérience, une équipe qui revient en haut de l’affiche, au niveau européen, qui a fait demi-finale de Ligue des Champions. C’est très fort, très costaud. À côté de ça, tu as le Stade rennais qui monte aussi en puissance depuis pas mal d’années et devient un club qui joue l’Europe quasiment chaque saison. Il fallait s’attendre à ça. Le résultat final ne m’étonne pas, le Milan AC a encore un temps d’avance à tous les niveaux. C’était une bonne expérience pour le Stade rennais, on a vu sur le retour que c’était possible. Ils n’ont pas volé leur victoire. Le seul point où je peux être déçu pour le Stade rennais, c’est le match aller. C’est là où il fallait souffrir un peu plus et ne pas donner de buts. Je savais qu’à domicile ils pourraient le faire et gagner. J’avais dit à mes coéquipiers ici qu’à Rennes ils auraient une chance de gagner. Le fait de ne pas marquer et prendre 3 buts, c’était difficile au retour.

Comment as-tu vécu le match retour ?

J’ai toujours aimé regarder le Stade rennais, surtout au niveau européen. Ils font à chaque fois des matchs qui te surprennent. Tu ne t’attends pas à ça mais ils sont capables. On l’a vu contre Arsenal. Ça ne me choque pas ce qu’ils ont fait contre Milan. C’était un gros match et je savais qu’ils étaient capables de gagner.

Ça te fait encore quelque chose de voir Rennes jouer, en tant que joueur formé au club ?

Depuis que j’ai quitté Rennes, j’ai toujours regardé Rennes. Je suis quelqu’un qui regarde tout le temps le foot, mais encore plus les clubs dans lesquels je suis passé.

« Le retour à Rennes l’été dernier ? Oui ça a été très sérieux jusqu’au bout »

À Lorient, tu as retrouvé Régis Le Bris que tu avais à Rennes. Est-il si différent de l’éducateur que tu as connu ?

Sur ses principes tactiques et techniques non, c’est le même. Ce sont les mêmes idées qu’il véhiculait à l’époque et qu’il véhicule aujourd’hui. Sur l’homme, son domaine de coaching, oui. C’est une personne différente. À l’époque c’était des jeunes, pas adultes. Tu ne pouvais pas avoir les mêmes rapports que ceux que tu as avec lui. À ce niveau là, il a changé c’est sûr.

Le fait qu’il soit là, ça a pesé dans ton choix de venir à Lorient ?

Oui, bien sûr. Je ne vais pas mentir. J’avais gardé une bonne image de lui durant ma formation, comme tous les coachs d’ailleurs. Je pense que tous ceux qui ont eu la chance d’avoir tous ces coachs, c’est de la richesse. J’ai appris de tous les coachs. Il a pesé dans ma décision de venir au FC Lorient. Pour moi ou lui, ça a une saveur particulière de jouer contre le Stade rennais, comme à l’aller (victoire 2-1 du FC Lorient, ndlr).

Ce match aller, vous vous appuyez dessus pour préparer le match ?

Non, pas forcément. Il y a eu beaucoup de choses entre temps, beaucoup de matchs. Le match sur lequel on va le plus s’appuyer, c’est le précédent. Puis on va rester sur ce qu’on a fait de bien ces deux derniers mois.

Tu as connu plusieurs clubs depuis ton départ de Rennes (Monaco, Chelsea, Milan AC, Naples). As-tu trouvé ce que tu étais venu chercher à Lorient ?

Oui, je pense que j’ai trouvé ce dont j’avais besoin, cette stabilité dans un club qui me correspond. Un club familial, avec des personnes adorables, que j’ai appris à connaitre et que me font confiance. Revenir en France aussi était quelque chose d’important pour moi.

Revenir en Bretagne aussi ?

Non, pas des masses (rires). Du tout. Je ne me suis pas dit qu’il fallait que je revienne en Bretagne, mais par la force des choses ça s’est fait et je suis content d’être de retour dans la région.

On t’a évoqué comme piste explorée au mercato estival par Rennes. C’était sérieux ?

Oui oui ça a été très sérieux jusqu’au bout. Mais bon, ça ne s’est pas fait pour 1001 raisons. C’est comme ça.

Rejouer à Rennes, c’est quelque chose que tu envisages toujours à l’avenir ?

C’est quelque chose que j’ai envisagé lorsque j’ai quitté Rennes. De pouvoir revenir un jour au Stade rennais, oui c’est vrai que c’est quelque chose auquel j’ai pensé à l’époque. Aujourd’hui, si ça arrive, ça arrive. Ce n’est vraiment pas le plus urgent, du tout. Si un jour je dois rejouer au Stade rennais, ok. Sinon, voilà.

Crédit Photo : FC Lorient

2 commentaires

  1. CondateFan
    2 mars à 10h21

    Nan mais en plus ce matin j’ai pas specialement forcé sur le chouchen au petit-déjeuner dans mon bol de céréales mais, pourtant, vla-ti-pas que j’ vois double. Deux articles de SRO et bam, deux conversations identiques, tout pareil, les mêmes questions de Thomas engendrant les mêmes réponses de Tiemoue. Mais ce n’est seulement qu’à la fin de la lecture du deuxième entretien que me suis rendu compte qu’il s’agissait d’un doublon. Deux articles. Le même contenu. Nan mais quel con. Faut vraiment que j’arrête les céréales le samedi matin moi.
    Enfin avec tout ça, on a la confirmation, une fois de plus, que ni les joueurs ni les entraîneurs ne choisissent, leur club pour les uns leur joueur pour les autres.

  2. François
    2 mars à 10h31

    toujours aussi passionnant ses entretiens Thomas, merci. Serait-il possible de faire tout cela en vidéo ? François

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