Avant un dernier match de National 3 face à Guipry-Messac, pouvant déboucher sur une montée en National 2 pour la réserve du Stade rennais, Pierre-Emmanuel Bourdeau fait le bilan avec SRO : scénario final inattendu, l’émergence précoce des jeunes, l’importance du prêt, et toujours la priorité donnée à la progression des joueurs.
La saison s’achève samedi. Quel bilan en tirez-vous ?
C’est une saison qui a été riche. Il y a eu plusieurs temps, il a fallu manoeuvrer, jongler avec les périodes clés. On a eu une préparation difficile, puis des éléments qui nous ont fait basculer au vu de ce qu’on avait produit, comme le tournoi de Ploufragan, pas à la hauteur de ce qu’on espérait mais salvateur. Il y a eu une seconde période, jusqu’à Noël, où on a été intéressants à la fois dans la dynamique de groupe, de match, de jeu, avec de la qualité et un bon classement. On était plutôt dominants. Enfin, une troisième période durant laquelle le groupe pro 2 a été impacté après la trêve. Avec les prêts, on a perdu Junior Kadile et Matthis Abline dans nos effectifs globaux. La CAN a fait basculer des joueurs de notre groupe chez les pros. La priorité mise sur la Gambardella, le covid également, font que le groupe a été extrêmement impacté durant 2-3 mois. Dans les résultats, l’entraînement, le contenu, on a été largement en-dessous de ce qu’on avait pu produire jusque là. Puis, de nouveau on a réussi à rebasculer sur une nouvelle dynamique sur cette fin de saison. On est un peu surpris presque de pouvoir jouer encore la première place sur cette dernière journée. C’est assez fabuleux car malgré tout le groupe n’a jamais lâché dans ces moments difficiles. C’est une saison riche par tous ces éléments.
Le calendrier du National 3 n’est-il pas compliqué à gérer ?
Effectivement, quasiment toute la saison on a dû faire un match sur deux. On termine très tard (4 juin), c’est un peu paradoxal. On a pris l’option logique vu nos effectifs, de faire rebasculer tous les garçons pouvant jouer en U19 les week-end où on ne jouait pas. Finalement on n’avait pas assez d’effectif pour prévoir des matchs amicaux, on n’a pas pu faire jouer les plus vieux sur les amicaux. Cette saison, on a manqué de constance dans la compétition. On faisait un très bon match et on ne rejouait que 3 semaines après. Pour installer une dynamique, il faudrait plus de constance. C’est un manque. Ce championnat de National 3 que je découvre est beaucoup moins dense qu’un championnat U19 où on joue quasiment tout le temps, avec la Gambardella qui vient se greffer. Le National 3, pour une dynamique de saison, c’est trop instable.
Ce mouvement des joueurs entre les catégories vous a t-il permis de distinguer certaines individualités, des bonnes surprises ?
On en avait déjà parlé, quelques 2005 déjà ciblés depuis longtemps. Eux (Jeanuel Belocian, Désiré Doué, Mathys Tel, ndlr), c’est une demi-surprise. Ils terminent avec le groupe pro 2, ils font un très bon championnat d’Europe. La bascule du mois de janvier a permis à d’autres garçons de jouer, de se révéler. Alan Do Marcolino n’a pas beaucoup joué en première partie de saison mais a été cherché quelque chose sur la seconde partie de saison. Chez les 2005, on a intégré petit à petit Noah Le Bret - Maboulou, Joël Matondo, ou Rayan Bamba. Cela crée peut-être plus d’instabilité dans le jeu, mais malgré tout on arrive encore à faire grandir tous les garçons, et c’est ça notre objectif : s’occuper des joueurs top, mais aussi de ceux qui sont un peu plus en retard. C’est facile de sortir de très très bons joueurs car ils sont amenés à réussir, c’est beaucoup plus complexe d’amener des garçons qui au départ n’ont pas toutes les caractéristiques. Notre rôle, ce n’est pas de s’occuper que des meilleurs, mais de tout le monde. C’est aussi pour ça que la saison est riche. On a eu un panel de joueurs très intéressant.
Cela vous a aussi permis d’anticiper la saison qui arrive. À quoi ressemblera l’équipe en 2022-2023 ?
Comme chaque année, l’effectif va beaucoup muter. On va perdre les 2002 qui ne passent pas pro chez nous et arrivent en fin de contrat. Quelques 2003 vont rester en groupe pro 2. Probablement des 2003 qui vont être prêtés aussi, on verra. Il y aura aussi l’émergence des 2004, 2005, qui n’avaient pas fait la reprise avec nous et seront intégrés de la même manière. On switch et on repasse sur une autre saison avec un groupe complètement différent, encore très jeune, qui va manquer d’expérience comme on l’a vécu l’an dernier. C’est même un groupe qui sera je pense plus jeune encore que cette saison. C’est ça qui est riche, c’est de faire grandir de très jeunes joueurs dans un contexte senior, avec l’exigence d’être pertinent et performant, sachant qu’ils ne sont pas encore prêts et formés à tout réaliser. Il faudra faire preuve d’exigence et de patience avec eux, et placer le bon curseur pour qu’ils maintiennent cette confiance, indispensable selon moi pour grandir et progresser.
C’est un groupe prometteur, notamment au vu de la belle campagne de Gambardella cette saison…
Oui, après la Gambardella c’est particulier, ce sont des « one-shot ». Il y a aussi eu l’apport des garçons 2005, voire 2004 avec Lesley Ugochukwu. Je ne suis pas sûr qu’on aura ces garçons en compétition. Ce sera un groupe différent de la Gambardella, c’est sûr. On verra bien comment on fera vivre notre saison. Ce qui me semble le plus important c’est de sentir une évolution, aller d’un point A à un point B, sentir l’équipe, le groupe, mais aussi les joueurs qui y progressent.
Bruno Genesio évoquait récemment l’importance de la culture du jeu pour un club comme le Stade rennais. N’est-ce pas difficile à entretenir à ce dernier échelon de formation qu’est la réserve ?
C’est quelque chose qui nous anime tout le temps. Gagner est important, c’est sûr. On est juste avant le groupe pro, il faut les préparer à l’extrême compétition sans que la compétition ne prenne le pas sur le jeu. Mais avant de penser au gagner, c’est comment gagner. Comment faire pour que les garçons s’épanouissent à travers le jeu, et uniquement le jeu, et ne pas être pris par le résultat. Le résultat ne doit pas être le coeur de notre saison. Je ne me lève pas le matin en me disant qu’il faut qu’on gagne le match du samedi. Ce qui m’anime, c’est comment on va faire progresser nos garçons, le collectif. On veut que nos équipes développent un jeu de possession, on veut des équipes dynamiques, impactantes, impulsantes. C’est ça qui doit nous animer. On estime que si on est forts là-dedans, ça nous fera gagner des matchs. Comment gagner des matchs, au travers de principes, de valeurs inculquées à nos garçons.
Une façon de faire Stade rennais, finalement.
C’est exactement ça. Et on pense qu’en étant très performant et très pertinent là-dedans, des matchs on va en gagner.
N’est-ce pas plus facile à faire en National 3 qu’en National 2 ?
Ça dépend des groupes qu’on a. J’ai connu des groupes plus matures que ce qu’on peut avoir depuis quelques années au club. Leur besoin était de jouer en National 2, la promotion 1995-1996-1997 par exemple. Aujourd’hui au vu de nos effectifs, le championnat de National 3 nous convient bien, car on est très inexpérimentés et très jeunes. On s’aperçoit que le parcours du jeune footballeur rennais s’est extrêmement accéléré. Il y a encore quelques années, il faisait 4-5 ans dans son parcours de formation, au centre de formation, au bout de son contrat stagiaire. Aujourd’hui, Mathys Tel a fait un an et a basculé chez les pros. Jeanuel Belocian, un an et demi. Désiré Doué, un an et demi à peine. La promotion 2003 (Abline, Tchaouna, Diouf, ndlr) a fait à peine trois ans. On s’aperçoit que ça s’accélère terriblement, et avec les arrivées de Florian (Maurice) et Bruno (Genesio) ça s’est encore intensifié. On ne joue plus forcément avec nos potentiels dans les mêmes années d’âge, donc il faut faire émerger d’autres joueurs, qui sont moins prêts à affronter le National 3, le championnat U19, ou U17. Ça fait bouger toutes les lignes à la formation et c’est dur de suivre le rythme, car ça s’accélère tellement qu’il faut qu’on arrive à former encore plus vite des joueurs. Donc, est-ce que le National 3 ce n’est pas notre place aujourd’hui ? Avec le même groupe en National 2, aurait-on réussi à faire émerger d’autres joueurs pouvant s’exprimer en toute confiance, à travers nos principes ? J’avais lu l’interview de Bruno, j’ai le même ressenti. Malgré tout, quand tu te retrouves en fin de saison à jouer la montée sur un match, on ne peut pas dire aux garçons d’arrêter de jouer. Pour moi ce n’est pas concevable. C’est tout à leur honneur, ils ont réussi à faire une grande saison.
Pour ces joueurs ne réalisant qu’une partie de leur formation, le challenge est-il davantage mental ou physique au moment d’aller chez les pros ?
Je pense que ce sont des garçons qui se sont toujours préparés à vivre ce qu’ils sont en train de vivre. Je ne suis pas sûr que ce soit difficile à gérer de s’entraîner au quotidien avec le groupe pro. Ce qui est probablement plus dur, c’est le manque de temps de jeu, pas facile à gérer pour un jeune joueur. C’est de garder cette dynamique d’évolution. Quand on n’a pas de compétition, c’est dur de se projeter d’un week-end à l’autre, même si ça les fait grandir malgré tout. Je pense que c’est ça le plus dur. Andy Diouf n’a pas eu beaucoup de temps de jeu. Mais c’est logique pour un garçon qui monte pour la première année dans un groupe pro. Le temps de jeu, il faut qu’ils aillent le chercher soit au club la saison prochaine, ou ailleurs. Ça c’est le parcours classique. Des joueurs vont jouer et s’installer tout de suite, comme Ousmane Dembélé. Puis des joueurs vont rentrer dans le groupe pro et ont besoin d’un parcours intermédiaire pour revenir ensuite. On voit Matthis Abline, ça rentre exactement dans ce qu’on doit être capable d’amener aux garçons, adapter leurs parcours à leurs besoins. Le club le fait très bien.
Ce parcours intermédiaire, c’est donc celui du prêt ? Finalement, on va se retrouver dans un schéma où les bons joueurs vont sortir du groupe réserve pour aller chez les pros pendant un an, pour ensuite se tourner vers un prêt.
C’est ça, puis les règlements ont évolué. Le groupe pro sur un match, c’est 20 joueurs : 18+2. Et on ne peut faire rentrer que 5 joueurs. À l’époque c’était 16+2. On s’aperçoit qu’il y a des garçons qui ne rentreront jamais. Ces joueurs qui s’entraînaient avec le groupe pro et jouaient le week-end (en réserve, ndlr), ont été impactés par la réglementation. Oui, la politique de prêt doit faire partie de notre réflexion dans le parcours de nos jeunes joueurs, c’est certain.
Un prêt à cet âge, n’est-ce pas un défi ?
C’est toute la question. On se demande toujours s’il va jouer. C’est ça un prêt réussi, c’est un prêt où le garçon joue et montre qu’il a toutes les capacités pour revenir et s’installer. On a eu des exemples avec Yacine Brahimi, Vincent Pajot, Jérémy Gélin. Un prêt réussi, c’est un joueur qui joue et revient plus fort qu’il n’est parti.
Est-il difficile de convaincre les joueurs de partir en prêt aujourd’hui ? On voit que Matthis Abline (Le Havre) et Junior Kadile (Famalicão) n’ont pas eu la même réussite cette seconde partie de saison.
Nous, on ne rentre pas dans ces discussions là, c’est le groupe pro qui gère. Je pense qu’il s’agit surtout de trouver un consensus. Tu ne peux pas forcer un jeune joueur à être prêté, ce sont beaucoup de discussions avec eux, trouver ce qui est le plus intéressant pour eux. Matthis en avait besoin, et ils ont je pense trouvé un vrai consensus.
Il va y avoir du changement au poste de gardien de but dans votre équipe. Pépé Bonet va quitter le club, Elias Damergy et Yann Batola seront donc les nouveaux gardiens à alterner le temps de jeu en réserve ?
Je ne maitrise pas comment va être utilisé Elias, ça appartient au groupe pro. S’il doit jouer avec la réserve, il jouera. Yann, on fait tout pour continuer à le faire évoluer, et le préparer. Il a joué le week-end dernier, il enchainera sur le dernier match (face à Guipry, ndlr) si tout se passe bien.
Face à Guipry-Messac samedi, certains joueurs n’ayant pas été conservés joueront leur dernier match avec le Stade rennais. Comment vit-on ce match ?
Ça fait un petit moment que les garçons sont avertis de la non-prolongation de leur contrat. On a la chance d’avoir des garçons intelligents, qui savent qu’il faut qu’ils continuent à bien s’entraîner et à performer s’ils veulent progresser. On a aussi installer un bon climat relationnel et d’apprentissage tout au long de la saison. Il y a une relation de confiance, je pense, ils ont envie de bien terminer, partir la tête haute. La meilleure façon de le faire, c’est de partir sur un titre. Je leur dis souvent qu’ils vivent dans un milieu extrêmement concurrentiel, et que pour exister dans ce milieu, même si c’est paradoxal en formation, il faut gagner. Pourquoi on a beaucoup parlé des pros ? Parce qu’à un moment ils ont été très performants, pertinents, ont gagné, sont en coupe d’Europe. C’est la même chose. Ils vont vivre les prochaines années et auront besoin de gagner. Partir sur un titre, c’est exister.
Après cette saison, il faudra pour vous tout reprendre de zéro. Est-ce quelque chose qui vous enthousiaste toujours autant ?
Oui, c’est toujours des groupes différents avec des qualités différentes. La difficulté c’est de quitter un groupe qui a évolué, a progressé, grandi, et on retrouve un groupe au mois de juillet où le curseur n’est pas si haut. Il faut le remettre au bon niveau. Malgré tout, il faudra garder l’exigence et faire émerger un groupe, des joueurs, faire grandir tout le monde, les potentiels, faire évoluer cette équipe vers quelque chose de pertinent au fur à mesure des matchs et des entraînements.
Besset
2 juin 2022 à 10h33Parfaite analyse Pierre Emmanuel
Le football court, bouge, et réfléchit toujours plus vite.
Bon futur rouge et noir
PHB Entr Instr UEFA
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