ENTRETIEN / John Gray : « Tottenham ne sous-estimera plus Rennes »

Installé en Bretagne depuis presque 15 ans, John Gray est une figure bien connue des supporters du Stade rennais. Supporter anglais converti au SRFC, John vit forcément un moment particulier avec cette confrontation entre Tottenham et Rennes, deux ans après Arsenal. Pas de quoi faire douter le quinquagénaire, le maillot rouge et noir toujours au corps.

Tottenham - Rennes, c’est forcément un match spécial pour toi ?

Oui, je suis né à 5km de Tottenham et 3km d’Arsenal, entouré de clubs de foot. Quand j’étais tout petit, ma tante m’avait offert un maillot d’Arsenal, elle était abonnée, c’était au début des années 1970. A 7 ans, j’ai déménagé à Basingstoke et j’ai commencé à suivre la carrière de mon cousin John Gregory. Je n’avais pas vraiment de club de coeur, je suivais les clubs où il jouait. Aujourd’hui, je n’ai donc pas de clubs de Premier League que je suis spécialement. En revanche, lorsque mon cousin est devenu entraîneur à Aston Villa, il avait affronté le Stade rennais en coupe Intertoto (en 2001, ndlr). Je l’ai suivi, et j’ai commencé à suivre beaucoup de matchs d’autres équipes.

Des matchs de Tottenham par exemple ?

A la fin des années 1990, je travaillais pour une entreprise d’informatique et j’avais un client qui avait souvent des places pour aller voir Tottenham. C’était l’époque de Ginola, un Majer de notre temps ! C’était un joueur qui avait du flair, un joueur technique, des choses qu’on apprécie quand on suit du foot. J’y étais déjà allé quelques fois voir jouer mon cousin.

Quel est ton premier souvenir de Tottenham ?

J’avais 15 ans, mon cousin jouait en finale de coupe d’Angleterre face à Tottenham, avec Queens Park Rangers, en 1982. Je suis allé à Wembley avec mes parents, à l’époque on était tous debout en tribunes. On était derrière les buts. Il y a 100 000 personnes et QPR avait fait match nul alors qu’ils étaient en deuxième division (1-1, ndlr). Ensuite, Tottenham avait gagné le replay 1-0 sur penalty (but de Hoddle, ndlr), mon cousin avait touché la barre. C’était une belle équipe Tottenham à l’époque. D’ailleurs, la partie de la famille de mon cousin John Gregory, surtout ses frères, sont fans de Tottenham depuis l’époque de Danny Blanchflower dans les années 1960, où ils étaient vraiment forts.

Tu as donc une partie de famille fan d’Arsenal, et l’autre de Tottenham ?

Oui ! C’est un peu le Brexit, ça peut couper la famille en deux (rires). Aujourd’hui on a un peu perdu le contact avec cette tante fan d’Arsenal. J’ai eu un autre cousin qui a travaillé dans le bureau de presse de Tottenham.

« Ginola, un Majer de notre temps ! »

Comment as-tu vécu le match aller Rennes - Tottenham ?

C’était une belle fête. On avait toujours l’ambiance référence d’Arsenal. L’horaire du match était désagréable comme d’habitude. J’étais content d’être présent pour vivre ça. Je supporte Rennes, à aucun moment je n’ai pensé soutenir Tottenham. On s’attendait à une équipe de Tottenham plus en jambes, ils auront peut-être plus de gnaque cette semaine. J’étais étonné de l’équipe qu’ils ont aligné à Mura. J’étais déçu par le jeu de Tottenham, mais les supporters anglais que j’ai croisés aux abords du Roazhon Park m’ont dit qu’ils étaient très déçus de la façon dont on faisait jouer Harry Kane. On sent que ce n’est pas toujours ça. S’ils ne mettent pas Son ou des cadres… Lucas Moura peut changer aussi l’équipe, il était en vue contre nous, il peut faire mal, Ndombele aussi.

Est-ce que les Anglais prennent au sérieux la Ligue Europa Conférence ?

Ça dépend. Il y a toujours un goût amer de ne pas jouer la Ligue des Champions. Les supporters de Tottenham ont cette attente là, comme les supporters de Rennes s’attendent à jouer l’Europe. C’est souvent le moment qu’ils utilisent pour faire tourner, donner du temps de jeu à ceux qui sont moins en vue en Premier League. C’est vu un peu comme ça. Une équipe comme Tottenham va jouer à fond à partir des matchs à élimination directe. Mais l’équipe alignée face à Mura avait largement les capacités de l’emporter. La motivation n’était pas au rendez-vous. On récolte ce que l’on sème. Au tirage, on se dit que c’est une équipe qui doit aller jusqu’au bout.

Premier de son groupe, Rennes peut-il prétendre à un bon résultat dans cette compétition ?

On est capables du meilleur comme du pire. Vitesse avait très bien jouer le coup, contre Lorient on a eu du mal. On s’est aussi régalé avec un football que, depuis 2007, je n’avais jamais vu. Si on joue à notre niveau, si les choses vont dans notre sens, si on a Laborde qui réussit, on a une équipe capable d’aller en demi-finale. A partir de là, tout est possible. Tout va dépendre de notre état d’esprit au moment d’aborder le match. La réussite tient à très peu de choses. Il faut jouer ce match à fond, essayer de mettre l’équipe la plus forte possible. Ce serait dommage d’aller à Tottenham en tongs, avec une équipe bis.

Comment ta famille supportrice de Tottenham perçoit Rennes ?

J’ai plusieurs potes abonnés à Tottenham aussi. Je leur ai demandé de m’envoyer le magazine de match. Ils regardent les matchs français à la télé. Ils ont vu les matchs face à Lyon et Montpellier, ils étaient très impressionnés. Au match aller, ils n’étaient pas contents de l’arbitrage. Tottenham ne sous-estimera plus Rennes. Sachant qu’ils auraient un autre match à jouer en février (barrages en cas de deuxième place, ndlr), peut-être vont-ils se demander si ça vaut le coup de le jouer à fond. Mais notre place n’est pas volée. C’est une fierté de se qualifier avec cette première place.

Prévoyais-tu de faire le déplacement à Londres ?

Non, je ne l’ai jamais envisagé avec le travail, sans parler du contexte sanitaire. Je regrette de ne pas pouvoir le faire, j’aurais aimé y aller pour voir le nouveau stade de Tottenham, une enceinte magnifique. Surtout, ça fait deux ans que je n’ai pas vu mes parents. Ça aurait été un plaisir de retrouver mes potes qui y allaient côté Tottenham, de partager ça ensemble.