Interview. Redoutable attaquant du Stade rennais l'espace de six saisons, et véritable mythe en Algérie, Mahi s'est confié pour Stade Rennais Online. Entretien passionnant et exclusif de l’une des légendes du football rennais et algérien.
Stade Rennais Online : Vous avez entamé votre carrière au Gallia Club Mascara entre 1951 et 1956. Quels souvenirs gardez-vous de vos débuts dans le célèbre club algérien ?
- Mahi : « J’ai effectivement débuté ma carrière dans le club local de Mascara. D’abord au sein des différentes équipes de jeunes, dans les catégories cadets et juniors. Puis, alors que j’ai quinze/seize ans, je découvre les joies de l’équipe première qui évolue déjà en D1 algérienne. C’était vraiment une grande fierté de pouvoir évoluer aux côtés des grands joueurs algériens de l’époque. Je me souviens qu’avant de disputer mon premier match, j’avais du mal à trouver le sommeil. Vous savez, lorsque j’étais gamin, je n’avais pas beaucoup d’argent et je grimpais sur les arbres pour voir mes premières idoles d’enfance. À cette époque, je jouais au football dans la rue comme au Brésil. Les villes n’étaient pas dans la même configuration qu’aujourd’hui. Il n’y avait pas autant de voitures, alors on tapait dans le ballon toute la journée. Gamins, nous ne pensions qu’au football. C’était le sport roi, ou en tout cas, le seul qui était relayé par les médias. Alors, défendre les couleurs du Gallia quelques années plus tard, était vraiment quelque chose d’extraordinaire. Je ne garde que de très bons souvenirs de mes débuts ».
SRO : Vous êtes ensuite recruté par Rennes à l’intersaison 1956, où vous signez en tant que stagiaire. Quelles ont été les circonstances de votre venue au Stade rennais ?
- Mahi : « En fait, mon président de club en Algérie, Monsieur Bouziane, était pharmacien. Il avait d’ailleurs effectué ses études à Rennes, et s’était marié à une bretonne. Il passait régulièrement ses vacances en Bretagne, si bien qu’il avait gardé des contacts là-bas. À la vue de mes performances avec le Gallia, il voulait absolument que je tente ma chance en France. À l’époque, la situation en Algérie s’était déjà dégradée et va déboucher sur la terrible guerre que l’on connait. Du coup, il me disait qu’il valait peut-être mieux partir en France. Mais pour cela, il me fallait une autorisation parentale. J’avais sympathisé avec un commissaire de police, qui était un grand amateur de football et un très grand supporter du Gallia. Il m’appréciait beaucoup et sollicitait souvent ma maman, pour qu’elle signe l’autorisation. Et puis, à la longue, ce fut chose faite. Ceci dit, je pense que sans l’aide de Monsieur Bouziane, je ne serai peut-être jamais venu en France ».
SRO : Avant votre engagement, que connaissiez-vous du club de la capitale bretonne ? À l’époque, d’autres clubs de l’hexagone ont-ils sollicité vos talents de buteur ?
- Mahi : « Je ne connaissais rien ou presque du SRUC avant mon arrivée. Et surtout, je ne connaissais personne en Bretagne. Je n’avais d’ailleurs eu aucune sollicitation, ni contact avec un autre club français. À Rennes, j’ai d’abord effectué un essai qui a duré une quinzaine de jours. J’ai disputé quelques matches amicaux, puis mon essai a été finalement concluant. Au cours de mes premières semaines, j’ai senti de suite la différence entre le football algérien et français. En Algérie, nous faisions deux tours de terrain et jouions le match dans la foulée. Alors qu’en France, nous avions un gros travail foncier en amont. Pour l’anecdote, j’ai d’ailleurs connu un grand coup de pompe au cours de ma première saison. En effet, je n’avais pas l’habitude de faire autant de travail physique. Du coup, j’avais expliqué à Henri Guérin que je ne me sentais pas très bien. Il m’avait alors aménagé des séances d’entraînement plus légères. Mon petit passage à vide s’expliquait certainement par les changements de climat et d’environnement. Vous savez, avant de venir à Rennes, je n’avais jamais quitté ma maman. Et puis, je vivais tout seul à l’époque. J’étais fatigué moralement et physiquement. Mais heureusement, il y avait une grande ambiance au sein de l’équipe. Nous étions une sorte de famille. D’ailleurs, nous mangions ensemble tous les midis et soirs, au restaurant le Continental en face des halles. Nous nous retrouvions toujours au moins à dix joueurs. Parmi eux, André Ascencio, Yves Boutet, Antoine Pascual, Bernard Lambert, René Cédolin, Giovanni Pellegrini, etc. En plus, nous étions tous célibataires (rires). À l’époque, nous passions beaucoup de temps ensemble. Il y avait beaucoup plus d’amitié dans le football qu’à l’heure actuelle. Nous faisions des concours de tarot, de baby-foot, etc ».
SRO : Quels souvenirs avez-vous conservé de votre premier match avec l’équipe fanion du SRUC, le 28 octobre 1956 à Sochaux (défaite 3-1) ?
- Mahi : « Je m’en souviens très bien. Ce jour-là, il faisait très froid à Sochaux. Je n’avais d’ailleurs jamais connu un climat aussi polaire. J’avais les pieds tellement gelés que j’étais incapable de courir. Pour tout vous dire, j’ai même pleuré dans les vestiaires après la rencontre. J’ai d’ailleurs expliqué à Henri Guérin, que dans ces conditions, je retournerai en Algérie et que je ne resterai donc pas à Rennes. Ce froid glacial m’a vraiment marqué. Ce fut un baptême du feu difficile en D1. Par la suite, je n’ai jamais aimé jouer dans le froid. J’ai toujours préféré les temps humides et les terrains gras ».
SRO : Pour votre première saison en D1, vous inscrivez 5 buts. Pourtant, le SRUC est relégué en seconde division. Quel a été votre ressenti à l’époque ?
- Mahi : « J’arrivais d’Algérie et je ne connaissais pas le football francais, mis à part à travers les Miroir Sprint et autres revues sportives. En Algérie, le football était plus technique et un peu moins physique. Mais globalement, je me suis plutôt bien acclimaté à la D1. En tout cas, j’étais plutôt satisfait de mes performances et le club aussi ».
SRO : À Rennes, vous avez côtoyé des grand joueurs tels qu’Henri Guérin, Antoine Cuissard ou Stanislas Dombeck notamment. Qu’avez-vous appris à leurs côtés ?
- Mahi : « J’ai appris mon métier. Grâce à eux, j’ai essayé de m’améliorer dans tous les domaines. Quand je suis arrivé à Rennes, je ne jouais que du pied droit. Pour perfectionner mon autre pied, Monsieur Guérin me retirait la chaussure droite. Il m’obligeait à jouer essentiellement du pied gauche contre un mur. Henri Guérin était un grand bonhomme, un grand coach. Tout comme Antoine Cuissard, avec qui j’ai joué plusieurs saisons, et qui deviendra mon entraîneur quelques années plus tard. Lorsque je deviens meilleur buteur du club pour la première fois (NDLR : lors de la saison 1958-1959), c’est en partie grâce à Théo, le numéro dix de l’époque. J’étais régulièrement servi sur un caviar par sa sublime patte gauche. C’était un vrai régal de pouvoir jouer avec lui ».
SRO : Rennes remonte en D1 à l’issue de l’exercice 1957-1958. Et d’un point de vue personnel, vous explosez littéralement en inscrivant 14 buts. Quel a été le déclic ?
- Mahi : « Je crois surtout que c’est le travail qui a été récompensé. Lorsque vous avez confiance en vos qualités, et que vous êtes bien entourés, tout se passe très bien. En plus, j’étais très aimé par les supporters rennais, qui m’encourageaient tout le temps. C’était vraiment très appréciable de jouer pour eux. À ce moment-là, j’étais très bien dans ma tête. Au départ, j’avais certainement toutes les qualités nécessaires pour réussir, mais j’ai également toujours été honnête sur le terrain. Lorsque je rentrais sur le pelouse, je donnais toujours le maximum de ce que j’avais sous la chaussure. Je voulais toujours quitter le rectangle vert sans le moindre regret, et avec la sensation d’avoir tout donné pour mon équipe. Vous savez, les grands joueurs couraient plus que les autres. Il n’y avait qu’à regarder jouer Roger Piantoni ou Just Fontaine pour s’en persuader ».
SRO : Lors de l’exercice 1961-1962, vous marquez 18 buts en championnat et êtes élu meilleur joueur de France par le magazine France Football. Est-ce votre meilleure saison au plus haut niveau ?
- Mahi : « J’ai en effet réalisé une excellente saison. Mes performances m’ont permis d’être sélectionné en équipe de France. Il est vrai qu’à cette époque, j’étais en plein boum. Tout me réussissait. J’ai été très heureux et très flatté d’apprendre que j’avais été élu meilleur joueur de D1. Mais vous savez, je suis quelqu’un de très timide. Je n’ai jamais voulu tirer la couverture vers moi. L’important, c’était le collectif avant tout ».
SRO : Vous avez finalement disputé sept saisons complètes chez les « Rouge et Noir » (entre 1956 et 1962) et marqué 88 buts pour le SRUC (toutes compétitions confondues). Quels ont été les meilleurs moments de cette époque stadiste ?
- Mahi : « Honnêtement, je pense que j’ai effectué plusieurs très bons matches. Il est donc difficile de mettre en valeur une rencontre plus qu’une autre. Ceci dit, je vais citer un Rennes - Marseille où nous gagnons trois buts à un (NDLR : le 14/09/1958). Ce soir-là, j’avais eu l’arcade sourcilière ouverte après un choc avec un joueur olympien. À la mi-temps, je suis recousu par les soigneurs. J’arbore finalement un grand pansement lorsque je reviens sur la pelouse. Mais cela ne m’empêche pourtant pas d’inscrire un beau doublé. Je me rappelle aussi d’un Rennes - Sedan que nous avons remporté trois buts à un, et au cours duquel j’avais inscrit mon premier triplé en France (NDLR : le 26/04/1959). Pour la petite histoire, mon adversaire direct était le père de Yannick Noah, Zacharie. Rennes, c’est ma deuxième ville. Je n’ai gardé que des souvenirs exceptionnels, du temps où je défendais les couleurs du SRUC. D’ailleurs, je côtoie toujours des copains de l’époque : Claude Dubaële, Louis Cardiet, Robert Rico notamment. Nous sommes toujours heureux de nous retrouver au stade. D’ailleurs, je vais surtout voir les matches pour revoir les anciens. C’est toujours un plaisir de refaire le monde avec eux pendant deux heures ».
SRO : Vous avez eu la chance d’être entraîné par Henri Guérin. Qu’avait-il de si spécial ?
- Mahi : « C’était quelqu’un qui était très fort dans son approche du jeu et du travail physique. Il affirmait que bien préparé, n’importe quel joueur pouvait tenir deux heures sur un terrain. Il est d’ailleurs resté célèbre après avoir dit ceci : « Donnez-moi onze athlètes et j’en ferai onze footballeurs ». Pour devenir professionnel, il faut être bon techniquement mais aussi physiquement. Il faut tenir la route et pouvoir cavaler pendant quatre-vingt-dix minutes. Sans un physique irréprochable, même le meilleur des techniciens ne peut prétendre faire carrière. C’était déjà vrai à mon époque, et ça l’est encore plus à l’heure actuelle. Le haut niveau, c’est la complémentarité de ces deux facultés ».
SRO : Vous avez été sélectionné à deux reprises en équipe de France, contre la Belgique le 18 octobre 1961 et face à la Bulgarie le 12 novembre 1961. Quels souvenirs gardez-vous de ces moments uniques dans une carrière de footballeur ?
- Mahi : « C’était évidemment un gros moment de fierté. Représenter l’équipe de France était quelque chose qui me tenait à cœur. Au cours de mes deux sélections, je suis tombé sur des garçons vraiment sympathiques. On se défonçait sur le terrain, mais après le match, ça ne nous empêchait pas d’aller boire un coup tous ensemble. J’ai toujours marché à l’affectif, en partie grâce à Monsieur Guérin. J’ai également eu la chance de jouer contre Pelé. En effet, Lyon devait rencontrer l’équipe brésilienne de Santos dans le cadre d’un match amical. Monsieur Ferdinand Maillet, le président lyonnais de l’époque, avait alors contacté le SRUC afin que je puisse participer à cette rencontre. Le patron de l’OL me précise d’ailleurs qu’il va essayer quelques jeunes joueurs durant la rencontre. Il me demande également si je peux lui donner mon avis à l’issue du match. Pour la petite histoire, les joueurs en question n’étaient autres que Marcel Aubour, Fleury Di Nallo et Nestor Combin. Plus tard, alors que j’évolue à Toulouse, j’ai la chance de disputer un match amical contre l’équipe de Lev Yachine. J’ai même le grand honneur de lui marquer un but ! Et puis avec Rennes, j’ai rencontré l’équipe nationale d’Espagne lors d’un match amical à Saint-Sébastien. Elle comptait dans ses rangs : Puskás, Di Stéfano, Gento et Santa Maria notamment ».
SRO : Qu’est-ce qui vous a coûté une carrière internationale plus longue ?
- Mahi : « Je ne l’ai su que bien longtemps après, à vrai dire. Il s’avère qu’Henri Guérin avait contacté Albert Batteux, le sélectionneur de l’équipe de France à l’époque, pour lui demander de ne plus me sélectionner. En fait, il voulait éviter que je crève l’écran avec la sélection tricolore, et que je parte ainsi dans un autre club. Ceci dit, je n’ai aucune rancœur vis à vis de Monsieur Guérin, vraiment ».
SRO : Vous quittez finalement le SRUC à l’intersaison 1962, pour rejoindre Toulouse. Pourquoi ? Quelles étaient les raisons de ce départ ? Regrettez-vous d’être parti à ce moment-là ?
- Mahi : « Je suis arrivé à Rennes alors que je n’étais encore qu’un gamin. C’est mon premier club professionnel, et je m’y suis fait beaucoup d’amis. C’est ma deuxième ville, et la Bretagne mon deuxième pays. Même si je n’ai pas eu vraiment de regrets, j’en avais gros sur le cœur pour les raisons que j’ai évoquées. En fait, j’ai senti que c’était le bon moment pour partir. En plus, j’ai quitté le Stade rennais en « rusant » un peu. Il faut savoir qu’à l’époque, si un joueur n’obtenait pas l’aval de son président, il était condamné à rester à vie dans un même club. Personnellement, j’avais demandé à être placé sur la liste des transferts. Mais le président du SRUC ne voulait pas me laisser partir. Et puis un jour, le père de Dominique Blin me demande de venir le voir. Il m’informe qu’il a reçu des coups de téléphone de plusieurs clubs voulant s’attacher mes services : Lyon, Marseille et Toulouse. J’ai attendu ensuite un petit peu avant de retourner voir Monsieur Girard. Il m’affirmait que je n’avais pas été sollicité par d’autres clubs. C’est lui qui commandait, et sans son autorisation, c’était impossible de quitter Rennes. Finalement, Monsieur Jean-Baptiste Doumeng, le président de Toulouse (NDLR : alias le "Milliardaire rouge", en référence à sa fortune engrangée dans l’agroalimentaire avec les pays de l’Est), s’est finalement mis d’accord avec Monsieur Girard, en contrepartie du transfert d’Alain Jubert vers le SRUC plus de l’argent. Du coup, j’étais très heureux de pouvoir signer à Toulouse ».
SRO : À Toulouse, vous jouez durant trois saisons et confirmez toute l’entendue de votre talent. Considérez-vous avoir progressé en Haute-Garonne ?
- Mahi : « Oui, bien sûr. J’ai progressé à Toulouse. J’avais besoin d’un nouveau cap pour franchir un palier. J’ai effectué trois bonnes saisons dans la ville rose, surtout parce que j’ai toujours continué à travailler beaucoup. Malheureusement, je me suis gravement blessé en 1964. En effet, j’ai été durement touché par un tacle de Roger Lemerre qui jouait alors à Sedan. J’ai de ce fait été arrêté pendant sept mois, à cause d’un arrachement des ligaments. J’ai traîné longtemps cette blessure par la suite. Je jouais de temps en temps, lorsque je le pouvais. Ceci dit, j’ai appris dernièrement, en lisant le journal, qu’André-Pierre Gignac avait battu mon record de buts en une saison à Toulouse lors de la saison 2008-2009. Je ne pensais pas que j’avais marqué autant de buts (rires) ».
SRO : Après deux courts passages à Nîmes puis au Red Star, vous signez à Lorient l’espace d’une saison (1967-1968), où vous retrouvez Antoine Cuissard notamment, et faites partie de la première équipe professionnelle du FCL. Ce périple morbihannais vous a t-il apporté d’un point de vue personnel et footballistiquement parlant ?
- Mahi : « Finalement, je me fais opérer à Paris par le docteur Lemerre, qui était le spécialiste des blessures aux genoux. À Lorient, j’ai retrouvé plein d’anciens joueurs du Stade rennais comme Jean-Pierre Darchen et Yves Boutet. Et puis, avec Antoine Cuissard aux manettes, nous nous sommes régalés sur le terrain. D’ailleurs lors d’un match amical, nous avons battu l’équipe d’URSS qui venait de terminer quatrième de la Coupe du monde 1966. C’est vraiment un très bon souvenir. Après mon aventure lorientaise, l’AS Brest me propose de venir les rejoindre. Je discute alors avec le président brestois des modalités de ma venue, et nous nous mettons finalement d’accord. Mais à ma grande surprise, il m’indique que ma première mission consiste à aller superviser deux joueurs algériens prometteurs. Je retourne donc dans mon pays d’origine, afin de visionner les performances d’un joueur d’Alger et un autre d’Oran. Là-bas, je rencontre le président de Mascara qui veut me faire revenir absolument au Gallia. Dans la foulée, je dispute un match amical avec le club algérien. Je reçois alors une belle offre, mais je persiste et précise que j’ai déjà signé un contrat à Brest. Je recontacte par la suite le président de l’AS Brest qui ne souhaite pas s’aligner sur l’offre du Gallia. C’est ainsi que je retourne dans mon club formateur ».
SRO : Durant votre carrière, vous avez évolué aux côtés de très grands joueurs, lesquels vous ont le plus marqué ?
- Mahi : « Je vais en citer trois. Tout d’abord Antoine Cuissard, qui lorsqu’il jouait, avait une incroyable « vista ». Un vrai régal de le voir sur le terrain. Théo, qui était l’un des meilleurs techniciens que j’ai vu jouer. Il avait certainement le meilleur pied gauche du championnat. Et Yvon Goujon bien entendu. Nous étions comme deux frangins. Nous nous entendions à merveille. C’est une véritable amitié qui a perduré au fil des années ».
SRO : Après l’indépendance de votre pays d’origine, vous jouez également trois matches avec la sélection Algérienne et inscrivez même un but face à la RFA (futur finaliste de la CDM 1966) en janvier 1964, lors d’un historique succès (2-0). Que cela vous a-t-il procuré ?
- Mahi : « Pour la réception de l’Allemagne, le stade etait archi-comble. Il y avait une ambiance phénoménale. Battre les Allemands était un exploit pour une petite nation comme la nôtre. Ceci dit, nous avions une grande équipe. Tous les joueurs évoluaient en France. Ils se nommaient Ahmed Oudjani et Rachid Mekhloufi, pour ne citer qu’eux. Il me semble d’ailleurs qu’il n’y avait qu’un seul joueur algérien amateur sur le terrain. En tout cas, ça m’a permis de ressentir une joie énorme, un grand bonheur ».
SRO : Vous êtes un Dieu vivant en Algérie. Comment l’expliquez-vous ? Que représente ce statut d’égérie à vos yeux ?
- Mahi : « C’est une immense fierté, un honneur même. Mais si je suis arrivé à ce niveau-là, c’est d’abord grâce à mes entraîneurs algériens, et à mon club, le Gallia. Je me devais vraiment de revenir et de les entraîner un jour (NDLR : Mahi a obtenu le titre historique de champion d’Algérie en 1984, le seul de l’histoire du club). Au Gallia, je pense que j’ai modestement déposé la marque Mahi. J’ai toujours adoré le football léché. C’était une idée fixe. Gagner, mais avec la manière si possible ».
SRO : Vous retournez ensuite en Algérie, avant de prendre en main l’US Saint-Malo, puis les Cormorans de Penmarc’h (1973-1980). Petit club finistérien avec lequel vous réalisez une formidable épopée jusqu’en D3. Ce fut une grande aventure sportive et humaine ?
- Mahi : « Dans le Finistère, j’ai peut-être passé mes plus belles années dans le football. J’y ai rencontré des gens fabuleux, passionnés et extrêmement gentils. En plus, c’est un coin magnifique, avec des paysages que je n’oublierai jamais. À l’époque, on jouait parfois devant 5000 spectateurs. On tenait tête à des équipes comme Quimper. C’était juste extraordinaire. J’avais une grande équipe et de très bons joueurs. Plusieurs d’entre-eux auraient pu évoluer plus haut, au sein de l’élite. J’en suis persuadé ».
SRO : Mais quand même, le SRUC, c’est LE club de votre carrière ?
- Mahi : « Le Stade rennais est mon club de cœur. J’y ai passé de très bons moments. Je me suis fait tellement d’amis dans cette ville et dans ce club. Et puis, les gens m’ont vraiment bien accueilli. Ça ne s’oublie pas ».
SRO : Que pensez-vous de la montée en puissance du football international algérien ? Quelle est votre position en ce qui concerne la question des bi-nationaux ?
- Mahi : « En Algérie, le football est le sport roi. Mais malheureusement la politique sportive ne suit pas toujours. Les clubs algériens ne sont pas assez structurés. D’un autre côté, les joueurs ne sont généralement pas assez sérieux ni assez disciplinés. Pourtant, il y a un super vivier là-bas. Beaucoup d’entre-eux sont pétris de qualité, mais ils leur manquent un peu de discipline pour être encore meilleurs. Certains prennent également trop la vite la grosse tête. C’est dommage, car le potentiel des joueurs algériens est évident. En ce qui concerne la question de la bi-nationalité, ce n’est pas un problème en soi. Personnellement, j’ai été heureux de pouvoir jouer pour les deux pays. Je pense que si les joueurs algériens ont les qualités pour, autant qu’ils jouent et défendent les couleurs de l’équipe de France de football. S’ils n’en ont pas assez, il est préférable qu’ils acceptent de jouer pour leur pays d’origine. Je vais prendre l’exemple de Yacine Brahimi. Je pense qu’il n’atteindra pas le niveau de l’équipe de France, mis à part peut-être en espoirs. Alors je lui conseillerai de jouer pour l’Algérie ».
SRO : Le championnat algérien est professionnel depuis seulement 2010 : la non-professionnalisation du championnat était-elle un obstacle à la compétitivité du football algérien dans son ensemble ? Pourquoi ?
- Mahi : « J’ai vraiment l’impression que le niveau du football algérien dans son ensemble a régressé. Il faut qu’il se structure et que les joueurs se préparent mieux en amont ».
SRO : En ce sens, que pensez-vous de Vahid Halilhodžić, actuel sélectionneur de la sélection algérienne ?
- Mahi : « Il faut qu’il puisse travailler sur la durée. C’est la condition sine qua none. Jusqu’à présent, il y a surtout eu un défilé d’entraîneurs à la tête de la sélection algérienne. Je pense que la stabilité est la clé de la réussite. Il faut donner du temps au temps, comme on dit. Si au bout de quelques années, il n’y a toujours pas d’amélioration, alors il sera toujours temps de lui trouver un successeur ».
SRO : Vous n’avez pas évolué au sein de l’équipe du FLN (Front de Libération Nationale). Pourquoi ?
- Mahi : « Pour tout vous dire, c’est une histoire bien plus compliquée qu’elle en a l’air. À cette époque, je jouais encore à Rennes. Un soir, je reçois la visite d’un joueur algérien du Stade de Reims qui me dit : « Tu dois te présenter dans cinq jours à Genève ». Le rendez-vous était fixé un lundi je crois. Je lui ai alors répondu que ce n’était pas possible, car j’avais un match à disputer le samedi précédent à Saint-Étienne. À mon retour du Forez, deux policiers m’attendent pourtant et affirment que je fais partie du FLN. Monsieur Girard intervient alors pour prendre ma défense et pour leur expliquer que je n’avais pas eu l’intention de prendre la route pour Genève ».
SRO : Aujourd’hui, que devenez-vous ?
- Mahi : « Comme vous l’imaginez, je vis une retraite paisible. Je vois les copains de temps en temps. Je m’arrête boire un café. Je vais faire un petit tour en ville ».
SRO : À l’heure actuelle, côtoyez-vous toujours d’anciens joueurs du Stade Rennais ?
- Mahi : « Oui, toujours. Je vois régulièrement Loulou Cardiet, Yves Audigane, André Ascensio, Robert Rico aux matches du SRFC. D’ailleurs, nous organisons un repas en juin, une fois par an. Et nous sommes toujours ravis de nous retrouver autour d’une table ».
SRO : De manière générale, quel regard portez-vous sur les performances rennaises depuis le début de la saison ?
- Mahi : « Je me demande parfois si le SRFC y arrivera un jour. C’est frustrant parce qu’il y a un très bon public et des infrastructures parfaites pour réussir. Pour toucher le graal, le SRFC doit se renforcer tous les ans et garder ses meilleurs joueurs. Malheureusement, depuis quelques années déjà, le club doit se reconstruire à chaque intersaison. Cette année encore, Yann M’vila va partir et laisser orphelin le milieu de terrain rennais. C’est vraiment dommage. Je pense que le club doit s’inspirer de Lyon. L’équipe rhodanienne est un bel exemple à suivre, et démontre que la stabilité a payé. Rennes ne peut pas laisser partir deux/trois joueurs tous les ans, et réussir des belles choses par la suite ».
SRO : Que pensez-vous de Frédéric Antonetti ? Est-il l’entraîneur qui sera capable de faire franchir le fameux palier qui sépare le club du statut de prétendant à l’Europe à prétendant au titre ?
- Mahi : « Comme je le dis souvent, ce n’est pas un entraîneur qui fait l’équipe, mais l’équipe qui fait un entraîneur. Il faut lui donner les moyens de réussir et que les joueurs donnent le maximum sur le terrain. Ils ne doivent jamais sortir du terrain avec des regrets. Le Stade rennais devrait prétendre à mieux, surtout que le niveau général de la Ligue 1 a baissé ces dernières années ».
Merci à Mahi pour sa disponibilité.
Sources photo :
- forum footnostalgie
Bibi peau de chien
4 avril 2012 à 13h44C’est avec émotion que je découvre cette belle interview de Mahi Kennane qui fut un des grands attaquants du Stade ; Bravo & Merci à lui . Pour le très ancien & inconditionnel supporter que je suis , ce sont plein de souvenirs qui affluent . Je ne puis m’empêcher de citer quelques autres figures emblématiques qui ont jalonné l’histoire de ce Club : Kéru, Tonton ( Loncle ) , Rodi , Tatane ( Cuissard ) , Loulou ( Floch ) , Combot , la Grume ( Grumellon ), Pokou , Aubour , Naumovic , Lavaud , etc ... Bien sùr , plein d’autres ne sont pas oubliés , mais il faudrait un imposant annuaire , ce qui n’est hélas pas possible . Tout celà ne doit pas dire grand chose aux plus jeunes , mais c’est pour rappeler que le S.R. est un monument - toutes proportions gardées - & qu’il lui faut ne pas décevoir mais au contraire progresser , en affichant une plus REELLE AMBITION . C’est bien sùr aussi une question de moyens financiers : avec à sa tête l’homme d’affaires qui a sauvé le Stade , cela devrait être du domaine du possible . Il y a une tellement grande attente pour le grand Ouest : Messieurs Pinaut ne nous décevez pas !
J’avais 8 ans quand j’ai commencé à me rendre au Stade Rennais avec mon père... c’était en 1956, et Mahi arrivait.
Autour du Stade, Mahi était la vedette de l’équipe, et c’était, pour moi, une véritable icône.
C’ était l’époque des Ascensio, Gaulon, Dombeck, Imbernon, Boutet, Pinat, Goujon, Théo, Ziemzack et bien d’autres encore
Mahi était certainement un homme gentil et abordable (son interview le prouve), mais il n’imagine pas ce qu’il pouvait représenter pour les enfants qui le regardaient jouer le dimanche, à l’époque de M. Girard, Guérin, Cuissard et de la Butte derrière les buts...
Ah ! Nostalgie !
Il se fait défoncer le genou par Roger Lemerre, puis se fait opérer par le docteur Lemerre.
Logique.
Louis G
5 avril 2012 à 07h09Que de bons souvenirs avec Mahi , joueur efficace et sympa à la fois on ne peut que s’y attacher...aujourd’hui c’est bien différent qu’à cette l’époque ; sans doute la faute à l’argent devenu roi dans nos sociétes occidentales ??...
Rodighiero
5 avril 2012 à 08h57> à l’anonyme : Aucune logique. Simple fait du hasard.
Merci pour vos commentaires qui feront certainement plaisir à Mahi. :)
benamar
23 juillet 2012 à 19h13Je suis un mascaréen ,fervent supporter du Stade Rennais de naguère, du temps de Lamia, Lavaud,Loncle, Mahi et consorts. Les commentaires concernant Monsieur Khennane Mahi né le 21 Octobre 1936 à Mascara, m’ont fait plaisir car je suis un fervent admirateur de Mahi, d’ailleurs, on communique assez souvent par téléphone.Ce que je veux dire, c’est qu’il jouit toujours d’une sacrée estime à Mascara et tout le monde espère qu’il y revienne, ne serait-ce que pour quelques jours, tellement il a donné à Mascara ses titres de gloire, lui confectionnant un jeu académique, bien léché, et tant redouté par les équipes adverses.A 32 ans, non seulement il fit parler la poudre durant les 3 saisons qu’il passa à Mascara, mais il fit du Gallia Club de Mascara une équipe redoutable et redoutée sur le territoire national.En 1984, il offrit au GCM le titre de champion d’Algérie avec comme fer de lance un footballeur incroyablement doué : Belloumi qui aurait dû suivre le chemin de son entraineur en jouant en Europe.Si Mahi lit ces lignes, il me reconnaitra sûrement.Je lui souhaite une longue vie, une très bonne santé, et de le revoir à Mascara, ma maison lui sera grand’ouverte.Bonne chance au Stde Rennais pour la saison 2012-2013.
benamar
29 juillet 2012 à 22h10C’est le ramadhan à Mascara, Mahi doit sûrement penser à notre fameuse chorba et H’rira.J’aimerai bien qu’il lise ces lignes pour se rendre compte que tous les mascaréens le gardent toujours dans leurs coeurs.Son ami Daho Ould Haba Haloua m’a confirmé que s’il reviendrait à Mascara, il trouverait toutes portes ouvertes.On tient à remercier les entraineurs du Stade Rennais qui ont fait de lui le formidable joueur qu’il fut et qu’il transmit son savoir aux joueurs du Gallia.Au fait si quelqu’un peut éclairer ma modeste lanterne concernant Brotons.J’ai parié avec un ami que ce joueur avait évolué au CALO Oran avec Marcel Aubour et je me souviens toujours du titre de l’Echo d’Oran : Vicidomini, Brotons(2 buts) et Marcenac abattent l’AGSMascara en seconde mi-temps ( 4-1 à Mascara ).Mascara avait ouvert le score par feu Sahraoui qui planta un but au légendaire Aubour. Tous les mascaréens sont fervents supporters du Stade Rennais d’une part vu la carrière de Mahi et d’autre part à cause d’un sacré joueur : Pitroipa et de l’entraineur corse Antonetti ( ou Antonnetti)qui sait placer le mot juste et qui reste digne dans la défaite.Merci et bien le bonjour à Mahi.J’étais présent quand il a appelé son co-équipier Bottiche lors de son jubilé à Mascara pour lui souhaiter un prompt rétablissement.La ville de Rennes a de la chance de garder Mahi , car c’est un fabuleux personnage.
ahmed
4 novembre 2016 à 15h41Le grand bonjour à ce grand joueur . Que Dieu lui prête longue vie. Les mascarėents l’appelaient « Larde ya mahi Larde ».
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