Un œil dans le rétro : Rennes - Auxerre en 1992

En marge de la rencontre opposant le Stade rennais à Auxerre, pour le compte de la 29e journée du championnat de France de Ligue 1, Stade Rennais Online vous propose de revisiter une rencontre capitale disputée entre les deux clubs, en mai 1992 au stade de la route de Lorient.

Contexte

Après un exercice 1990-1991 où le SRFC réussit à décrocher son maintien parmi l’élite hexagonale grâce à la relégation administrative [1] de Bordeaux, Nice et Brest, le club breton entame une deuxième saison consécutive en D1, sous l’égide de Didier Notheaux qui remplace ainsi Raymond Kéruzoré, remercié par les dirigeants stadistes après une intersaison quelque peu mouvementée.
Malheureusement, la saison bretonne démarre de la plus mauvaise des manières, puisque Rennes enchaîne quatre défaites d’affilée et se retrouve immédiatement ancré dans la zone rouge. Malgré quelques signes d’amélioration, durant la phase retour notamment, les "Rouge et Noir" luttent toute l’année pour éviter une nouvelle descente à l’échelon inférieur.

L’objectif de la fin de saison est clair. Rennes doit se faire violence et clôturer l’exercice à la dix-huitième place au minimum - celle du barragiste - pour continuer à croire en sa bonne étoile. Un moment distancé, le club de la capitale bretonne revient dans la course au maintien, grâce à un improbable succès acquis à Geoffroy-Guichard face à Saint-Étienne (1-0, but de Thierry Turban), lors de l’avant-dernière journée du championnat. Il reste alors une seule rencontre à disputer, et trois clubs sont encore susceptibles de convoiter cette place de barragiste, synonyme d’espérances et de dernière chance via la défunte épreuve des barrages D1/D2.
À l’aube de la dernière journée de première division, c’est Rennes qui est le mieux placé. Le Stade rennais se positionne alors à la dix-huitième place tant désirée avec 28 points au compteur (et une différence de but de -17) devant l’AS Cannes (27 points, -14) et L’AS Nancy-Lorraine (27 points, -24). Ironie du sort, les deux clubs azuréen et lorrain s’affrontent lors de cette dernière journée. De son côté, Rennes reçoit Auxerre, avec l’avantage non négligeable d’avoir encore son destin entre les mains. En cas de succès des protégés de Didier Notheaux, le club du président René Ruello serait automatiquement assuré de terminer en position de barragiste, sans se préoccuper de l’évolution du score de l’autre rencontre.

Le déroulement de la rencontre

Dans l’obligation d’obtenir un résultat positif face au quatrième de D1, les joueurs rennais sont particulièrement nerveux avant de rentrer sur la pelouse. Le parc des sports de la route de Lorient a fait le plein pour l’occasion, 24 688 spectateurs se sont rués dans les travées du vieux stade, afin de pousser le club breton vers la victoire. L’ambiance dans les tribunes est digne des grands soirs, les supporters "Rouge et Noir" sont chauffés à blanc et veulent enfin devenir le "douzième homme".
Avant le début de la rencontre, Didier Notheaux a concocté un plan de bataille et adopte un innovant double dispositif sur les ailes (en positionnant Fauvel et Le Dizet sur le côté gauche, ainsi que Rico et Noël sur le flanc droit), dans le but de passer par les côtés, et espère ainsi bloquer les couloirs, afin de museler l’activité incessante de Pascal Vahirua et de Christophe Cocard. La tactique est intéressante, reste à savoir si les joueurs rennais seront capables de résister à la force de frappe bourguignonne.

Rennes a de bonnes intentions mais les joueurs icaunais se montrent les premiers menaçants. Sur son côté gauche, Vahirua donne déjà le tournis à ses adversaires, s’appuyant sur son incroyable vivacité, tandis que Coco Martins, l’ancien joueur du Stade Brestois, se montre également à son avantage au milieu du terrain. L’armada bourguignonne donne de suite du fil à retordre à une formation stadiste logiquement crispée par les enjeux cruciaux de la rencontre. Au bout de quinze minutes de jeu, c’est tout d’abord Christophe Cocard qui donne des frissons aux 25 000 supporters bretons lorsqu’il frappe légèrement à droite des buts de Pascal Rousseau, alors qu’il est pourtant positionné dans un angle fermé. Première grosse sueur froide pour Didier Notheaux et ses joueurs.
Quatre minutes plus tard, l’entraineur breton est obligé de modifier son système de jeu, du fait de la blessure à la cheville (entorse) de l’emblématique François Denis. C’est un gros coup dur pour le SRFC, qui n’en avait vraiment pas besoin. Le coach haut-normand décide alors de faire rentrer Blaz Sliskovic et replace le valeureux Michel Sorin au marquage du virevoltant attaquant auxerrois Gérald Baticle.

Malgré ce changement, la physionomie de la rencontre n’évolue guère, les joueurs icaunais se montrant toujours aussi dangereux. Dominé dans l’entrejeu par les protégés de Guy Roux, Rennes est pourtant tout près d’ouvrir le score, lorsque sur un bon travail de Kujtim Shala, Oosterveer a le but au bout du pied. Mais alors qu’il se trouve en position idéale à quelques mètres seulement de Bruno Martini, il dévisse malheureusement son tir. Malgré quelques timides tentatives de part et d’autre, les deux équipes regagnent les vestiaires sur un score de parité de 0-0. Il n’est vraiment pas évident de jouer Auxerre.
À la mi-temps, les Rennais ne sont toujours pas parvenus à trouver la faille. Delamontagne est dominé dans les airs par l’impeccable Prunier, et Shala a toutes les peines du monde à se dépêtrer de la surveillance à la culotte de Mazzolini. Au terme des quarante-cinq premières minutes, Rennes est relégué en seconde division, puisque dans le même temps, Nancy a ouvert le score par Tony Vairelles à la 29ème minute face à Cannes.

Au retour des vestiaires, l’atmosphère est particulièrement pesante, presque étouffante même. Il y a réellement du drame dans l’air. La tension monte encore d’un cran lorsque le public totalement déchaîné, amorce une énième "Ola". Côté terrain, la rencontre est dorénavant cadenassée à double tour, mais se révèle conforme aux attentes d’avant-confrontation. Elle engendre pourtant des frissons multiples, mais aussi de folles espérances. Une sorte de cocktail d’émotions en tous genres, que les nombreux supporters stadistes ne sont pas près d’oublier.
Puis, d’un coup d’un seul, le match devient de plus en plus spectaculaire. C’est ainsi que Gérald Baticle, bien servi par Martins, voit sa magnifique frappe tendue frôler la barre transversale du portier "Rouge et Noir". Quelques instants plus tard, c’est au tour de Christophe Cocard de se mettre en évidence, lorsque celui-ci adresse un centre parfait dont lui seul a le secret, qui rebondit juste devant Pascal Rousseau, resté stoïque sur cette action. Rennes a eu très chaud, Auxerre est de plus en plus pressant.

Malgré la domination auxerroise, la réaction rennaise ne se fait pas attendre. En effet, un autre Christophe... Fauvel manque inexplicablement l’occasion d’ouvrir le score, et ce, à deux reprises, alors que le plus dur avait été fait par ses coéquipiers. Tout d’abord à l’heure de jeu, lorsque le jeune joueur breton place le ballon, de la tête, à quelques centimètres de Bruno Martini suite à un très bon travail préparatoire de Blaz Sliskovic et de Kujtim Shala. Ensuite, étrangement seul devant le gardien international auxerrois, il rate la cible alors qu’il est mis sur orbite grâce à un centre parfait de Laurent Delamontagne, qui prend alors de plus en plus souvent le dessus sur son adversaire direct, William Prunier.
C’est ensuite au tour d’Alain Noël de faire frissonner tout le stade, lorsque ce dernier envoie un missile de trente mètres qui passe non loin du but bourguignon, et qui fait suite à une reprise complètement manquée de Laurent Delamontagne, présent dans tous les bons coups depuis la reprise.

Il reste alors sept petites minutes à tenir, et le SRFC tient son point salvateur, puisque l’ancien buteur rennais François Omam-Biyik permet à l’AS Cannes de revenir au score face à Nancy (1-1, à la 83ème minute). Et puis, arrive le coup du sort. À la suite d’une double glissade de Noël et Huard, Daniel Dutuel trouve magistralement Coco Martins, qui envoie le Stade rennais en seconde division (85ème minute) ! Le stade est sonné, désabusé, on peut même entendre les mouches voler.
Le SRFC se rue alors à l’attaque, dans un dernier sursaut d’espoir. Et l’impossible se produit à l’ultime seconde... lorsque le jeune Laurent Huard arrache l’égalisation d’un tir lobé, plus vengeur qu’esthétique, et pousse Martins à chercher le ballon au fond de ses filets (1-1). Les 24 688 spectateurs présents se lèvent comme un seul homme, le tout dans une ambiance indescriptible. Dans la foulée, M. Quiniou l’arbitre de la rencontre, délivre tout un peuple. Le Stade rennais obtient finalement le droit de disputer les barrages contre le vainqueur de la rencontre opposant Strasbourg à Angers, grâce au premier but en première division de Laurent Huard qui, à dix-huit ans seulement, devient le héros de la soirée !

Les barrages à la dernière seconde

85ème minute de jeu : Corentin Martins ouvre le score pour l’AJ Auxerre et condamne le SRFC. Didier Notheaux est catastrophé et se prend la tête à deux mains. Rennes va connaître ses cinq dernières minutes avant l’enfer, enfin le croit-on. Puis, c’est comme une belle histoire qui se répète, encore et encore. Deux années auparavant, le Stade rennais avait décroché la timbale d’une accession en première division face au voisin lorientais, à la dernière seconde de l’ultime rencontre du championnat de D2.
Le 1er mai 1992, les cœurs des 24 688 spectateurs se sont encore une fois emballés, à toute vitesse. À la dernière minute de jeu, alors que tous les espoirs se sont envolés vers d’autres cieux, Laurent Huard tel le sauveur égalise pour le Stade rennais et rend du même coup la monnaie de sa pièce à un public de bout en bout remarquable dans son élan de soutien. En effet, les supporters "Rouge et Noir" ont crié, chanté, poussé leur équipe, peut-être comme jamais. Le vieux stade de la route de Lorient a résonné de ses vivats comme rarement dans l’histoire du club. Fait unique dans les annales du Stade rennais, ce fut également le grand soir de la "Ola" bretonne, popularisée en 1986 lors de la Coupe du monde au Mexique. En pleine rencontre, le mouvement dans les tribunes a failli ne jamais se terminer. Salves d’encouragement incroyables et répétées à l’infini par un public considéré généralement comme plutôt moribond.

Tous les indicateurs étaient au vert pour assister à une rencontre d’anthologie. Scène cocasse également lorsque Guy Roux, fou de rage, agresse verbalement voire presque physiquement Claude Dratel, le speaker du stade, coupable à ses yeux d’avoir annoncé avec un peu trop d’enthousiasme la rentrée du joker stadiste Thierry Turban. L’emblématique coach auxerrois présentera d’ailleurs ses excuses à la sortie, en confiant à l’animateur : « Vous avez un public formidable ! ». En deuxième division à cinq minutes du terme de la rencontre, les Rennais ont finalement arraché les barrages à la toute dernière seconde, grâce à un dernier sursaut d’orgueil. Un dernier tir rageur de Laurent Huard a donc transformé la dramaturge, en soirée inoubliable pour les quelques 24 688 spectateurs présents, ivres de bonheur après cette égalisation inespérée.

Malheureusement, la place de barragiste ainsi arrachée ne se révélera pas salvatrice comme espéré. Opposé au RC Strasbourg, le Stade rennais devra rendre les armes à l’issue de leur confrontation aller-retour. Le match nul décroché par les Alsaciens le 8 mai route de Lorient (0-0) aura annoncé leur furia au match retour, dans un stade de la Meinau en fusion (1-4).
Malgré le scénario incroyable de ce Rennes - Auxerre, le Stade rennais est relégué en Division 2 une dizaine de jours plus tard. Il mettra deux saisons pour remonter dans l’élite.

Feuille de match

Stade rennais 1 - 1 AJ Auxerre
Division 1, 38ème journée
1er mai 1992

Stade de la route de Lorient
Affluence : 24 688 spectateurs

Buts : Huard (90ème) pour Rennes ; Martins (85ème) pour Auxerre.

- Stade rennais : Rousseau - Fauvel (Turban, 70ème), Denis (Sliskovic, 19ème), Oosterveer, Le Dizet, Rico, Sorin, Noël, Huard, Shala, L. Delamontagne.

Entraîneur : Didier Notheaux

- AJ Auxerre : Martini - Mazzolini, Prunier, Roche, Kaczmarek (Darras, 86ème) - Guerreiro, Dutuel, Martins - Cocard, Baticle, Vahirua.

Entraîneur : Guy Roux

Sources :
- Archives Ouest France

Source photos :
- forum footnostalgie

Notes