À bientôt 33 ans, frustré par son manque de temps de jeu, et alors qu'il peut enfin compter sur l'intégralité de ses moyens physiques, Cyril Jeunechamp a tiré sa révérence rennaise jeudi soir, sous les ovations d'un public qui n'oubliera pas son joueur. Combatif à souhait, polyvalent, le Nîmois n'a pourtant que rarement pu être totalement satisfait de sa situation lors de ses cinq années en Bretagne.
Il est des joueurs que l’on préfère avoir avec soi que contre soi. Et pas besoin de s’appeller Pelé, Maradona, Messi, Zidane ou Ronaldo pour cela. Véritable combattant, redoutable compétiteur, Cyril Jeunechamp est de ceux-là.
Longtemps, Jeunechamp aurait pu prétendre au titre de meilleur boucher de la Ligue 1, eu égard à ses passages réguliers en commission de discipline.
_ Déjà à Bastia, il avait fait honneur à une équipe réputée pour sa rugosité. Tant et si bien qu’il aurait amplement mérité sa place aux côtés des "Guerriers de Furiani", fameuse équipe bastiaise placée sous les ordres du bouillant Frédéric Antonetti au carrefour des décennies 1990 et 2000, qui fit la fortune de tous les chirurgiens orthopédistes du continent (95 jaunes et 8 rouges récoltés sur la seule saison 2002-03 par exemple, ou un fameux Nantes - Bastia en 1998 où pas moins de 4 joueurs corses furent expulsés en moins de 45 minutes).
Les tacles engagés, à la limite parfois de la régularité, le Nîmois connaît donc, qu’ils soient à son actif, où qu’il ait dû les subir.
Car ses deux ruptures des ligaments croisés du genou, étalées sur deux saisons consécutives, lui auront attiré la sympathie de la majeure partie d’un public rennais qui l’a pourtant longtemps vu d’un œil mi-subjugué, mi-agacé. Son chaud tempérament lui a valu une trentaine d’avertissements et cinq expulsions au cours de son aventure bretonne, et si cela peut paraître anecdotique, voire amusant lorsque l’équipe est en pleine réussite, il n’en était pas de même lorsque le Gardois a fait ses débuts sous le maillot rouge et noir.
Recruté à Bastia par Vahid Halilhodzic en échange d’un Laurent Batlles en disgrâce, Jeunechamp s’impose au milieu, et s’emploie à participer au sauvetage d’un club alors en proie à la relégation.
_ L’arrivée de Laszlo Bölöni le repositionne rapidement sur le côté gauche de la défense, et son entente avec Olivier Monterrubio s’affine.
Promu entre-temps capitaine de l’équipe après le départ de Dominique Arribagé, le joueur - si "sanguin" autrefois - s’est assagi, et devient une cible moins privilégiée du corps arbitral.
Titulaire quasi-indiscutable à gauche, Jeunechamp exprime pourtant son ras-le-bol, et son désir de revenir à son poste de milieu défensif axial.
Il est enfin exaucé à l’été 2005 lorsque le Stade Rennais recrute successivement Alain Rochat puis Erik Edman pour occuper le flanc gauche, mais arrive la première tuile, lors d’un déplacement à Lens fin septembre. Rupture des ligaments croisés du genou. Il ne reviendra qu’en avril, jouant six matches en fin de saison.
La saison suivante, belote, rebelote et dix de der. Face à son ancien club, l’AJ Auxerre, Jeunechamp doit céder sa place, à nouveau touché aux ligaments du genou. Son retour sera fracassant, lors d’un inoubliable Rennes - Lorient (4-1), où il marquera sur son premier ballon.
Mais voila. Pour ainsi dire absent depuis deux saisons, Jeunechamp a été un observateur privilégié du développement du club. Avec ses bonnes conséquences au niveau des résultats, mais également - plus cruelles - au niveau d’un effectif plus fourni et plus complet.
Avec de nombreuses compétitions à gérer, le turn-over est indispensable, mais Cyril lui n’est plus un titulaire indiscutable.
Difficile de ne pas comprendre les désiratas de Jeunechamp sachant ce qu’il a dû subir ces dernières années. Réussir à s’être relevé de ses deux blessures, à l’âge qui est le sien, est tout à son honneur. Sachant cela, impossible de lui reprocher de ne pas vouloir suivre la moitié de la saison (ou plus) depuis le banc.
Ardemment courtisé par Le Mans cet été, le Nîmois, en fin de contrat en juin prochain, avait cédé à l’argumentation de Dréossi et à son amour du maillot rennais. Faute de temps de jeu, il rejoindra donc Nice, qui lui garantira plus volontiers une place régulière de titulaire le samedi soir.
Un départ qui pose, de façon plus soutenue encore, cette interrogation déjà soulevée régulièrement dans la presse locale : comment Pierre Dréossi réussira t-il à gérer son effectif et le "capital ego" qui en découle lorsque son équipe n’aura plus qu’une ou deux compétitions à gérer ?
Jeudi soir, comme pour rappeler que le manager rennais pourrait se retrouver bientôt face à bien des soucis, le SK Brann hypothéquait un peu plus la suite du parcours rennais en UEFA, tandis que faisait ses adieux un joueur déjà déçu de ne pas avoir eu plus régulièrement sa place dans le onze titulaire.
Une première "victime" du turn-over qui laissera un excellent souvenir au public rennais, si l’on en croît les acclamations qui lui furent réservées jeudi soir lors de son tour d’honneur, et la banderole « Cyril, merci pour tout » déployée par le RCK avant le coup d’envoi.
Un "problème de riche" pour le Stade Rennais, somme toute.
- 265 matches de Ligue 1, dont 108 pour le Stade Rennais
- 126 matches au total pour le Stade Rennais
- 4 buts en rouge et noir, dont deux la saison dernière
- 5 clubs seulement en l’espace de 13 ans (Nîmes, Auxerre, Bastia, Rennes et Nice)
- Un joueur que l’on n’oubliera pas
Ajouter un commentaire