ENTRETIEN / Bryan Adinany (Le Puy Foot 43) : « Il n’y a pas beaucoup de clubs qui peuvent se dire plus gros que le Stade rennais »
Publié le 28 février 2024 à 23h08 parPassé au Stade rennais en 2017-2018, Bryan Adinany retrouve le SRFC avec Le Puy Foot jeudi soir en quart de finale de Coupe de France. À presque 24 ans, l’attaquant qui évoluait avec Warmed Omari ou Adrien Truffert il y a 6 ans, a depuis connu un parcours particulier, et envisage toujours d’atteindre son objectif de passer professionnel. Entretien avec un ancien pensionnaire de la Piverdière, qui revient de loin.
Comment arrives-tu au Stade rennais en 2017 ?
Je sortais d’une bonne saison avec les U17 de Trélissac, on était montés en U19 Nationaux. Un recruteur du Stade rennais m’avait vu avec un ami, et j’étais monté faire un essai de 2-3 jours. Suite à cela, le club voulait me revoir en essai, et je suis parti en tournoi avec eux à Brétignolles-sur-mer. J’ai été plutôt bon, le coach Cédric Vanoukia et le club ont décidé de me faire signer un an en convention, sur mon année de terminale.
Tu arrives dans une grosse équipe…
C’était la génération des 2000-2001 : Sacha Boey, Lorenz Assignon, Alexis Trouillet, Sofiane Diop, Alan Kerouedan, Arnaud Tattevin, Warmed Omari, Wilson Isidor, Adrien Truffert, Yann Gboho, Lucas Da Cunha… Quand je viens du petit club de Trélissac en U17 DH, rencontrer tous ces joueurs-là, avec ce professionnalisme, qui côtoient l’équipe de France, jouent avec la réserve et touchaient du bout des doigts le haut niveau… C’était vraiment un gros changement, que ce soit dans ma vie personnelle ou sur le terrain. Je sentais qu’il y avait un gros fossé.
Tu parles de fossé, parce que tu ne te sentais pas capable de le combler ?
Comme tout joueur, mon rêve, et ça l’est encore, c’était de devenir pro. Et être confronté à cette réalité, tu te dis qu’il y a quand même une marche conséquente à faire. Après, me dire que je n’en avais pas les moyens, non. Vraiment pas. Mais j’ai pris conscience de ce qu’était le haut niveau pour mon âge.
Quels souvenirs gardes-tu de ce passage ?
Ce n’est pas la meilleure saison que j’ai faite footballistiquement, je n’ai pas beaucoup joué mais j’ai énormément appris par contre. Que ce soit sur le plan technique, tactique, comment me déplacer. C’était la première année où j’étais loin de ma famille. Sur le moment, je pensais que c’était une année de perdue. Mais c’est après, un ou deux ans plus tard que je me suis réellement rendu compte que c’était une année incroyable, que j’avais vraiment muri, et que le Stade rennais m’avait vraiment apporté. Footballistiquement c’est incroyable tout ce que ça m’a apporté. Sur le moment, j’ai eu du mal à prendre du recul.
Qu’est-ce qui est si différent entre jouer en jeunes à Trélissac et au Stade rennais ?
On était au centre de formation, donc on dormait au même endroit tous ensemble. À Trélissac, j’étais en internat au lycée, et j’étais avec 4-6 joueurs, mais ce n’était pas tous ensemble. Là, c’est tout le centre de formation qui vit ensemble, les 2000, 2001, 2002, à part quelques externes. Ça mangeait foot, ça vivait foot. Ça démontrait clairement que tout le monde voulait devenir pro, ce n’était pas juste des paroles en l’air. À Trélissac, on voulait tous devenir pros, ce n’était pas une phrase en l’air, mais c’était « est-ce qu’on le pouvait vraiment ? Ah.. je ne sais pas trop ». Là ils avaient leur chance, tout le monde se donnait à 100%, et il y avait un peu plus de rivalité.
Est-ce que ça se ressentait dans les rapports humains ?
Oui bien sûr. Je l’ai senti dès le début. Ça a forgé mon caractère et qui je suis à l’heure actuelle. Je suis venu « de nulle part », forcément les autres joueurs se sont dit « il est là pour prendre ma place ». Ça s’est senti directement sur le terrain et dans la vie hors terrain. Ce n’est pas pour dire qu’ils étaient méchants avec moi, mais je sentais que c’était différent de là où je venais.
« Je me suis rendu compte que j’avais appris plein de trucs »
Comment as-tu vécu le fait de ne pas être conservé par le Stade rennais en 2018 ?
À la fin j’obtiens mon BAC, et si j’étais resté à Trélissac, et dans mon lycée… Je ne suivais pas forcément les cours et à côté je faisais pas mal de bordel. Là, le fait d’être en centre de formation et qu’on soit très peu en classe, ça m’a permis d’être plus focalisé sur les cours, et sur le plan scolaire d’être plus droit. Mis à part l’obtention du BAC, c’était très difficile car je ne savais pas si je devais revenir à Trélissac ou aller dans un autre club. C’était très difficile quand j’y repense. Mais j’ai eu la chance de pouvoir atterrir à Châteauroux, en même temps que Léo Leroy. C’est suite à ça que je me suis rendu compte que le Stade rennais c’était vraiment bien. Je suis redescendu de classe, et sans critiquer La Berrichonne, un très bon club de Ligue 2 avec de très bons joueurs, je sentais que ce n’était pas du tout comme le Stade rennais. C’est là que je me suis rendu compte que j’avais appris plein de trucs. À Châteauroux, quand je faisais un certain déplacement, les joueurs ne le comprenaient pas. Tactiquement, j’avais vraiment muri.
Depuis Châteauroux, tu as connu 5 clubs. Comment l’expliques-tu ?
À Châteauroux, j’ai fait un an et demi. Je m’attendais à signer pro, sauf que le directeur sportif de l’époque ne voulait pas. Je me suis dit « autant que je parte en Serie C » (à Gozzano, en troisième division italienne, ndlr), mais c’est là qu’il y a eu la période Covid. Je suis resté 6 mois là-bas, et avec l’arrêt du championnat, le club est resté dans la zone rouge et est descendu. Je me suis dit que ça ne servait à rien de rester dans une D4 en Italie alors que je pouvais trouver une N2 en France. Mais quand je sors de Serie C, je fais un an sans club. Je pense que c’est l’année la plus dure footballistiquement que j’ai vécu.
Qu’est-ce qu’on fait pendant une année sans club ?
Je m’entraînais seul, j’avais un club de R1 à côté de chez moi où j’allais de temps en temps. J’ai fait un mois au Gazélec Ajaccio : deux semaines en essai où ça s’était très bien passé, je devais signer, puis deux semaines à cause de problèmes d’administration. Au final, ils n’ont pas pu me donner un contrat à cause de la DNCG. Je suis retourné chez moi sans club, en novembre 2020. Le retour était encore plus dur. Je reste sans club jusqu’à mars 2021, et je pars en essai en D1 roumaine. Je reste là-bas 2 mois. Au bout de 2-3 semaines d’essai, le club me donne un contrat pro, sauf qu’il y a un autre retournement… Il y a eu des problèmes de contrat avec mon ancien club en Italie (Gozzano, ndlr). Je suis obligé de retourner en France, fin avril (2021), toujours sans club, bredouille. C’est vraiment un coup de massue à ce moment-là. Je continue à m’entrainer seul, et à retourner avec la R1 à côté de chez moi.
Et ensuite ?
Dès que j’ai quitté l’Italie, j’ai changé d’agent. Il a fait plus ou moins n’importe quoi, m’a emmené en Italie pour que lui gagne son argent. Si j’étais resté à Châteauroux, au final j’avais énormément de chance de signer pro.
Tu penses que tu aurais dû patienter à ce moment-là ?
Oui oui. C’est parti maintenant, mais très longtemps je m’en suis voulu d’avoir voulu trop vite mon contrat pro, comme la plupart des jeunes actuellement. C’est tout, tout de suite. J’avais juste qu’à attendre 6 mois de plus et je pense que je l’aurais eu. J’en suis quasiment sûr.
« La coupe de France, c’est l’occasion de se montrer »
On est à l’été 2021, et tu reprends dans un club français.
Oui, je reprends en Alsace, à Saint-Louis Neuweg, en N3. Je reprends le foot en championnat, c’est un plaisir. Mais on descend en R1 en fin de saison. J’avais mis 5 buts et j’avais fait une bonne saison malgré tout. J’avais fait un très gros match contre Raon-l’Étape, qui m’a sollicité. Je me suis retrouvé dans les Vosges (en 2022-2023, ndlr). Là, je fais une très bonne saison (13 buts en 24 matchs de N3). Je fais un bon match en coupe de France contre le FC Metz, et suite à ça le directeur sportif du Puy m’appelle, et voulait que je vienne ici. C’est comme ça que j’ai atterri au Puy.
Vous connaissez une sacrée épopée en coupe de France. C’est aussi pour toi l’occasion de te montrer à nouveau au foot français ?
Bien sûr. Pour tout le monde, quand on fait un parcours en coupe de France, c’est idéal pour se montrer aux yeux des clubs supérieurs. La coupe de France, c’est l’occasion de se montrer à tous les grands clubs. Là on affronte le Stade rennais, et c’est encore plus gros, sans dénigrer Dunkerque et Laval (battus les tous précédents par Le Puy, ndlr). C’est un gros morceau de ce qui se fait en France. Il n’y a pas beaucoup de clubs qui peuvent se dire « on est plus gros que le Stade rennais ».
Est-ce que ce sera quelque chose de particulier pour toi de retrouver le Stade rennais ?
Affronter l’équipe à laquelle j’aspirais il y a quelques temps en arrière, ça a un goût particulier quand même.
Tu auras probablement Warmed Omari, que tu as connu au centre, au marquage. Tu as déjà une idée de la manière de lui échapper ?
Je n’ai pas forcément d’idées, mais je sais que c’est un bon joueur dans les duels, il analyse très bien les lectures de trajectoires, les balles en profondeur aussi. Je vais essayer de mettre du mouvement et de ne pas être statique. Je sais que je suis bon dos au jeu. Ne pas le laisser me passer devant sur une passe, et garder du mouvement pour ne pas qu’il puisse réussir à me cerner dans mes déplacements.
Est-ce que tu mesures le chemin parcouru depuis 2018 ?
Je n’ai pas forcément pris de recul sur le chemin entier, mais c’est vrai qu’il y a eu un périple quand même (rires). Maintenant que tu le dis, il y a eu un gros chemin. Lors du tirage, je me suis dit qu’il y avait beaucoup de signes quand même, pas mal de choses qui s’alignent, de retournements de situations. Ça va être un bon match. Quel que soit le résultat, même si j’espère que ce sera Le Puy qui gagnera, le match aura un goût particulier.
Tu vas avoir 24 ans en mars. Aspires-tu encore à signer pro, comme quand tu avais 18 ans ?
Ah oui bien sûr ! Oui oui oui. Ce n’est même pas sorti de ma tête, pas un moment. Même pendant l’année blanche où j’avais forcément moins de motivation. Mais cet objectif n’est jamais sorti de ma tête.
Crédit Photo : Sébastien Ricou / Le Puy Foot 43
Bryan Adinany :
- 23 ans
- Attaquant
- Parcours : Rennes (2017-2018), Châteauroux (2018-2020), Gozzano (2020), Saint-Louis Neuweg (2021-2022), US Raon-l’Étape (2022-2023), Le Puy Foot (2023 - en cours)
Vos réactions (6 commentaires)
CondateFan
28 février à 08h23Loin d’être aussi irrévérencieux que l’original, mais quand même très intéressant l’avis de Bryan.
zoukcoreBZH
28 février à 08h36Très bel entretien qui met en exergue un jeune homme lucide, très intelligent à travers un parcours de vie, une utopie de projet sportif pour gravir les marches, au combien fragiles, sensibles, qui je lui souhaite le mèneront au statut professionnel auquel il aspire.
Merci à SRO pour la qualité d’un tel entretien.
Sans faire de comparaison imbécile, quand on peut lire la platitude de certains articles proposés dans certains linges ou torchons de l’ouest, un tel article y aurait plus que sa place. Merci M Rassouli. Top.
Titi3435
28 février à 12h00Oui,merci Thomas, bel article.
ShabShab
28 février à 13h05Oui, très bonne interview !
C’est plutôt sympa et bien construit.
Vallès
28 février à 13h13Très intéressant, on voit bien que le monde du foot n’est pas forcément simple et si on voit les quelques joueurs qui passent pro, on oublie vite tous ceux qui partent dans les divisions inférieures...
Thabor35
2 mars à 17h37Bel article. Argent quand tu nous tiens.
Joueur qui aurait dû rester à Rennes