Passage de témoin
Publié le 25 avril 2007 à 00h14 parEntre le FC Nantes et le Stade Rennais, le derby de samedi prochain aura des allures de passage de témoin. D'un côté, des Canaris à l'agonie, victimes de choix discutables sur le plan sportif et d'un grand n'importe quoi dans la gestion administrative du club ; de l'autre un Stade Rennais qui s'est enfin stabilisé, s'est modernisé, et peut se permettre de jouer une place européenne à l'issue d'une saison globalement moyenne. Analyse.
Le bateau nantais en passe de sombrer
Humilié au Parc des Princes dans ce qui ressemblait fort à un match de la dernière chance, le FC Nantes-Atlantique a sans doute dit adieu à la Ligue 1 en recevant une fessée de la part de l’autre "grand malade" de cette saison 2006-2007, le Paris Saint-Germain.
Enfoncés à la fois dans leur manque de chance (poteau de Da Rocha) mais surtout dans leurs errances défensives, les Nantais se retrouvent à 7 points du premier relégable, qui plus est avec une différence de buts catastrophique. À cinq journées de la fin, la mission est clairement impossible.
Et pourtant, en juillet 2006, à l’aube de cette nouvelle saison, les Canaris gonflaient leurs plumes, revigorés par un recrutement qui semblait enfin judicieux.
Symbole de cet espoir retrouvé, le premier match nantais, celui qui ouvrait la saison. Le champion en titre lyonnais se déplace à la Beaujoire. Dès la 4ème minute, une des nouvelles recrues, Nourdin Boukhari, fraîchement débarqué de l’Ajax, ouvre le score d’un joli coup-franc. L’espoir change vite de camp, lorsque Benzema égalise, ouvrant la longue liste des buts encaissés par les Jaunes cette saison. Score final : 3-1 pour les Gônes, et il faudra attendre la septième journée pour que Nantes s’impose une première fois [1].
Les recrues qui devaient faire de Nantes un club visant « la sixième place » du championnat, dixit le président Rudi Roussillon en début de saison, vont retomber une à une comme le soufflé. Boukhari et le gardien Stojkovic suscitent moqueries, avant de repartir vite fait aux Pays-Bas. Le dribbleur suédois Wilhelmsson, si convoité à l’intersaison, ne s’intégrera jamais, et fait désormais le bonheur de l’AS Rome en Italie.
Au mercato d’hiver, rebelote. Barthez, Zaïri et Pieroni viennent sauver le soldat nantais, visiblement plus imposés par la présidence du club que demandés par le staff technique. Le Belge fait illusion quelques matches en marquant quelques buts, mais déçoit finalement, et perd sa place. Zaïri confirme définitivement que sa qualité de dribble est totalement stérile ; et un Barthez en pré-retraite ne suffit pas à stabiliser une défense, contribuant même à créer des tensions dans un groupe déjà bien affaibli.
Si l’on ajoute à ce tableau quatre entraîneurs différents (Le Dizet, Eo, puis le tandem Der Zakarian-Ndoram), le bilan n’est guère réjouissant. Seule pointe d’optimisme, comme souvent à Nantes, l’émergence de quelques jeunes pousses, avec comme chef de file Dimitri Payet, qui sont autant de motifs d’espoir pour un club en pleine déconfiture.
La formation comme symbole
Seulement, les perspectives ne sont pas non plus joyeuses concernant la formation. Le FC Nantes reste un des meilleurs centres de formation français, mais a dû céder sa place de numéro 1... à son voisin et "meilleur ennemi" rennais. Par ailleurs, alors que ce dernier semble axer sa formation sur les éléments offensifs, le FC Nantes paraît chercher à s’attirer les meilleurs jeunes défenseurs.
En ce sens, la dernière confrontation en Coupe Gambardella (voir résumé de ce match) symbolise toute la rivalité entre les deux clubs, et ce dans tous les domaines. À l’issue de ce match qui qualifia les "Jaune et Vert", le défenseur nantais Soilyho Mété, interrogé dans le dernier Breizh Football montrait la cocasserie de la situation : « On a battu Rennes, qui dit être le meilleur club formateur du moment. Ce n’était pas facile, mais ça fait plaisir de gagner contre eux [2] ».
Drôle de renversement de situation. Dans cette "mini Coupe de France", le FC Nantes était devenu le petit poucet, venu battre un "gros" sur ses terres. Impression renforcée par le contraste entre des Rennais doués techniquement mais trop individualistes, et des Nantais limités mais nettement plus solidaires et mieux organisés.
Inversion de philosophie
Car à Nantes, depuis le dernier titre de 2001, le beau jeu est porté disparu. Les valeurs techniques du jeu offensif ont visiblement laissé place à une philosophie moins audacieuse, et forcément plus limitée.
De fait, le Stade Rennais ne peut pas (encore) prétendre avoir récupéré l’héritage du fameux "jeu à la nantaise", surtout au vu de la pauvreté offensive rennaise cette saison. Pierre Dréossi s’étant d’abord efforcé de transformer son équipe en coffre-fort, la quasi-totalité des joueurs créatifs de l’équipe (Monterrubio, Källström, Gourcuff...) ont laissé place à des éléments plus physiques (Cheyrou, Thomert...), capables de gêner durablement la relance adverse, mais forcément moins efficaces en situation offensive.
Néanmoins, un vrai basculement psychologique semble s’être instauré, ainsi que le soulignait l’ancien consultant de France Bleu Armorique Jean-Marc Mézenge, dans la chronique qu’il nous avait aimablement livré avant le match aller entre les deux clubs (Du jeu à la nantaise au jeu à la rennaise ou le témoin du “rêve espéré”).
Certes, le FC Nantes possède et possédera toujours un très beau palmarès. Cela a donné beaucoup de complexes au Stade Rennais, plus habitué à faire l’ascenseur alors que le voisin amassait les trophées. Mais l’an passé, un premier signe montrait que ce complexe n’avait rien de durable.
La victoire historique à la Beaujoire de janvier 2006, 42 longues années après la première, aura peut-être agi comme un déclic. Elle concrétise en tout cas un nouveau souffle côté rennais.
Depuis trois saisons, le Stade Rennais termine toujours devant le FC Nantes au classement, et le sera encore une fois cette année, quoiqu’il arrive. Si sur les bords de l’Erdre le "bateau coule" comme souligné précédemment, du côté de la Vilaine on construit patiemment un beau vaisseau, et ce malgré quelques avaries passagères.
L’ère Le Guen a apporté ses premières satisfactions ; celles de Gourcuff et Halilhodzic ont permis d’ancrer le club en Ligue 1 ; et celle de Bölöni de le propulser durablement vers la première partie du classement. En parallèle, un nouveau stade a été construit, le centre d’entraînement a été modernisé, bref le club dispose de structures opérationnelles et performantes.
Le long terme passe par le court terme
Si le Stade Rennais veut grandir encore, reste à jouer l’Europe régulièrement, et prolonger l’aventure initiée en 2004-05 avec cette 4ème place.
En bonne position avant d’aborder les derniers matches de la saison, le Stade Rennais peut plus que jamais prétendre à accrocher pour la deuxième fois de son histoire une place européenne via le championnat.
Cela passe d’abord par un bon résultat chez le voisin nantais, quitte à l’envoyer officiellement méditer sur ses manques actuels en Ligue 2. Pas de pitié !
Cependant, se réjouir du malheur d’autrui serait faire bien peu de cas de l’apport du FC Nantes au football français en général, et à celui du Grand Ouest en particulier. Si le Stade Rennais a pu grandir de cette façon, c’est certainement qu’il a pu s’appuyer sur un exemple tout proche.
Si le FC Nantes ne parvient pas à se maintenir, les fameux derbies manqueront plus qu’ils ne le croient actuellement à beaucoup de supporters rennais. Faute de, comme a pu le dire Frédéric Da Rocha [3] lors d’une envolée aussi prétentieuse que désormais prophétique, ne plus pouvoir parler de comparaison entre Rennes et Nantes.