ENTRETIEN / Mayeul Durand : « Je ne serais pas l’homme que je suis si je n’avais pas vécu mon aventure au centre de formation »

Publié le 23 avril 2022 à 11h46 par Thomas Rassouli

Vous l’avez certainement aperçu dans The Voice, ou dans un épisode de la série Demain nous appartient. Mais avant d’embrasser une carrière artistique, Mayeul Durand a d’abord taquiné le ballon, passé par le centre formation du Stade rennais. Son nouvel album sorti, le Rennais a récemment réalisé un projet avec les jeunes du SRFC, qu’ils présenteront lors d’un concert en avant-match de Rennes-Lorient, dimanche. Entretien.

Comment as-tu intégré le Stade rennais ?

Je jouais à la TA Rennes vers 8-9 ans, et le Stade rennais avait des vues sur tous les jeunes du coin. J’étais à l’école avec Axel Mutel, qui jouait déjà au Stade rennais. Mes parents ne m’avaient pas dit que le SRFC s’intéressait à moi, c’est lui qui me l’a dit ! J’ai fait les tournois de fin de saison avec eux, et j’ai intégré le club pour 9 années.

Que découvres-tu au Stade rennais ?

Un cadre avec des entrainements plus fréquents, deux fois par semaine, des exercices que je n’ai pas l’habitude de faire, des éducateurs connaisseurs. Quand j’arrive, j’ai l’impression d’être chez moi, je me sens à l’aise. Je suis Rennais et je voulais intégrer la section sportive du collège Cleunay. Ma formation se passe plutôt bien car je suis plutôt performant dès le plus jeune âge. En U13, tout se passe bien, je suis capitaine de l’équipe, je suis rapidement surclassé dans l’équipe première avec ceux qui avaient un an de plus que moi. En 14 ans fédéraux pareil, ça se passe bien, comme en équipe de Bretagne. J’intègre le centre de formation dans un schéma classique. La première année se passe bien, mais la deuxième devient compliquée.

Pourquoi l’aventure s’arrête t-elle ?

A l’époque, Patrick Rampillon est le directeur du centre de formation. Lors d’un passage en équipe de Bretagne, Bordeaux, Montpellier, Monaco et Toulouse s’intéressent à moi. Je voulais un contrat aspirant permettant de faire tout un cursus dans un lycée, et d’être pendant trois ans au même endroit, stable. Le Stade rennais ne me proposait que des conventions d’un an renouvelables, avec le stress de ne pas être gardé. On m’avait nommé capitaine de l’équipe, sauf que j’étais le seul quasiment à ne pas être rémunéré. Niveau statut, à 14-15 ans ça cause, et ça pouvait se demander « Pourquoi lui est capitaine ? Pourquoi je devrais l’écouter ? ». Tout ça fait que mes parents et moi arrivons dans une négociation avec Patrick Rampillon qui n’aboutit pas. L’année suivante, on se dit qu’on va relever le challenge qu’il m’avait donné : 3 matchs en 16 ans nationaux avec un an de moins. A mi-saison j’avais fait tous ces matchs en titulaire surclassé sauf un, mais ça ne suffit pas et on me dit de refaire la même chose. Je le refais, et en fin de saison on me demande de refaire encore la même chose. Ça m’a semblé beaucoup, avec les études. On n’est pas arrivés à trouver un accord, mais les clubs qui m’avaient sollicité avaient déjà fait leurs groupes. J’étais un peu dégouté, je suis compétiteur mais je ne m’y retrouvais plus trop avec cette notion de performance individuelle. Je suis allé voir le coach des U16, Franck Haise, pour lui dire que je voulais rester avec les U16 nationaux, ne pas être surclassé, et créer une équipe, une sorte de famille pour aller chercher un titre. Il l’a mal pris car il pensait que je ne voulais pas progresser, aller voir au-dessus. J’ai commencé à lâcher prise. Ce côté individualiste ne m’intéressait plus. J’ai senti que le club ne s’y retrouvait plus non plus. A la fin de l’année, on s’est séparés.

As-tu été dégouté de la formation dans un club de haut niveau ?

Non, je suis davantage dégouté d’avoir donné beaucoup pour un club, et ne pas avoir eu de retour sur investissement. Je fais attention aujourd’hui dans mes différents projets. J’aime bien être le seul capitaine à bord, avoir la main mise sur tout. Je n’aime plus être dépendant de qui que ce soit.

Tu quittes ensuite le SRFC pour Avranches. Pourquoi ce choix ?

Car il y a les 19 ans nationaux. L’idée est de me relancer et de trouver un club derrière. Finalement on passe une année catastrophique face à des clubs de qualité. Je n’arrive pas à attirer des clubs, ni à intégrer le groupe CFA. J’avais 17-18 ans, et je suis retourné à la TA Rennes. J’ai retrouvé l’esprit d’équipe, le côté familial, le collectif primant sur l’individuel. Ça a amené de belles épopées de coupe de France contre Nantes, Quevilly, Angers, Brest. Il y a une osmose entre dirigeants, joueurs, club. On gagne deux coupes de Bretagne, une montée jusqu’en CFA2. Je m’y retrouve sportivement, et j’ai du temps pour la musique, qui était arrivée.

À ce moment, tu as enterré l’idée de vivre du foot ?

Oui. Je n’ai pas réussi dans le foot, mais la musique est quasiment arrivée au même moment. Elle a pris de l’ampleur et je me suis dit que je pouvais faire quelque chose là-dedans. Mon histoire est ce qu’elle est. J’ai eu à un moment donné de la rancune, mais plus aujourd’hui.

Finalement, une passion en a sauvé une autre… D’autres n’ont pas eu cette « chance ». As-tu des coéquipiers marqués par le fait ne pas avoir percé ?

Non, ceux avec qui j’étais au centre de formation n’étaient pas mes potes, je vais être honnête. Ceux de la préformation ont continué le foot, à Guichen, Liffré ou Dinan-Léhon. Ils ont fait de belles carrières amateures et n’ont pas été dégoutés du foot. On connaissait les règles du jeu. En revanche, j’en connais qui étaient venus au centre de formation pour devenir pro et qui ont arrêté le foot. J’avais la sensation que ce n’étaient pas des passionnés du foot. Je pense qu’ils étaient bons et que c’était un moyen de sortir de la galère. Mais au centre de formation, les études c’est compliqué. Tu t’entraines 2 fois par jour, 5 fois par semaine, tu joues des matchs loin. Tu n’avais clairement pas le temps de bosser tes cours, qu’on avait par correspondance. C’est dur pour le club de pouvoir allier les deux, entre investissement sportif et études. Ces gars-là ont pu être dégoutés du foot. Pendant les vacances scolaires, ils ne pouvaient pas toujours rentrer chez leurs parents. Quand tu as 14-15 ans, ne pas pouvoir voir tes parents hormis les vacances de Noël et d’été, c’est compliqué.

Tu es ensuite parti dans la musique avec notamment The Voice, mais aussi la comédie avec Demain nous appartient. Penses-tu que ton expérience au centre de formation t’a aidé dans ces défis ?

Clairement, et même dans ma vie d’homme. Je ne serais pas l’homme que je suis si je n’avais pas vécu ces aventures sportives, surtout mon aventure au centre de formation. Je ne sais pas comment c’est maintenant, mais par catégorie d’âge, on était 15-16 joueurs. Tu joues ensemble, mais c’est chacun pour soi. Si tu es plus performant à ton poste, c’est toi qui passera devant. Tu es focus sur toi seulement, et c’est très compliqué mentalement de se dire qu’il faut chaque jour être le meilleur. Il faut parfois même être à la limite moralement. Je vais être honnête, les fois où je savais qu’il y avait des matchs importants et que j’étais un peu moins performant, je n’hésitais pas à l’entrainement à aller mettre un taquet sur la cheville de l’autre pour jouer le week-end. C’est arrivé aussi de voir mes chaussures cachées lorsque j’arrivais en retard à l’entraînement, je prenais une sanction. A 15-16 ans, tu le fais. Il y a un côté où on te fait comprendre qu’il faut aller chercher les opportunités, que la vie ne fait pas toujours de cadeau. Quand tu comprends qu’il faut une certaine détermination et que ça demande beaucoup de travail pour aller chercher un objectif, que tu l’as ancré en toi, je pense que dans la vie de tous les jours ça devient plus facile.

« C’est très compliqué mentalement de se dire qu’il faut chaque jour être le meilleur »

Finalement c’est la musique qui t’a ramenée au Stade rennais, via un partenariat, autour des jeunes du club. Peux-tu nous raconter ça ?

L’idée vient de David Mounivong, éducateur au club. On s’était rencontrés à la TA Rennes, et il suivait un peu ce que je faisais en musique. Il m’a dit qu’avec les jeunes, ils faisaient des activités extra-scolaires le mercredi pour les amener vers d’autres univers et les initier au côté artistique et sociétal. Il m’a proposé de réaliser une musique et un clip avec les jeunes. Durant 4 mercredis, on a mis ça en place. Les gamins se sont pris au jeu, et on a enregistré une musique et un clip. Ensuite, j’ai proposé à Antoine Biard (directeur de la communication) qu’ils fassent un concert avant le mien prévu dimanche, avant le match face à Lorient. Tout s’est fait naturellement, les smartphones font qu’aujourd’hui, être devant la caméra pour ces jeunes était inné en quelque sorte. Ils sont nés avec ça. Puis ils écoutent du rap également, rappent par-dessus les paroles de leurs rappeurs préférés. Ils ont déjà les codes.

Ce n’était pourtant pas si évident. Étais-tu étonné de leur aisance ?

Je savais que ça allait être faisable, j’avais essayé avec les élèves d’un établissement où j’étais surveillant. Là ils étaient dans le truc. Ça a pu être bancal parfois pour certains, mais au final en prenant le temps, ça l’a fait tout seul. Ils captent vite, c’est en lien avec leur pratique du football, ils ont une adaptation aux consignes tactiques qu’on leur donne. Le lien entre le foot et l’artistique se fait là, quand tu leur donnes une information, ils la digèrent vite.

Toi qui a connu ça, c’est essentiel d’avoir des activités en dehors du centre de formation ?

On n’en avait pas à mon époque, et j’aurais bien aimé en avoir. Quand tu es focus sur quelque chose, tu as la tête dans le guidon. Ça permet de te libérer, et quand tu reviens, tu es gonflé à bloc. C’est comme le temps de récupération, que les sportifs n’aiment pas trop. C’est ultra utile, dans n’importe quel domaine, dans la musique aussi. Ce sont des moments importants pour eux, ils vont savoir s’ils sont pris en centre de formation ou non, il y a le brevet des collèges aussi.

Cette expérience t’a permis de revenir au club. Comment as-tu vécu cela ?

Ça m’a fait plaisir de retrouver le collège qui n’a pas tant changé que ça. Revenir au centre, revoir les locaux, ça m’a fait plaisir. Ça faisait 13 ans que je n’étais pas revenu. Même si l’aventure s’est terminée, quand tu y retournes, c’est cool. J’aurais bien aimé qu’on ait ces interventions là quand j’y étais, et le fait de pouvoir les faire moi, je trouve ça très intéressant. C’était que du kiff, je reste supporter du Stade rennais. Je serai toujours Rennais avant tout.

Dimanche, tu auras l’occasion de jouer à Rennes, au Roazhon Park.

Oui, j’ai joué à l’Etage du Liberté, sur le Mail François Mitterrand, au 4Bis, au Jardin Moderne, dans de nombreux bars rennais. Le village animations, je l’avais déjà fait en 2019 suite à la finale de Coupe de France, avant un match. Là ce sera davantage en showcase, Et si le club souhaite que je refasse dans le futur, avec plaisir ! C’est un kiff de travailler avec des ados, c’est un défi.

Ce seront donc les jeunes du Stade rennais qui assureront ta première partie ?

C’est ça. Je leur ai envoyé le son pour qu’ils puissent s’entrainer. Le matin on fera des tests. Le trac, c’est très personnel ! Je vais leur dire que c’est comme s’ils rentraient dans un match. Ça y ressemble, tu viens pour la performance. Mais ça reste très dur, même pour certains artistes aujourd’hui, d’avoir une osmose avec le public, sans barrière. Je serai avec eux, ça va être très cool !

Tu viens de faire le coach musical, mais tu as aussi récemment sorti ton nouvel album.

Oui, le 25 février dernier, mon dernier album « Odyssée Dégradée » est sorti. J’en suis très content, j’ai bossé pendant un an et demi dessus, le covid a retardé un peu les choses. Je suis content de la manière dont il a été mené. Je voulais apporter des couleurs particulières, amener d’autres univers que le rap, ici l’univers électro, une certaine atmosphère, une cohérence. J’en suis content et c’est super de pouvoir lier un projet avec les jeunes à ça.

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Vos réactions (1 commentaire)

  • CondateFan

    23 avril 2022 à 16h47

    Ah oui, c’est pas lui dans The Voice qui chantait qu’est-ce qu’elle a Mayeul ?

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