PORTRAIT : Warmed Omari, la force enfin tranquille
Publié le 17 février 2022 à 18h35 parIl y a un an, Warmed Omari jouait en National 3 avec la réserve du Stade rennais, bien loin des projecteurs. Il y a une semaine, celui qui fêtera bientôt ses 22 ans tenait tête à Lionel Messi et Kylian Mbappé. Le football va très vite, mais pour Warmed il a fallu du temps, et un certain contrôle de soi. Portrait d’un joueur calme, enfin à l’abri des tempêtes.
Marquinhos ou Raphaël Varane, à vous de choisir. Les comparaisons fleurissent à mesure que la médiatisation s’accroit pour Warmed Omari. Logique, quand on s’invite par surprise comme le défenseur remplaçant performant d’un Loic Badé décevant un après-midi d’été à Angers, pour ne plus ressortir du onze par la suite. Apparu une minute à Brest le 15 août pour sa première en pro, Omari s’est à partir de septembre imposé au côté de Nayef Aguerd. « Il va vite, il a des qualités d’anticipation au-dessus de la moyenne, à la Raphaël Varane je trouve. » tranche Landry Chauvin, ex-directeur du centre de formation du Stade rennais ayant croisé la route du joueur dès 2015.
« Il n’est pas musculeux, mais il est sec. Il tombe rarement par-terre. Il lit les trajectoires avant les autres et c’est ce qui fait sa force. Il est en lecture du jeu permanente, et à ce poste là c’est indispensable. Il a aussi cette passe au sol qui peut traverser toute une ligne, c’est plus qu’intéressant. » Un discours corroboré par Romain Ferrier, qu’il a connu dans toutes les catégories au SRFC, jusqu’à l’année dernière. « C’est un très gros bosseur en salle. Il a compris que son corps allait lui permettre de résister. Il a gagné en force. Dans les duels, il est capable de résister et va au caractère compenser avec un degré d’agressivité un peu plus fort. » Pour en arriver au joueur aujourd’hui installé en charnière centrale, il a fallu façonner un gamin à la tête bien faite, au milieu d’une génération dorée.
Rescapé de l’an 2000
Lorsque Warmed Omari rentre au centre de formation, il doit jouer sur deux tableaux. Au pôle espoirs de Ploufragan la semaine, le Rennais joue avec le SRFC en match le week-end, parmi la belle génération 2000 que le centre de formation rentre à cette époque. Près de 20 joueurs intègrent le club phare de la région parmi lesquels Sofiane Diop, Wilson Isidor, Alexis Trouillet, Arnaud Tattevin, Alan Kerouedan, ou Mathis Picouleau. Autant de talents susceptibles de percer en professionnel, et placés devant Warmed dans la hiérarchie des espoirs du club. « Si on m’avait dit à l’époque « qui verrais-tu en 2022 titulaire en équipe première au Stade rennais ? »… S’il y en a un qui avait dit Warmed Omari, bravo à lui mais il aurait dû le dire de suite. C’est une vraie leçon pour les formateurs. » avoue Chauvin, synthétisant un sentiment partagé par la majorité au SRFC.
Pourtant, les qualités sont là. « Il était très à l’aise techniquement, avec une bonne lecture, analyse du jeu, intelligent. Il fallait un peu le pousser dans son idée de mobilité. Comme il lisait beaucoup le jeu avant, ça lui suffisait. Il ne fallait pas qu’il s’endorme là-dessus. » résume Ferrier, qui a mis un certain temps à accéder à un garçon pour qui il faut un « code d’accès ». « Au premier abord, c’est un garçon qui ne vient pas forcément vers vous, qui va plutôt rester dans son coin, tant qu’il ne vous connait pas. » Warmed Omari a besoin de cette période d’observation, même avec ses coéquipiers comme Emilien Waflart, l’un des quatre rescapés de la génération 2000-2001 la saison dernière en N3. « Au début, il peut paraitre froid quand tu ne le connais pas. Mais dès que tu le connais, ça va. » concède le joueur de 20 ans aujourd’hui au Mans, décrivant un autre Omari une fois les présentations faites. « Il motive son équipe et quand il faut gueuler, il gueule. Il était souvent capitaine. Les coachs voyaient bien qu’il emmenait le groupe, il a du charisme. Il était souvent bon, donc quand il parlait on l’écoutait. Sur le terrain il pouvait te remettre à ta place, et rigoler avec toi dans le vestiaire ensuite, il savait faire la part des choses. »
Jovial, rigolard, fédérateur, Warmed Omari a tout du leader sur et hors du terrain selon Romain Ferrier. « Il peut prendre le leadership, mais au départ il ne le prendra pas. Il a besoin de comprendre comment se passe au départ la vie de groupe. S’il est bien dedans, ça peut être un élément moteur. Il est très dynamique dans un groupe, mais quand il est bien, et se sent en confiance. » L’observation avant l’adaptation, toujours. « Il s’entend bien avec tout le monde dans le vestiaire. C’est un leader. Il est marrant, mais à l’entrainement il peut très bien s’énerver fort car il est hyper compétiteur. » prolonge Waflart. Compétiteur donc, peut-être trop parfois.
Canalisation difficile
Car c’est justement là que le doute s’installe lorsqu’il est question de parler de l’avenir de Warmed au Stade rennais. Sur le terrain, le garçon calme et attachant décrit hors du carré vert peut parfois se transformer. « Il y avait une fragilité émotionnelle. Il a parfois été excessif avec des mots durs. Il ne canalisait pas cette énergie, c’est pour ça qu’on s’est posé des questions en interne de savoir s’il allait franchir ce cap ou pas. » confie Ferrier appuyé par Waflart. « Il était tellement animé par la compétition, l’envie de gagner, que dès qu’il y avait une décision arbitrale contre lui, ça le rendait fou. Il avait du mal à se calmer. La compétition prenait le dessus. Il pouvait mettre un sale coup à quelqu’un s’il était contrarié. » Et ne pas forcément redescendre avant un certain temps. « Je l’ai reçu régulièrement dans mon bureau. » se souvient Landry Chauvin. « Une fois il venait de recevoir un rouge après avoir pris un jaune, en râlant bêtement. Dans ces cas là, il est fermé comme une huître, il ne te regarde pas, t’as l’impression qu’il te fait la gueule. » La « gestion émotionnelle », un terme qui revient beaucoup lorsqu’on évoque Warmed Omari, et que l’on tire le fil du temps.
Né à Mayotte, Warmed passe par La Réunion et Grésille (près de Dijon) avant d’arriver à Rennes, dans le quartier de Villejean. Un contexte familial compliqué oblige le foyer à déménager à Saint-Méen-le-Grand, où Omari joue en U11, puis U13. « En U13, je lui ai confié des responsabilités, en lui disant qu’il était un bon joueur, mais que je mettais en avant le respect, le collectif. » explique Philippe Levrel, son éducateur à l’US Saint-Méen. « Je lui ai fait confiance, et je pense que ça a marché. C’est un gamin intelligent. » résume celui qui rencontre un garçon largement au dessus du lot, déjà observé par la TA Rennes et le SRFC. Cependant dès le plus jeune âge parfois, il arrive que Warmed sorte de son match, au point même d’essuyer une convocation en commission de discipline, non content de l’arbitrage. « Il avait un caractère assez fort. On était obligés de le canaliser, il n’aimait pas l’injustice. »
Au moment de revenir à Villejean deux ans plus tard, rien n’a changé de ce côté là. Educateur à la TA Rennes, qu’Omari rejoint par effet de groupe avec ses potes, Julien Poinot fait la connaissance d’un « caractériel, à partir du moment où il mettait un maillot », n’ayant pas pu durant ses années en U13 et U14 solutionné le problème. « Si je l’avais su, on l’aurait réglé plus tôt. C’est un garçon qui se frustrait assez rapidement quand ça n’allait pas dans son sens. Souvent ses frustrations venaient d’erreurs d’arbitrages, de mots avec l’adversaire, mais aussi sur ses performances individuelles. Il pouvait aussi se frustrer lui-même de ne pas réussir à faire ce qu’il voulait faire. » Peu importe pour le joueur, le football prend le dessus, et le calme revient une fois le ballon dans les pieds. Sa qualité de passe, sa rapidité et sa lecture du jeu en font un joueur ici aussi au-dessus du lot, seul de sa saison en U15 de la TA à aujourd’hui évoluer en professionnel. Le Stade rennais l’intègre en toute logique à son centre de formation.
Sérénité trouvée
Les années passent, le jeune Omari prend de l’épaisseur et forme le tandem avec Rayane Doucouré, ou Lorenz Assignon, seul compère de la génération 2000 à encore figurer dans l’effectif actuel. Tantôt placé milieu de terrain pour le peaufiner, Omari est un central, « un meneur de jeu, mais derrière. » dixit Emilien Waflart. Après le pôle espoirs de Ploufragan, Omari est demi-pensionnaire au SRFC, et rentre chez lui une fois la journée terminée. Devant jongler entre football et éducation, n’ayant que le dimanche après-midi comme quartier libre, le défenseur est vite responsabilité dans sa sphère privée. « Warmed s’est toujours débrouillé tout seul. » remonte Landry Chauvin. « Ce qui me surprenait, c’était que quand on faisait les réunions avec sa maman, quelques fois elle apprenait en cours de réunion le programme de Warmed. Elle ne savait pas où il jouait, il a dû se débrouiller seul. » Les autres membres de la génération 2000 continuent leur ascension, mais la signature d’un contrat professionnel n’est toujours pas évidente pour Omari. Elle arrive en juin 2020, pour un an avec deux saisons en option. Les doutes ne concernent pas tant le niveau du joueur mais sa gestion émotionnelle, encore, suscitant les interrogations vite levées lors de l’arrivée de Bruno Genesio, en mars 2021.
Florian Maurice directeur sportif du SRFC depuis mai 2020 croit fermement en Omari, tout juste 21 ans alors, qu’il a déjà observé en Youth League du temps où il officiait à l’Olympique Lyonnais. La question d’un prêt au mercato d’hiver 2021, envisagée par les éducateurs rennais, est écartée deux mois plus tôt, et l’option d’Omari est levée en avril 2021. Le joueur est désormais lié au club jusqu’en 2023, et peut se consacrer au foot seulement, son BAC+2 obtenu. Libéré de la pression des échéances scolaires, pouvant appuyer sur le repos et la récupération comme un sportif de haut niveau, Warmed se montre durant la préparation estivale, tandis que des choses sont mises en place par son entourage pour travailler sur la gestion émotionnelle. Il n’y a désormais plus que sur le football qu’Omari doit se concentrer, et quelques mois plus tard, le joueur saisit sa chance, prenant la place d’un Loic Badé, même âge, recruté près de 20 millions d’euros cet été.
Vendredi dernier, le défenseur a franchi un cap, qu’il le veuille ou non. Sa prestation géante face au Paris Saint-Germain préparant son match couperet face au Real Madrid lui a offert une fenêtre médiatique conséquente, et les plus gros clubs ont tous pu voir, si ce n’était pas déjà le cas, le potentiel jugé « infini » par certains, de Warmed Omari. Pas en reste, le club a appuyé lui aussi la communication sur son joyau, qui ne devrait pas tarder à rentrer dans la catégorie des internationaux du Stade rennais. Après avoir refusé l’appel des Comores pour disputer la Coupe d’Afrique des Nations, Omari est pressenti dans la prochaine liste des Espoirs français de Sylvain Ripoll en juin, un nouvel objectif pour lui. Au SRFC où il a prolongé jusqu’en 2026 en décembre, celui qui pousse désormais les cris de guerre en pro après l’avoir fait en jeunes, a de beaux jours devant lui selon Waflart. « Dans 4-5 ans, ça ne me choquerait pas qu’il soit capitaine. Il ne parle pas beaucoup, mais il est là. C’est Warmed, la force tranquille. » Enfin.
Vos réactions (5 commentaires)
Anthony35
17 février 2022 à 22h15N’en déplaise au(x) clown(s), le pari était osé, mais il est payant. L’équipe la plus jeune du championnat, ça coûte en points mais c’est aussi des investissements pour le futur sur la stabilité à long terme.
Le foot est avant tout un jeu, pour les gamins.
Laurent
17 février 2022 à 22h38Un très bon joueur et un futur très grand une pepite
CondateFan
18 février 2022 à 00h13Dans le paragraphe « canalisation difficile », cher Thomas, vous écrivez : « dans ces cas là, il est fermé comme un huître ».
Alors dites-moi mon petit Rassouli, a-t-on affaire ici à ce que vous, les gens de la presse écrite, appelez communément une coquille ? Hein ? C’est donc elle. La vrai de vrai, celle qui fit la réputation des Jésuites de Cancale ?
Enfin espérons que dans le cas d’Omari -certainement plus à l’aise en 5 qu’en 8 d’ailleurs-, on ait plutôt affaire à la perle rare.
maurice
18 février 2022 à 00h21Je suis sous le charme de ce joueur depuis ses débuts avec les pros.
Malgré quelques passes ratées, on sentait tout de suite un joueur maîtrisant son sujet à un poste demandant pourtant beaucoup de maturité.
Il possède tous les atouts du parfait défenseur central : anticipation, placement, vision du jeu (toujours la tête haute lorsqu’il évolue) le don de la passe verticale cassant les lignes, la rapidité et l’agressivité dans les duels qu’il maîtrise dorénavant.
C’est certainement un futur très grand défenseur, il va seulement falloir ne pas trop vite le mettre sur un piédestal (médias, entourage) et le protéger afin qu’il ne connaisse pas les mêmes difficultés qu’un Camavinga.
Lolo
18 février 2022 à 10h04Oui 15 millions pour Bade
Et on avait un joueur comme Omari en réserve
Comme quoi il faut un peu de chance pour démarrer une carrière pro ,et maintenant le titulaire c’est lui
Il a fallu que bade passe un peu à côté pour qu’on lui donne sa chance
Rutter lui n’a pas eu sa chance à Rennes, mais il l’a eu en Allemagne et ça marche pour lu