DECRYPTAGE : Matthis Abline, question de timing

Partir ou ne pas partir ? Cette question, Matthis Abline a dû se la poser plusieurs fois ces derniers jours, alors que Le Havre, postulant à la montée en Ligue 1, se cherchait un renfort offensif cet hiver. « La décision lui appartient d’abord à lui. Il est important qu’il soit convaincu que c’est intéressant pour lui. » lâchait en conférence de presse Bruno Genesio la semaine dernière, avant de donner indirectement son aval quant à cette perspective de mercato.

Formé au Stade rennais, Abline (18 ans) a cette saison intégré pleinement le groupe professionnel comme plusieurs autres joueurs. Entré en jeu les 7 premières journées de championnat, buteur pour la première fois face à Rosenborg en qualifications de Ligue Europa Conférence le 26 août, l’attaquant a complètement disparu des radars depuis la claque rennaise infligée à Clermont le 22 septembre (6-0). S’en est suivie une série de 13 matchs sans défaite pour le SRFC durant laquelle le jeune Matthis n’est sorti du banc que 15 minutes face à Mura, quand il n’était pas en réserve pour gratter du temps de jeu en octobre, puis en novembre.

« Le ressenti que j’ai, il faudra leur poser la question, c’est que malgré tout redescendre dans le groupe N3 pour jouer leur donne un peu d’oxygène. » nous confiait le coach Pierre-Emmanuel Bourdeau, questionné sur la situation de ces jeunes pros, assurant également ne pas récupérer des joueurs « déçus ». Absent du groupe car quelque peu « émoussé » par moment selon Genesio, Matthis Abline a trouvé un autre bol d’air, en sélection. Durant toute la première partie de saison, l’international français U19 a participé à 6 rencontres amicales entre septembre et octobre, ponctuées de 2 buts, avant de disputer les qualifications pour l’Euro en novembre. En 3 matchs, Abline a trouvé 4 fois le chemin des filets, et bouclé 622 minutes de jeu en 9 matchs. En mars prochain, les U19 disputeront un Tour Elite, autre phase de qualification pour l’Euro, mais d’ici là, Matthis Abline pourrait avoir emmagasiné beaucoup plus de temps de jeu.

« Le meilleur apprentissage, c’est de jouer »

Au Stade rennais, l’option d’un prêt dans les divisions inférieures ou équipes françaises réputées inférieures à Rennes, pour les jeunes talents, n’a pas été largement utilisée ces dernières années mais a souvent porté ses fruits : Faitout Maouassa à Nîmes, Armand Laurienté à Lorient, Lilian Brassier à Valenciennes puis Brest, ou Sacha Boey à Dijon. Pour contrebalancer ce bilan, les exemples de Jordan Tell (Orléans, Caen, Clermont), Metehan Güclü (Valenciennes), Denis Will Poha (Valenciennes, Nancy) ou le premier prêt d’Armand Laurienté (Orléans) n’ont pas apporté totale satisfaction. L’exemple le plus récent est en revanche une franche réussite. L’hiver dernier, Lorenz Assignon décidait de partir en National à Bastia plutôt qu’au Havre en Ligue 2, en vue de s’assurer un temps de jeu conséquent la seconde partie de saison. Doublure d’Hamari Traoré cette saison, le jeune formé à l’Académie se dévoile davantage en ce début d’année 2022, grâce notamment à plusieurs matchs pleins et une montée en Ligue 2 connue avec le club corse.

Formé au SRFC, Benjamin Moukandjo aussi avait misé sur un prêt pour jouer. Pas forcément chaud au départ comme il nous le confiait récemment, l’attaquant avait finalement été faire ses classes à l’Entente Sannois Saint-Gratien en 2008-2009. « Je pense que le meilleur apprentissage, c’est de jouer. Il n’y a pas mieux. C’est bien de s’entraîner, mais il faut avoir du temps de jeu. C’est en jouant qu’on apprend le mieux. On s’entraîne pour mettre en application ce qu’on a appris. Si on s’entraîne tous les jours et qu’on ne joue pas, c’est difficile de pouvoir se juger. C’est pourquoi c’est important pour les jeunes, quitte à descendre à l’échelon inférieur, de pouvoir jouer tous les week-end. Il n’y a pas mieux. » assure l’ex-international camerounais. « Le gars qui reste en Ligue 1, figure toujours dans le groupe mais qui à la fin a joué 3-4 matchs, est moins aguerri celui qui joue en Ligue 2 et termine à 25 matchs. »

C’est probablement ce que Matthis Abline ira chercher au Havre : du temps de jeu, mais aussi un autre regard porté sur lui à son retour cet été. « Quand on revient, si on a réussi son prêt, on n’est pas vu de la même façon. » confie Moukandjo, faisant écho à l’impatience pas si anodine de Florian Maurice concluant le communiqué du Stade rennais. « Il doit continuer à apprendre et bien travailler. On a déjà hâte de le récupérer pour la saison prochaine. »