ENTRETIEN / Benjamin Moukandjo : « Je ne renierai jamais ce que le Stade rennais m’a apporté »

Publié le 19 janvier 2022 à 09h58 par Thomas Rassouli

Consultant beIN SPORTS durant la Coupe d’Afrique des Nations 2022 diffusée en intégralité sur les antennes de la chaine, Benjamin Moukandjo a démarré sa carrière à Rennes. Pour Stade Rennais Online, il revient sur son aventure au SRFC, et donne son point de vue sur les internationaux du club breton présents à la CAN.

Tu arrives au Stade rennais en 2007, comment se fait ce transfert ?

Je suis repéré par le Stade rennais lors de la Coupe d’Afrique des moins de 20 ans en janvier 2006, et invité cette même année en stage à la Piverdière. Ils ont été satisfaits, et m’ont proposé un contrat professionnel de trois ans. J’avais également le choix avec Troyes et Nantes, mais j’ai choisi de venir à Rennes.

Tu as majoritairement joué avec la réserve, comment se sont déroulées tes années rennaises ?

Pour moi, c’étaient des années d’apprentissage, j’étais dans la continuité de ma formation au Cameroun. J’avais beaucoup de choses à apprendre au niveau tactique, j’étais en retard par rapport aux autres. En Afrique on ne travaille pas beaucoup la tactique, il me fallait des années pour l’apprendre. Je l’ai fait au côté de Laurent Huard, l’entraîneur de la CFA à l’époque, et Régis Le Bris. Je savais en arrivant au Stade rennais que je n’étais pas prêt. Je ne m’attendais pas à jouer en Ligue 1, je savais qu’il me fallait du temps pour pouvoir me mettre au niveau des autres de ma génération.

C’était donc nécessaire de partir en prêt chercher du temps de jeu à l’Entente Sannois Saint-Gratien ?

A l’époque, Bruno Cheyrou avait de bonnes relations avec le président là-bas, et m’avait vu à l’entraînement. Il n’a pas hésité à me parler de Sannois qui cherchait un joueur, il pensait que pour moi ce serait bien de commencer à jouer à un niveau supérieur à la CFA. Bruno m’a convaincu de vivre cette aventure là. Je pense que c’était mieux pour moi, ça m’a permis de me frotter à un niveau au-dessus, même si ce n’était pas professionnel. Ça m’a permis de me juger, de voir si j’avais réellement progressé, ou si je stagnais. C’était bénéfique.

Mais initialement, tu n’es pas très chaud pour y aller…

Au début je n’étais pas trop chaud pour y aller non. Quand on est dans un club comme Rennes, même s’il y a beaucoup de concurrence, on se dit quand même que peut-être… Puis, Sannois était un club de troisième division. On n’a pas pleinement envie d’y aller. Mais quand on y va, on y met du sien, et c’est plus facile de s’adapter.

C’est une question qui se pose souvent, et encore actuellement à Rennes pour les jeunes. Le prêt, c’est quelque chose que tu recommandes en début de carrière ?

Oui, je pense que le meilleur apprentissage, c’est de jouer. Il n’y a pas mieux. C’est bien de s’entraîner, mais il faut avoir du temps de jeu. C’est en jouant qu’on apprend le mieux. On s’entraîne pour mettre en application ce qu’on a appris. Si on s’entraîne tous les jours et qu’on ne joue pas, c’est difficile de pouvoir se juger. C’est pourquoi c’est important pour les jeunes, quitte à descendre à l’échelon inférieur, de pouvoir jouer tous les week-end. Il n’y a pas mieux.

Rennes, c’est aussi un cocon pas forcément évident à quitter ?

Oui c’est dur, car on est effectivement dans un cocon. Quand on est jeunes, on voit qu’on va quitter tout ce qu’on a connu, on se demande si on sera dans les mêmes conditions qu’à Rennes. Car on ne va pas se mentir, à Rennes les conditions sont top. Il y a tout pour pouvoir travailler. Il faut connaitre et voir ce qu’il se passe ailleurs, se montrer et montrer qu’on a le niveau. Quand on revient, si on a réussi son prêt, on n’est pas vu de la même façon.

Finalement, c’est important de prendre des risques, même au début de sa carrière ?

Pour moi ce n’est même pas un risque. On part pour jouer. C’est une décision qui, à long terme, va nous être bénéfique. Le gars qui reste en Ligue 1, figure toujours dans le groupe mais qui à la fin a joué 3-4 matchs, est moins aguerri celui qui joue en Ligue 2 et termine à 25 matchs.

Tu quittes le Stade rennais en 2009 sans avoir joué de match professionnel. C’est un regret ?

Non, mais pour moi ce n’est pas un échec, pas un regret. Ça fait partie de mon apprentissage, et si j’ai connu cette carrière, c’est car je suis passé au Stade rennais. Parce que j’ai dû réapprendre certaines bases. Si je dois émettre un bémol, à un moment donné j’ai senti qu’on n’était pas assez patient avec moi, et j’aurais aimé qu’on le soit, notamment l’ancienne direction. Mais ça reste une aventure positive, j’ai appris beaucoup de choses là-bas. Quand un joueur vient d’Afrique, beaucoup de choses changent. On a forcément besoin d’un temps d’adaptation, on quitte la famille, on se retrouve seul, le rythme des entraînements, le quotidien. Souvent on a besoin d’énormément de temps pour assimiler et accepter tout ça. Parfois on est moins patients, c’est le ressenti que j’ai. Mais je ne renierai jamais ce que le Stade rennais m’a apporté.

Quel regard portes-tu sur le Stade rennais aujourd’hui ?

Le Stade rennais a toujours été un très bon centre qui a toujours formé de très bons joueurs, aujourd’hui encore plus. Quand j’y étais, il y a avait moins de joueurs qui sortaient du centre de formation. De grands joueurs sont passés au Stade rennais. En France, ça reste une référence en terme de formation. Aujourd’hui, le Stade rennais redevient le Stade rennais qu’on a connu il y a des années, sur le devant de la scène, un club qui va terminer parmi les 5 premiers du championnat, sera en coupe d’Europe. Il a une base assez solide.

« La CAN est un vrai vecteur de visibilité »

Tu es actuellement consultant beIN SPORTS pour la CAN 2022, à laquelle 5 joueurs sous contrat avec le Stade rennais participent, notamment James Léa-Siliki avec le Cameroun, dont tu es ancien international. Comment juges-tu ses débuts ?

C’est un joueur que le sélectionneur a voulu, a suivi. Il a des qualités, du potentiel. Il n’est pas titulaire car il y a beaucoup de concurrence à son poste. Il reste encore jeune, il a encore du chemin. Le fait d’être à la CAN va lui apporter un plus, en terme de jeu, de connaissance du football africain, et de visibilité. C’est un vrai vecteur de visibilité pour les joueurs en manque de temps de jeu, ou dans des clubs ou championnats « moyens ». S’ils font une bonne CAN, tout le monde veut savoir qui ils sont. Même s’il ne joue pas beaucoup, parfois il suffit de 3-4 matchs, et on tape à l’oeil. Pour lui, c’est bien car ça se joue dans son pays aussi, au Cameroun. Ça ne peut être que bénéfique.

Titulaire à Rennes, Alfred Gomis est remplaçant avec le Sénégal également et n’aura pas beaucoup ou pas du tout de temps de jeu. Comment vivre ce type de situation ?

A Rennes il a été un peu bousculé, et cette année il est titulaire. C’est un bon gardien, mais pour lui c’est compliqué puisqu’il est en concurrence avec le meilleur gardien du monde (Edouard Mendy, ndlr). Au Stade rennais il y a toujours eu des bons gardiens. Edouard Mendy avant lui, mais si je remonte il y a eu Simon Pouplin aussi. Le poste de gardien c’est particulier, mais je ne pense pas que Gomis le vive mal. Quand vous êtes avec le meilleur gardien du monde, vous essayez plutôt d’apprendre. Quand on ne joue pas on est toujours frustré quelque part, mais je ne pense pas qu’il sera malheureux si le Sénégal va au bout. C’est tout bénef pour lui, il ne peut qu’apprendre de Mendy.

Le Mali a pour capitaine Hamari Traoré, que tu connais bien il me semble ?

Je l’ai connu quand j’étais à Reims. C’est mon petit (rires), je parle encore avec lui. Je l’ai vu arriver en Ligue 1, on savait tout de suite que c’était un joueur à fort potentiel, assez offensif, qui va vite, défend bien. Il est assez offensif et c’est une énorme qualité. Après Reims, ça ne m’a pas étonné de le voir partir à Rennes. On en avait discuté, on était aussi avec les anciens Rennais Prince Oniangué et Grégory Bourillon. Il a réussi à se faire une place et est aujourd’hui capitaine, et capitaine du Mali. Les entraîneurs ne sont pas fous ! S’ils le nomment, c’est car il a de la personnalité, c’est un leader naturel, sur le terrain comme en dehors. Je suis agréablement surpris de voir la dimension qu’il continue à prendre.

Le Maroc fait très forte impression dans cette CAN, avec Nayef Aguerd notamment.

La solidité du Maroc et même de Rennes, il y est forcément pour quelque chose. C’est l’homme de base du système défensif à Rennes, le patron avec Hamari Traoré. Rennes a perdu deux défenseurs, deux joueurs importants. Aguerd peut aussi apporter offensivement sur les coups de pied arrêtés. C’est un super joueur. Vu comment le Maroc est parti, pour moi ils peuvent jusqu’au bout. Aguerd ne sera pas à Rennes avant février, c’est sûr (rires).

Attaquant comme toi, Kamaldeen Sulemana débute avec le Ghana. Qu’as-tu pensé de ses premiers pas ?

Je l’avais regardé avec le Stade rennais, c’est un bon joueur. En un contre un il élimine, il va vite. Le seul bémol, c’est qu’il lui manque un peu d’efficacité dans son jeu. Ça reste un jeune avec un très grand potentiel, qui va progresser, s’améliorer en termes de statistiques. Il n’a que 19 ans, on ne va pas lui mettre la pression. Il apprend, c’est le futur du Stade rennais.

Sur ces 5 joueurs, lequel vois-tu aller le plus loin avec sa sélection ?

Objectivement, je pense que le Maroc ira le plus loin. C’est l’équipe la mieux structurée, qui montre un peu plus d’assurance. Mais on n’est pas à l’abri d’une surprise !

Crédit Photo : Charlotte PRATO

Vos réactions (2 commentaires)

  • the miz

    20 janvier 2022 à 06h07

    Très bonne interview

    Sympa de voir ce type d’article sur SRO.

  • Xavier

    20 janvier 2022 à 20h04

    c’était un excellent buteur à Lorient !
    Interview très sympa.

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