Jonathan Isambart, joueur à part
Publié le 1er mars 2012 à 11h39 parÀ peine plus haut que trois pommes, Jonathan Isambart n'est pas avare de qualités et sent le football à plein nez. Trop petit, trop frêle pour les uns, trop talentueux pour les autres, ce jeune milieu de terrain devra certainement dépasser certaines barrières pour s'épanouir. Et peut-être celles du Stade Rennais et de la France...
Si les mensurations déterminaient le talent d’un joueur, Jonathan Isambart aurait depuis longtemps mis le football de côté. Il aurait également depuis longtemps tout envoyé valser, s’il prenait en compte les rictus moqueurs de ses adversaires, au moment de pénétrer sur une pelouse, noyé dans un maillot deux fois trop grand pour lui. Mais une fois le ballon au pied, le joueur prend incontestablement de la hauteur avec une technique ondulante, une vivacité et des changements de direction déroutants, qui lui permettent de transformer les sourires de ses opposants en grimaces. Chaque joueur qui a évolué par le passé à ses côtés vous dira que Jonathan Isambart avait ce petit plus, l’inclinaison vers le haut qui le faisait passer dans le cercle fermé des espoirs en devenir, ceux que l’on oriente facilement vers la terre promise du football professionnel.
Montaigu, Ploufragan, Plougonvelin ou Quevilly : autant de tournois réputés dans lesquels l’ancien voisin de Yann M’Vila (leurs foyers respectifs à Amiens n’étaient séparés que d’une centaine de mètres) a exprimé les balbutiements d’un potentiel en attente de polissage. Pied droit ou pied gauche, rares sont les jeunes joueurs à détenir une dextérité comme la sienne, accompagnée d’une facilité sans fin. Un talent que l’on pourrait penser inné, si on ne savait pas qu’il travaille cet aspect depuis sa plus tendre enfance, après avoir commencé à dégommer toutes les portes de garage qui osaient se présenter face à lui. « Je ne suis pas né ambidextre, rigole le Picard. J’ai beaucoup œuvré avec mon père et mes frères dans mon quartier. J’ai ce bagage qui peut apporter un plus au jeu de mon équipe. Je ne sais pas comment l’expliquer en fait, mais je ne suis pas du genre à me poser des questions ou à faire de différence si j’ai le ballon sur l’un de mes deux pieds. »
Une originalité qui n’échappera pas à l’œil de Marc Luciathe, l’un des nombreux recruteurs du Stade Rennais sillonnant la France, qui avait notamment repéré Vincent Pajot il y a quelques années. Le dénicher est une chose, le faire venir en est une autre. Au départ, Rennes se heurte à la concurrence. Jonathan Isambart doit en effet signer deux ans au pôle espoirs interrégional de Liévin, sorte de Clairefontaine basé dans le Nord, mais Patrick Rampillon fait le forcing pour l’attirer, en dépit de l’intérêt menaçant de l’AJ Auxerre, également sur les rangs. « C’est vrai qu’il y a eu quelques complications. Ma venue à Rennes ne fut pas simple, mais j’avais vraiment envie de venir ici. J’avoue que j’ai hésité avec Auxerre à un moment mais, lorsque je me suis déplacé là-bas, je ne me suis pas senti très bien et cela ne m’a pas trop plu. » Direction la Bretagne où une famille d’accueil l’héberge en attendant que le centre de formation ne devienne sa nouvelle maison, non sans peine. « J’ai quitté ma famille très tôt (juste avant ses treize ans, ndlr). Ce fut difficile parce que mes parents, ma famille et mes amis me manquaient. J’ai plusieurs fois voulu revenir chez moi. »
La vérité du jour n’est pas forcément celle du lendemain. Aussi doué soit-il, Jonathan Isambart s’essouffle en faisant le bilan de ses deux années stagiaire, marqués seulement par trois titularisations avec les espoirs. « Je ne m’attendais pas du tout à jouer aussi peu. Quand j’ai signé stagiaire à Rennes (en juin 2010, ndlr), je savais que ça allait être difficile. C’est pour ça que j’avais beaucoup misé sur la deuxième année, et j’espérais avoir un temps de jeu plus conséquent. Je pensais vraiment m’imposer. » Hormis un déplacement à l’AS Vitré (alors que la génération 1993 était réquisitionnée avec la Coupe Gambardella), sa saison se résume essentiellement aux matchs de l’équipe amateur du club, descendue il y a quelques mois en Division supérieure régionale (DSR), huitième niveau national. « C’est une année compliqué au niveau du football, et aussi dans la tête. Après, ça ne me démoralise pas tant que ça, parce que j’ai cet objectif de travailler toujours plus, explique-t-il avec sincérité. C’est dur de jouer en DSR, car j’ai l’ambition quand même d’évoluer à un niveau plus élevé. Mais je joue le jeu, je n’ai pas envie de décevoir « coach Lambert ». Et je suis également un joueur de football, donc je me dois de jouer où on m’envoie. Je tente de me faire plaisir en faisant jouer les autres. »
Faire jouer les autres, une vertu qui ne le quittera pas tant qu’on lui mettra un ballon entre les pieds. Cependant, ce jeune homme au visage poupin peut (parfois) faire passer ses intérêts avant ceux des autres. En refusant un déplacement à Pontivy, le 23 octobre dernier, après avoir été laissé sur le banc avec les espoirs à Vannes (4-1), par exemple. Sa façon à lui d’exprimer un certain mécontentement, sans mesurer véritablement les conséquences de son geste. « J’avoue que j’étais aussi dans une période difficile, qui s’est traduite par ce refus d’aller jouer avec l’équipe amateur du club. Tout simplement parce que j’en avais ras-le-bol et que ça n’allait pas trop. Le club, par l’intermédiaire de M. Pierre Dréossi, m’a ensuite sanctionné une semaine. Après, tout est rentré dans l’ordre… »
Tout ou presque, puisque sa situation n’a depuis pas évoluée. « Les raisons, je ne les connais pas. Je continue à bien travailler en donnant le meilleur de moi-même à l’entraînement. Juste avant les vacances hivernales, le coach (Laurent Huard) m’avait félicité de mon investissement, que j’allais mieux après l’épisode d’octobre. Cela m’avait bien remotivé pour la deuxième partie de saison, mais je n’ai pas joué pour autant... » Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de Wesley Yamnaine : parti depuis à Parme en Italie à l’issue de son contrat aspirant, celui-ci avait été laissé à la disposition de l’équipe amateur (après accord tacite entre le joueur et le club, ndlr) pendant près d’un an.
L’exil pour mieux rebondir ?
L’ostracisme envers les joueurs dits de « petite taille » existe dans l’une des disciplines les pratiquées au monde qu’est le football, quand bien même le sujet reste inévitablement tabou dans le milieu. Et malheureusement, Jonathan Isambart n’y a pas échappé au Stade Rennais, son frêle physique (1,62 m, 48 kg) ayant donné lieu à quelques circonspections. « On me le répète souvent depuis que je suis arrivé ici. Je pense qu’il faut vraiment me laisser dans le profil que je suis. Je sais, malgré mon physique, que je peux apporter des choses. De toute façon, il y aura toujours des gens à me dire que je manque de taille, de muscles… J’ai un profil différent des autres, c’est tout, tente t-il de se justifier. Je sais que le club avait hésité à me faire signer stagiaire par rapport à cet aspect physique. C’est en tout cas que j’ai entendu. Après, j’avais aussi entendu qu’ils allaient être patients avec moi... Maintenant, j’arrive au bout de mon contrat stagiaire. C’est quand même triste de partir de Rennes, car j’avais vraiment envie de réussir dans ce club. »
Il faut aussi dire que les rares apparitions de l’ancien minime de l’ASPTT d’Amiens avec la réserve n’ont jamais été transcendantes, ne confirmant pas ce qu’il avait pu produire dans les équipes de jeunes. Mais l’intéressé s’en défend. « C’est vrai que j’ai eu un peu de mal durant ma première année en CFA. Je n’étais pas habitué à jouer à ce niveau, et j’ai bien senti la différence entre cette division et les U19. Maintenant, je pense que j’avais quand même les qualités pour jouer en CFA2, un championnat plus ouvert et moins intensif. » Des caractéristiques de jeu plus en adéquation, en effet, avec ses aptitudes.
Père de « deux faux jumeaux » de sept mois et demi (Ema et Noane, ndlr), Jonathan Isambart préfère ne pas trop s’éparpiller pour le moment, même s’il sait que quelques écuries espagnoles ne sont pas insensibles à son charme. « Il y a des pistes à l’étranger, voire en France. Mais pour le moment, je ne m’occupe pas de ça. J’ai une fin de saison à préparer en DSR ou en CFA2. Je laisse mon agent s’en occuper. On me dit souvent que l’Espagne conviendrait plus à mon jeu. Après il ne faut pas oublier que rien ne me sera facilité si je vais là-bas. Je réfléchis à tout ça sans trop y penser. Mon but, c’est juste de trouver du temps de jeu quelque part. Quant à ma paternité, ça m’a apporté de la maturité, des responsabilités et une grosse envie de réussir pour ma famille. »
Une grande et belle famille dans laquelle s’immisce une autre personne, un peu plus connue du paysage rennais, à savoir Yann M’Vila. Plus qu’un ami pour Jonathan Isambart, l’international français aux dix-huit sélections est un confident intime, important dans son équilibre. Plus petit, alors à l’Amiens SC, M’Vila avait d’ailleurs joué avec l’un de ses frères, Maxime. « Yann, je le considère comme mon grand frère ! On se parle et on se voit souvent. Il me fait part de son expérience, car lui aussi a un peu galéré en CFA il y a quelques années ». Avant d’éclore à la vitesse du son. Une trajectoire que Jonathan Isambart aimerait emprunter, et ce à grandes enjambées pour contourner les préjugés et tourner le dos à certaines idées reçues. En espérant qu’on lui laisse, cette fois-ci, le temps de grandir.
Vos réactions (12 commentaires)
bkkpiper
1er mars 2012 à 11h58Ce serait dommage de le voir partir juste parce que son physique est atypique. Moi je crois que des joueurs de ce gabarit peuvent réussir dans le championnat français, il n’y a qu’à voir Pitroipa et Brahimi qui ne sont pas des monstres physique. La formation doit aussi évoluer et j’espère que ce jeune aura une chance de montrer qu’il ne suffit pas de faire 1m90 pour 90 kg pour pouvoir jouer au foot !
NJODT
1er mars 2012 à 13h56Superbe article ! J’espère qu’il trouvera un club qui lui laissera du temps, pas loin de Rennes, Landry Chauvin le connait un petit peu...Mais si la France laisse passer un tel joueur, quelle honte ça serait !
lionel80
1er mars 2012 à 14h17explique moi comment peut on laisser partir un tel joueur de ce niveau ??? des qualiters incroyables , pied droit , pied gauche , une vision de jeu comme personne ... ET alors ou est le probleme parce qu il et petit, regarder les joueurs espagnol dons je citerais pas de nom ... si il net pas pro c et une honte pour le football francais ... a bon entendeur
Antonioli
1er mars 2012 à 14h51Pourquoi garder un joueur qui n’apporte rien au club ? Il est peut être bon à l’entraînement contre des plots mais il ne l’est pas en match. Petit ou grand la règle est la même pour tout le monde : jouent ceux qui sont les meilleurs.
barrockaaa
1er mars 2012 à 16h34un peu le style de guily et puis il ’ y’ en a quelques uns qui ont reussi a percer.
- messi « c’est facile »
- guily
- lacombe
- monterrubio......
pastore
1er mars 2012 à 21h20C’est une honte .......! en tant que fervent supporter du stade rennais , je trouve honteux de se séparer d’un joueur aussi talentueux .La taille ? le Physique ? ou est le probleme ? C’est vrai que le camp nou se régale avec une bete mesurant 1metres 95 . Nous payons nos places pour voir du spectacle et seul ce genre de joueur peut nous procurez ce qu’on attend : de la folie , de la percussion , des beaux gestes , de la fluidité ...Une pépitte laisser à l’abandon voila le genre d’erreur que commet le football francais qui malheuresement commence à nous en habituer( valbuena à bordeaux , pastore à saint etienne et j’en passe , triste réalité ....) . Courage à lui et à sa famille et qu’il ne se fasse pas de soucis le stade rennais n’est pas dupe enfin je l’éspere.
Cordialement.....
dany
1er mars 2012 à 21h48comment peut on ignorer un tel joueur de ce niveau ..il me fait penser a un certain xavi et inesta qui eux par contre ne font absolument pas 1m 90 et que dire de l extraterreste lionel messi. alors arreter tous vos blabla de dire qu il est trop petit pour jouer a un certain niveau !!!! je lui souhaite une grande carriere professionnel pour faire taire tous c et detracteur qui connaise rien au football. bon vent grand joueur ..
Félicitation a l’heureux papa !
Accroche toi, tu auras ta place en CFA 2 pour cette deuxième partie de saison !...
Le potentiel détecté à 13 ans n’a pas disparu !
Tu n’est pas l’abri du succès !!
Les supporters ont confiance en toi,
Louis G
2 mars 2012 à 17h02Difficile de s’imposer dans le milieur footballistique ; je ne pense pas que la taille soit déterminante (il mesurait combien Bigné !)...ce sont surtout les qualités de jeux qui comptent et un grand peut aussi avoir du mal à s’imposer !...la confiance du coach a également son importance et dans les autres métiers c’est pareil : difficile parfois de faire son"trou" !!...
un recruteur
2 mars 2012 à 19h04j ai eu l occation de te superviser a de nombreuses reprises , et pour moi ta taille et loin d etre un handicap au contraire tu affole les defences adverse.. donc je ne vois en aucun cas ou et le probleme avec ta petite taille .. ta vision du jeu et ta technique te permette de realiser des choses que peux de joueurs en france peuvent realiser .....surtout ne t inkiete pas car de nombreux club seront pret a t acceuillir et pourquoi pas l exil.......je tiens a feliciter le journaliste pour son super article..cordialement
Romain29
3 mars 2012 à 00h23Je me souviens d’avoir vu Jonathan en -17. Un garcon plein de qualités. L article es super bien
zarba35
6 mars 2012 à 16h48Joueur que j’ai déjà eu l’occasion de voir jouer à la piverdiaire !
quel talent ! Ce serait une faute professionnel de la part du club de te laisser filer ! Il te donnerons ta chance ! A toi de la saisir ! continue a t’accrocher ! Tu es peut-être petit par la taille mais grand par le talent !!
Un vrai poison pour les défense !