Stade rennais - Metz : l’oeil de Théo Rauzy
Publié le 23 mars 2022 à 09h59C’est votre nouvelle rubrique sur Stade rennais Online. Passé chez les jeunes du SRFC et aujourd’hui éducateur au CO Pacé, titulaire du BEF et membre de la commission technique du District de football, Théo Rauzy vous donne quelques clés tactiques observées lors des rencontres du Stade rennais. Suite au festival des Rennais face à Metz, voici l’oeil de Théo.
« Il n’y avait qu’une seule équipe sur le terrain ». Si l’expression est parfois utilisée très exagérément, il suffit que je vous rapporte certaines discussions entendues au Roazhon Park entre deux très jeunes supporters (à peine 10 ans) et leur papa, situés à côté de moi dimanche, pour prouver qu’elle n’avait rien d’une hyperbole cette fois-ci. Morceaux choisis :
« Eh ça fait 10 minutes qu’on n’a pas marqué ça fait bizarre ». « Papa, pourquoi Metz ils mettent que des grands ballons en hauteur ? ». Le summum étant atteint lors du jeu du compte à rebours inventé par ces deux supporters en herbe, un jeu qui consiste à prédire en combien de secondes le Stade Rennais va récupérer le ballon sitôt ce dernier arrivé dans les pieds messins : « Moi je dis qu’on le récupère dans 5, 4, 3, 2, 1…(ballon toujours pas récupéré) Eh mais vous faites quoi le Stade Rennais ? ». Quand laisser l’adversaire posséder le cuir plus de 5 secondes devient anormal…Vous aurez compris la génération de supporters exigeants que ces Rouge et Noir à l’appétit gargantuesque sont en train de créer. Analyse.
LES COMPOS :
Rennes (1-4-3-3) : Alemdar – Meling, Aguerd, Omari, Traoré – Tait, Santamaria, Majer – Terrier, Guirassy, Bourigeaud
Metz (1-3-4-3) : Caillard – Jemerson, Kouyate, Bronn – Candé, N’Doram, Amadou, Mikelbrencis – Yade, Niane, de Préville
Avec tous ses milieux de terrain disponibles et prêts à débuter, Bruno Génésio fait le choix de sortir Martin du onze de départ, pour permettre à Tait de démarrer dans le 1-4-3-3 habituel, Santamaria reculant en position de n°6. La rotation au poste d’arrière gauche se poursuit avec cette fois ci Meling aligné, tandis que Guirassy est titularisé en lieu et place de Laborde, une première, lui qui était souvent titularisé quand un milieu était absent dans un 1-4-4-2.
En face, déjà amputé de deux joueurs majeurs (Delaine, Centonze) Antonetti décide de se priver de ses meilleurs manieurs de ballon (Boulaya, Sarr, Nguette laissés sur le banc) pour aligner une équipe axée sur la densité physique.
LE MATCH :
Une démonstration aux allures de match d’entraînement. Pendant 65 minutes, le Stade Rennais a récité son football total et orgiaque, se délectant des espaces béants laissés par une équipe messine à l’organisation défensive catastrophique et incapable de proposer quoi que ce soit ballon au pied. Tout le catalogue Stade Rennais 2021/2022 y est passé. Sorties de balles propres, utilisation de tous les couloirs de jeu, mouvements coordonnés, prises d’informations et permutations constantes, jeu entre les lignes, projections en nombre dans la surface, contre-pressing, marquage préventif pour anticiper les pertes de balle… Avec en supplément des renversements de jeu plus fréquents et précis depuis le retour d’Aguerd et avec un Santamaria beaucoup plus à l’aise que Martin dans ce domaine. Seul le jeu aérien vers les attaquants entrevu à de nombreuses reprises récemment n’y est pas passé, Rennes n’ayant jamais été mis sous pression sur ses sorties de balle.
Sur les 25 dernières minutes, cette domination fut moins claire, avec un déchet technique qui a parfois agacé Génésio et des entrants décevants. On notera l’entrée de Martin en milieu relayeur, Santamaria restant en 6 dans un premier temps, un mauvais signe pour l’ex-joueur du Betis, qui parut d’ailleurs peu à l’aise en relayeur, au point d’échanger avec Santamaria après une dizaine de minutes.
Si l’analyse tactique paraît moins utile dans un match qui n’a pas vu évoluer les deux équipes dans le même monde, essayons de relever quelques points intéressants malgré tout sur la manière qu’ont eu les Rennais à lire les espaces et à les utiliser.
SERVIR LE DEUXIEME APPEL
« Celui qui sort te donne la solution ». Bien aidés par des Messins manipulés par le moindre décrochage ou appel en profondeur mais toujours de manière désorganisée, les Rennais ont ouvert des espaces tout le match. Analysons la capacité incroyable des hommes de Genesio à lire ces espaces et à voir plus loin que le bout de leur nez pour « servir le deuxième appel ».
Sur un grand nombre de situations où ils disposaient du ballon depuis une position excentrée, les Bretons n’ont eu cesse d’embarquer des adversaires par des courses à vide afin de libérer l’espace de jeu intérieur pour une conduite ou une passe diagonale. Remarquons dans toutes ces situations que le joueur le plus proche du ballon sert souvent de leurre pour libérer le joueur le plus loin comme ici :
Le joueur le plus proche du ballon (Bourigeaud) appelle en profondeur afin de libérer l’espace pour Traoré, servi par Santamaria…
…Sitôt le ballon transmis à Traoré, Santamaria (joueur le plus proche du ballon) appelle à son tour en profondeur pour embarquer N’Doram et libérer Majer, servi par Traoré.
Un autre exemple ici :
Meling reçoit le ballon le long de la ligne. Terrier (joueur le plus proche) appelle en profondeur et libère l’espace intérieur pour Flavien Tait, servi par Meling.
On le remarque d’une manière un peu différente ici ou il faut surtout souligner la capacité de Bourigeaud à « voir loin » :
Majer se propose dans les pieds pour une passe simple et attire l’attention de Jemerson tandis que Terrier attaque l’espace dans son dos. Bourigeaud sert le joueur le plus loin pour une première passe décisive (il terminera avec 11 passes amenant à un tir, le plus haut total pour un joueur rennais cette saison).
Autre exemple ici sur l’action menant au poteau de Guirassy :
Bourigeaud rentre à l’intérieur sur sa prise. Majer lui libère l’espace diagonal en appelant dans la profondeur. Bourigeaud peut ainsi s’appuyer sur Tait. Servi en profondeur, Guirassy manque d’ouvrir son compteur…
…Ce n’est que partie remise sur le troisième but Rouge et Noir qui illustre encore la capacité à se servir du premier appel pour trouver le joueur le plus loin :
Sur la première image, Traoré profite de l’appel en profondeur de Majer (joueur le plus proche) pour servir le deuxième appel (Bourigeaud).
Dans la continuité, sur la deuxième image, Bourigeaud profite de l’appel de Terrier, qui emmène Bronn avec lui, afin de servir le joueur le plus loin (Guirassy).
L’action menant au quatrième but illustre encore cette capacité à servir le joueur le plus loin par du jeu en diagonale depuis une position excentrée :
Traoré peut trouver la passe simple pour Majer mais cherche la diagonale. Terrier, plus proche du ballon que Tait, agit comme un leurre en s’effaçant au dernier moment, embarquant Kouyaté avec lui.
Autre exemple ici où l’on remarque la très bonne vision du jeu d’Omari :
N’Doram sorti au cadrage sur Bourigeaud. Omari identifie l’espace gigantesque entre les lignes et sert Tait.
Ou sur le cinquième but :
N’Doram sort au cadrage sur Bourigeaud pour empêcher le 2v1 mais libère Traoré dans son dos. Le Malien est servi par Majer pour marquer son deuxième but de la saison.
Dernier exemple ici un peu plus tard dans le match :
Tchaouna (joueur le plus proche) décroche, emmenant son défenseur avec lui. Ugochukwu identifie l’espace à attaquer et est servi par Traoré.
Les Rennais ont donc fait preuve d’une grande intelligence de jeu tout au long du match et se sont régalés à créer depuis les côtés où les automatismes semblent bien rôdés.
Ils remercieront cependant un adversaire d’une faiblesse tactique et technique indigente à ce niveau et qui a passé tout son match…
…A l’envers.
Et maintenant, place à Nice !
A bientôt sur SRO
Par Théo Rauzy
Crédit Photo : Prime Video
Vos réactions (2 commentaires)
maurice
23 mars 2022 à 11h14Bien vu Théo, c’est une très belle analyse du jeu rennais avec ces fameux appels dans le vide en leurres parfaits pour l’adversaire, libérant ainsi l’espace pour un partenaire, si bien que le passeur a toujours la solution pour distribuer le jeu.
Dans le debrief, Danze disait à Tait qu’ils reproduisaient ce qu’ils travaillaient à l’entraînement avec des mannequins... eh bien, il ne croyait pas si bien dire car les messins faisaient littéralement office de manequins face à ce jeu en une ou deux touches de balle.
Pour relativiser, les niçois ne seront certainement pas aussi complaisants que les messins mais arriver à faire évoluer des joueurs avec autant de technicité en s’inspirant des plus grands (barcelone, etc) avec des joueurs n’ayant pas les qualités techniques du très haut niveau des clubs du top 5 mondial, eh bien, grand coup de chapeau à Bruno Génésio à qui on n’a pas laissé le temps de réaliser ce football total à Lyon pour le plus grand bonheur de Rennes qui peut désormais bénéficier de toutes ses compétences.
un supoorter
23 mars 2022 à 13h04Bourigeaud apparaît à pratiquement chaque action décryptée, franchement avec le match qu’il vient de produire face à Metz, on se demande pourquoi Bourige n’est pas convoqué par Deschamps. Il semble bien devant Diaby ou Nkunku. Imaginer la sélection espagnole sans Dani Olmo, Bourige et Dani Olmo c’est un peu le même répertoire.
C’est Genesio qui doit être content de la garder au chaud à la maison.
Allez Rennes