Lyon - Stade rennais : l’oeil de Théo Rauzy
Publié le 15 mars 2022 à 12h00C’est votre nouvelle rubrique sur Stade rennais Online. Passé chez les jeunes du SRFC et aujourd’hui éducateur au CO Pacé, titulaire du BEF et membre de la commission technique du District de football, Théo Rauzy vous donne quelques clés tactiques observées lors des rencontres du Stade rennais. Suite à la démonstration des Rennais face à Lyon, voici l’oeil de Théo.
« Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends lui encore l’autre ». Mais, Peter ? Pourquoi tu affiches ça dans les vestiaires ? Si l’on pouvait s’attendre à des Lyonnais déterminés à laver l’affront du match aller, forts d’une belle victoire à Porto durant la semaine, les Rhôdaniens ont encore subi une leçon collective de la troupe de Genesio, avec une nouvelle claque à la clé, cette fois-ci devant leur public… Analyse.
LES COMPOS :
Lyon (1-4-2-3-1) : Lopes – Emerson, Lukeba, T.Mendes, Dubois – Ndombele, Caqueret – Toko Ekambi, Paqueta, Faivre – Dembélé
Rennes (1-4-3-3) : Gomis – Truffert, Aguerd, Omari, Traoré – Santamaria, Martin, Majer – Terrier, Laborde, Bourigeaud
Du très grand classique avec un Peter Bosz qui reconduit le même XI que contre Porto. Côté Rouge et Noir, Truffert est récompensé de son gros match à Leicester et démarre au poste d’arrière gauche. Avec un Baptiste Santamaria de plus en plus impressionnant dans son rôle de box-to-box, Flavien Tait reste sur le banc.
UN MATCH « 100% STADE RENNAIS »
Si la domination fut peut-être moins écrasante que lors du match aller, la prestation bretonne n’en demeure pas moins un véritable concentré des forces de cette équipe, qui a déposé un CV bien complet à son adversaire du soir.
Comme lors d’une partie d’échecs, les premières minutes nous permettent d’observer la plus grande diversité de déplacements de la Rennes par rapport au Roi (Lion). Le jeu liquide rennais se met vite en place avec des joueurs capables d’être trouvés dans différentes zones et des mouvements qui se compensent et se coordonnent. Les joueurs de Bruno Genesio parviennent à trouver tour à tour des joueurs de chaque côté du terrain ou entre les lignes, où Terrier fait plusieurs fois étalage de sa classe et de son sens de l’orientation. Dans une recherche constante du contre-pied, les Rennais désorientent complètement leurs adversaires à de nombreuses reprises comme sur l’action menant au corner du deuxième but où tour à tour Truffert, Terrier et Martin masquent leur prise de balle avant que ce même Terrier ne masque sa passe pour trouver Bourigeaud venu se déplacer dans le contre-pied (dans le sens inverse de la direction du ballon et des courses adverses).
Par ailleurs, venant confirmer la tendance des derniers matchs, les Rennais ont également utilisé le jeu aérien avec efficacité, notamment dans la zone de Mendes (Gomez) et Dubois, duo de policiers assez laxistes dans ce domaine. Ainsi, Gomis a effectué 33 dégagements longs, son plus haut total cette saison. Toujours idéalement positionnés et déterminés, les Bretons aimantent tous les seconds ballons.
Enfin, on note également à plusieurs reprises la qualité des Rennais en contre-attaque. Si les Rennais ne brillent pas forcément par leur vitesse de course, leur lecture du jeu et leur vitesse de réaction leur fait gagner un temps d’avance pour se projeter sitôt le ballon récupéré.
Pendant ce temps, avec Laborde et Majer coupant les lignes de passe vers Caqueret et Ndombélé (aucun des deux joueurs n’a touché plus de 60 ballons alors que l’OL a pourtant eu 62% de possession), les Lyonnais sont dans l’incapacité de construire. Ils s’en remettent à Dubois, qui distille quelques ballons longs dans le dos de la défense, forçant quelques dégagements des Rouge et Noir en touche ou en corner.
Au bout de 25 minutes de rêve, les Rennais, menant déjà 2-0, commencent à baisser de pied légèrement comme à leur habitude. Pas de panique, le bloc recule et fait preuve d’une discipline absolument incroyable jusqu’à la fin du match. Les onze joueurs sont impliqués défensivement, à l’image de Martin Terrier ou de Benjamin Bourigeaud. Les deux hommes ont tour à tour fermé les espaces intérieurs, suivi les courses dans le dos de leur latéral comme ici…
…ou même fermé le couloir opposé parfois très bas sur le terrain, notamment dans une deuxième mi-temps où le changement de système lyonnais avec 3 attaquants axiaux a contribué à resserrer Traoré et Truffert vers l’axe.
Une discipline de fer qui privera les Lyonnais d’occasions de qualité, avec beaucoup de centres ou de coups de pied arrêtés, mais une seule frappe cadrée dans le jeu…qui arrivera à la 93ème d’une tête en cloche de Dembélé qui n’inquiètera pas Gomis.
FOCUS : GAËTAN LABORDE
En jetant un œil au site WhoScored après le match, qui attribue des notes aux joueurs selon un algorithme prenant en compte plus de 200 données fournies par Opta, je me suis aperçu que la meilleure note du match était attribuée à Gaëtan Laborde. Si la stat prête à l’anecdote et reste insuffisante pour juger de la prestation d’un joueur, elle n’en reste pas moins intéressante pour un attaquant n’ayant pas marqué de but… Alors, en quoi Laborde est si précieux pour son équipe ? Tentons de mesurer son apport.
Premièrement, intéressons-nous aux déplacements de l’ex-montpelliérain. Pas obnubilé par le ballon, Laborde aime sortir du champ de vision des défenseurs (se mettant d’ailleurs souvent légèrement hors-jeu dans un premier temps) et se déplacer dans leur dos de manière latérale. De ce fait, ces derniers ont plus de difficulté à défendre en avançant, ce qui contribue à créer de l’espace entre les lignes pour ses partenaires…
Laborde en légère position de hors-jeu fait reculer les centraux adverses. Bénéficiant aussi de l’appel de Truffert suivi par Dubois, Terrier reçoit le ballon entre les lignes avec de l’espace. Pourtant revenu en position licite au préalable, Laborde est signalé hors-jeu sur le ballon en profondeur de Terrier.
Laborde très légèrement hors-jeu fait reculer 3 défenseurs. Profitant de l’appel de Majer, Terrier est trouvé entre les lignes avec de l’espace.
…ou pour lui
Laborde sort du champ de vision des centraux en se déplaçant à l’opposé du ballon…
…puis réapparaît entre les lignes.
Par ailleurs, quand un de ses coéquipiers a du champ pour progresser entre les lignes depuis l’axe (souvent visible sur contre-attaque) le Montois aime fuir le ballon en s’écartant. Cela libère l’espace de conduite pour le joueur qui a le ballon tout en permettant à Laborde de se donner de l’angle par rapport au porteur.
Terrier peut s’orienter vers le but. Laborde lui libère l’espace de fixation et se rend disponible dans la largeur. Terrier le sert mais un peu trop tard, l’ex-montpelliérain est hors-jeu d’un souffle.
Ou là :
Laborde s’écarte vers la largeur pour fuir les défenseurs et libérer l’espace axial pour Majer qui fixe les deux centraux. Servi par Terrier sur le côté droit, Laborde se présente face à Lopes mais sa frappe du droit est repoussée par le Portugais.
S’il sait fuir le ballon pour ouvrir des espaces, il aime au contraire s’engager physiquement au contact des défenseurs sitôt que les Rennais doivent relancer long. Cible prioritaire dans ces situations (comme sur le 1er but breton), sa perception visuelle, sa détermination et son timing en font un joueur très à l’aise dans les duels aériens. Il en a remporté d’ailleurs 8 hier, son record cette saison. Notons sa palette énorme de remises et déviations capable d’utiliser ses deux pieds, sa poitrine et sa tête avec 3 exemples dans un laps de temps de 30 secondes…
Déviation de Laborde intérieur pied droit (pour rappel : il est gaucher) dans la course de Majer.
Remise de la tête pour Truffert.
Déviation de Laborde extérieur pied droit (il est toujours gaucher) dans la course de Truffert.
Son apport défensif est au moins à la hauteur de son apport offensif, notamment sur ses courses de pressing incessantes (18 pressions, plus haut total rennais hier mais pourtant en-dessous de ses standards personnels) parfois même sur des ballons paraissant irrécupérables où il pousse l’adversaire à l’erreur, comme sur le 3ème but rennais où il part de très loin pour aller presser Lopes puis aller intercepter sa passe pour Lukeba. Par ailleurs, en restant toujours solidaire de son bloc équipe plus bas sur le terrain, il est venu gratter plusieurs ballons en venant dans le dos du milieu adverse, avant de se rendre immédiatement disponible en transition comme ici :
Laborde récupère le ballon dans les pieds de Caqueret dans un premier temps puis se projette immédiatement vers la largeur, permettant à Terrier, servi par Santamaria, de fixer balle au pied dans l’axe
Ou là sur le 4ème but rennais :
Laborde vient gêner Paqueta qui perd le ballon. Immédiatement, le buteur rennais se rend disponible et sert Majer dans la course. On connaît la suite…
Certes, son caractère sans compromis et spontané, déterminé à jouer vers l’avant, engendrent parfois trop de précipitation et de déchet dans son jeu offensif. Certes, il ne se propose pas beaucoup en décrochage quand son équipe aurait besoin de trouver un appui dans les pieds. Certes, il ne court pas très vite, n’est pas le plus grand des dribbleurs…
Mais que penser de l’apport d’un joueur qui se déplace, saute, tombe, se relève, presse, se replace, récupère le ballon, enchaîne un appel, puis un autre, et passe d’une action à une autre en une fraction de seconde ? Le genre de joueur total, utile sur toutes les phases de jeu pendant 100% du match, à défaut d’être le plus talentueux. Et encore, je n’ai même pas parlé de sa passe décisive…
A bientôt sur SRO !
Bisous !
#Rennesmontada
Par Théo Rauzy
Crédit Photo : Prime Video
Vos réactions (2 commentaires)
maurice
15 mars 2022 à 14h28Encore une analyse très fine, en particulier du rôle primordial de Laborde dans ce match.
Ce qui fait la force de cette équipe, c’est que cette qualité propre à Laborde d’activité intense se retrouve en partie chez ses co-équipiers, à l’instar de Truffert qui, par sa course en profondeur attirant deux défenseurs, permet à Terrier de pouvoir se mettre plus aisément en position de frappe sur le troisième but. ET ces fameuses courses sans ballon sont la marque de fabrique de ce stade rennais qui fait la différence avec ses adversaires complètement déroutés.
Il y a une excellente vidéo dans laquelle un éducateur lyonnais décortique le jeu rennais avec une certaine admiration en faisant remarquer très justement que les joueurs rennais utilisent très peu le dribble et ne procèdent que par passes verticales rapides, souvent à une touche de balle, déroutant ainsi l’adversaire à l’instar du Barça des Xavi et Iniesta qui n’étaient pas non plus des dribbleurs invétérés mais avaient ce sens aigu de la passe juste. Il ajoute que ce football très exigeant sans le dribble systématique devient la nouvelle norme du football moderne.
On ne peut pas rendre de plus bel hommage au jeu rennais.
CondateFan
15 mars 2022 à 18h41Toujours un plaisir de retrouver les Théorènnes de Rauzy.
Où, aujourd’hui, Il aborde toutes les facettes du jeu de Gaëtan dans une démonstration, une fois de plus, très intéressante. ( par contre, le jeu liquide rennais a-t-il un rapport direct avec le climat ?)
En tout cas, Théo prouve que, oui, un avant centre peut être crédité d’un match de très haut niveau sans pour autant marquer un seul but. Comme quoi.
D’ailleurs, Olivier G et Stéphane G ne diront certainement pas le contraire.
Enfin, à défaut d’une étoile sur le maillot espérons en avoir plein les yeux jeudi soir grâce à Gaétan Laborde, entre autres. Quant à pratiquer ce fameux jeu liquide, aurons nous besoin d’un petit don des nues ?