Un œil dans le rétro : Petr Čech
Publié le 4 septembre 2011 à 23h40 parDurant deux saisons, le Stade rennais a eu la chance de compter dans ses rangs celui qui allait devenir peu après l'un des meilleurs, sinon le meilleur gardien de but du monde. Passé par la Bretagne avant de poursuivre sa carrière à Chelsea, Petr Čech a durablement marqué les mémoires des supporters rennais. Retour sur son début de carrière.
Lorsque l’on est gardien de but titulaire, l’on doit forcément endurer le difficile jeu des comparaisons avec ses devanciers. Au Stade rennais, les mètre-étalons ont longtemps été Pierrick Hiard et ses trois cent matchs en rouge et noir, ou même Marcel Aubour et ses artichauts. Aujourd’hui encore, Benoît Costil est inévitablement comparé à Nicolas Douchez. Ce dernier, comme un Isaksson avant lui, était lui aussi passé par cette étape incontournable, avec le grand Petr Čech comme référence.
Figure incontournable du Stade rennais du début des années 2000, l’actuel portier de Chelsea a durablement marqué le club par ses qualités dans les cages. Pourtant, si une croyance tenace veut que celui-ci ait été un illustre inconnu avant son arrivée en Bretagne, le grand (un mètre quatre-vingt-seize sous la toise) international tchèque avait déjà beaucoup prouvé avant de prendre la direction de Rennes.
Une jambe cassée qui change tout
Issu d’une grande famille de sportifs, il naît à Pilsen, ville de l’Ouest de la République tchèque connue pour sa fabrique de bière. Le jeune Petr Čech est initié à l’athlétisme, au volley-ball, au basket-ball, au tennis, ou encore au hockey sur glace par un père lui-même fondu de sport. À six ans, Petr choisit le hockey, mais l’équipement nécessaire coûte cher, et il doit rapidement mettre en veille sa passion.
Il se rabat donc à l’âge de sept ans vers le football, où sa grande taille lui donne une prédisposition pour jouer dans les buts. À l’époque pourtant, c’est en attaque qu’il évolue. « J’adorais marquer », avoue plus tard Čech. Une vocation qui ne va cependant pas durer. À douze ans, il se casse une jambe. « Je me suis dis qu’il serait moins dangereux de rester dans le but. Et c’est ainsi que je suis devenu gardien ».
Petr ne va pas le regretter. Rapidement, ses qualités de gardien sautent aux yeux, et sa croissance - il mesure déjà un mètre quatre-vingt à quatorze ans, puis prend seize centimètres à l’adolescence - est impressionnante. À dix-sept ans, il est repéré par Chmel Blšany, une modeste équipe de l’élite tchèque, où il construit son début de carrière. Là encore, ses performances attirent très vite l’attention. « J’ai tenu à rester deux saisons à Chmel Blšany alors que j’avais la possibilité de rejoindre le Sparta Prague dès la fin de la première année, explique Čech. J’estimais ne pas être prêt, cela ne sert à rien d’aller trop vite ».
Comme prévu, après deux ans à Blšany, direction le Sparta Prague, le plus grand club du pays. Le grand espoir confirme et obtient ses premiers titres. Au cours de la saison 2001-2002, il bat même le record d’invincibilité pour un gardien en championnat, avec dix rencontres consécutives sans prendre le moindre but. Pilier des sélections de jeunes, il ne tarde pas à attirer l’attention de Karel Brückner, le sélectionneur national. Dès février 2002, avant même ses vingt ans, Petr Čech fait ses débuts internationaux.
Sous les projecteurs de l’Euro espoirs
Cela ne l’empêche pas pour autant de rester au sein de l’équipe espoirs tchèque, qui s’apprête à disputer l’Euro en mai 2002 [1]. Dans cette sélection se côtoient de nombreux éléments de valeur avec, entre autres, Milan Baroš et Zdeněk Grygera.
Pourtant, la compétition débute mal. En ouverture, la République tchèque s’incline contre la France menée par Raymond Domenech (0-2), avec deux buts de Sidney Govou et d’Olivier Sorlin. Après avoir battu la Belgique (1-0), les Tchèques s’adjugent de justesse la deuxième place qualificative de leur groupe avec un match nul contre la Grèce (1-1). En demi-finale, alors que la France élimine la Suisse - pays hôte de la compétition - d’Alexander Frei, les Tchèques réussissent l’exploit de sortir l’Italie (3-2 a.p.). Menés 2-0 à la 83e minute, les Italiens parviennent à revenir au score, grâce notamment à un but sur penalty de Pirlo, et arrachent la prolongation, avant que celle-ci ne leur soit fatale.
En finale, les retrouvailles avec la France sont beaucoup plus équilibrées que lors du match d’ouverture. Aucune équipe ne trouve la faille, Čech parvenant par sa maestria à écœurer les attaquants français. Le score restant nul et vierge malgré la prolongation, tout se joue aux tirs au but. À ce jeu-là, et alors que Mickaël Landreau ne parvient à stopper aucun tir tchèque, Petr Čech démontre toute sa classe. Impuissant sur le premier tir de Camel Meriem, il s’interpose ensuite sur les tentatives de Pierre-Alain Frau, Julien Escudé et Jean-Alain Boumsong. Vainqueur 3-1 aux tirs au but, la République tchèque est sacrée championne d’Europe espoirs.
Forcément, de telles performances ne restent pas inaperçues aux yeux des recruteurs, lesquels avaient déjà pu jauger Čech au cours de la saison en Ligue des champions avec le Sparta. Arsenal ou la Lazio de Rome se manifestent notamment pour l’engager. Mais le jeune gardien va une nouvelle fois décider de construire patiemment son avenir, choisissant de progresser étape par étape.
« Rennes, le club idéal »
Suite à l’intervention d’un intermédiaire français, Čech et son agent s’orientent rapidement vers la Ligue 1. Plusieurs facteurs vont lui faire choisir le Stade rennais, le premier étant sportif. Alors qu’un Éric Durand en fin de carrière a fait ce qu’il a pu en 2001-2002, le Stade rennais cherche un titulaire pour garder ses cages. « Rennes est un club idéal pour son premier engagement étranger, souligne son agent en juillet 2002. Petr a notamment été séduit par le fait qu’il doit être numéro 1 ». Autre facteur déterminant, la présence comme entraîneur de Philippe Bergeroo, un ancien gardien de but, ce qui finit de séduire totalement Čech.
Le mardi 9 juillet, le joueur signe un contrat de quatre ans en faveur du Stade rennais, dont les dirigeants se sont déplacés jusqu’en Autriche pour boucler l’affaire. Résigné depuis longtemps à perdre son grand espoir, le Sparta empoche dans l’affaire une somme comprise entre 4.5 et 5 millions d’euros, pour ce qui est alors le plus gros transfert de l’histoire du club tchèque.
La suite, on la connaît. Petr Čech s’impose tout naturellement comme l’un des meilleurs gardiens de Ligue 1. Tout n’est pas parfait, évidemment, le grand portier rennais devant encore apprendre, ce qu’il fait patiemment sous la houlette de ses entraîneurs Pierrick Hiard puis Christophe Lollichon. Très vite, une amitié se lie entre ce dernier et son protégé. Un rapport particulier qu’ils entretiennent toujours aujourd’hui, Lollichon ayant suivi Čech à Chelsea. « Au début, on ne s’entraînait pas ensemble mais on sentait, chaque fois qu’on se croisait, que le courant passait bien, raconte l’ancien nantais au site web football65.fr, fin avril dernier. Rapidement, il a souhaité que je le rejoigne pour que je devienne son entraîneur personnel ». Une relation qui marquera probablement à jamais Lollichon. « On a toujours été très complice et on le reste, explique l’ancien gardien. Il est un homme extraordinaire, un athlète de très haut niveau et un gardien fantastique. Quelqu’un qui est toujours dans la réflexion et qui vous oblige donc à y être aussi, sans cesse à la recherche des meilleurs exercices, au plus proche de la vérité de la compétition ».
Quand l’Angleterre lui fait les yeux doux...
Au Stade rennais, la vérité de la compétition se matérialise lors de la saison 2002-2003 par une lutte de tous les instants pour obtenir le maintien. Bergeroo est rapidement débarqué, et Vahid Halilhodžić prend les commandes, puis parvient à obtenir in extremis une quinzième place salvatrice. Malgré cette dure saison, Čech apprend. « Ces derniers mois ont été difficiles sportivement, mais aussi très intéressants, affirme t-il au printemps 2003. Dans une vie de footballeur, c’est important de bien appréhender les passages délicats. Je pense avoir progressé depuis mon arrivée en France, mais je fais encore des fautes ».
Du reste, les grands clubs commencent déjà à taper à la porte du Stade rennais pour lui dérober son joyau. L’Angleterre s’intéresse particulièrement à lui : Sir Alex Ferguson vient d’ailleurs personnellement l’observer un soir de mars 2003, à l’occasion d’un match disputé route de Lorient contre Auxerre (0-0). Comme à son habitude, Petr ne s’affole pas : « Ma seule préoccupation est que mon équipe reste en L1, souligne t-il alors. On fera le point à la fin de la saison. Je peux très bien rester à Rennes. Ici, on est tranquille. Les Français savent bien vivre et bien manger. En République tchèque il n’y a pas l’océan. Or j’aime les fruits de mer, et en Bretagne je suis gâté ! »
Comme il l’avait fait à Chmel Blšany puis au Sparta, Čech choisit donc à l’été 2003 de ne pas céder tout de suite aux charmes particuliers de la gastronomie britannique, et ce pour le plus grand bonheur des dirigeants rennais. Halilhodžić parti, Laszlo Bölöni arrive au poste d’entraîneur, et ne peut que se féliciter des prouesses de son gardien de but. Seule une blessure au coude, le 14 février 2004 lors d’un match disputé à Lens, vient freiner sa progression. Sur le flanc durant plus d’un mois, Čech assiste impuissant aux déboires de son remplaçant Florent Chaigneau, qui multiplie les bourdes durant son intérim.
Quelques semaines auparavant, dès le début du mois de janvier, l’appel de l’Angleterre a cependant repointé le bout de son nez. Cette fois, ce n’est pas Manchester qui courtise le portier rennais, mais l’ambitieux Chelsea, où le milliardaire russe Roman Abramovitch vient tout juste de prendre ses quartiers. Mécontent des performances de son titulaire italien Carlo Cudicini, le club londonien entreprend de débaucher Čech, et formule une première offre à hauteur de 9,3 millions d’euros. Après avoir repoussé la somme proposée par Chelsea, le Stade rennais doit finalement se résigner à perdre son gardien. Si les "Blues" souhaitaient le recruter dès janvier 2004, le club breton obtient finalement de repousser le transfert jusqu’à la fin de la saison, et réussit à augmenter le montant du transfert à 11,5 millions d’euros.
« Chelsea s’est fait à l’idée d’un transfert en juillet prochain », se félicite alors Pierre Dréossi, qui affirme cependant que le club anglais « a mis longtemps » avant de comprendre que le Stade rennais ne souhaitait pas le céder avant l’été 2004. Heureux de pouvoir signer dans un grand club, qui plus est avec quelques certitudes quant à son futur rang dans la hiérarchie, Petr Čech boucle sereinement son passage en Bretagne. Après son retour de blessure, il reprend sa place dans les buts et contribue à la belle fin de saison du Stade rennais.
Le 23 mai 2004, pour sa dernière, devant le public du stade de la route de Lorient, Čech a droit à une standing ovation, remplacé à quelques minutes du terme par Simon Pouplin, lors d’une rencontre à sens unique face à Montpellier (4-0). Un public qui a la certitude d’avoir assisté en spectateur privilégié à l’ascension d’un très grand gardien.
- Crédit photo : Honza Groh
Vos réactions (10 commentaires)
rodsrfc
5 septembre 2011 à 00h04petr cech : un monument, un rock, une figure, une assurance bref une légende vivante.... Je pense que Rennes n’est pas près d’avoir un gardien de classe mondiale comme Petr Cech...
Pour avoir été moi même en république tchèque à Pragues et interrogé les habitants j’ai été sidéré qu’ils connaissait le Stade Rennais et suivaient les résultats du club du temps où le gardien de leur sélection jouait chez nous...
Merci Petr d’avoir contribué à ta façon à la renommée de notre club de coeur...
Alf29
5 septembre 2011 à 04h23Très bel article, très grand gardien (par la taille mais aussi par son talent).
Malheureusement je n’ai pratiquement pas de souvenirs de cette période là, mais, bizarrement, il m’en reste quelques-uns de la séance de pénalties en finale de l’Euro contre la France.
Il restera à jamais comme l’un (voir le meilleur) gardien dans l’histoire du club.
ura
5 septembre 2011 à 07h11Tout est dit dans cet article.Un gardien exemplaire,une figure incontournable du stade rennais qui m’aura marqué à jamais.Quelle mentalité d’acier il dégageait,et sur le plan sportif des arrets déterminants et de grande classe à faire palir tout tueurs de surface.Le meilleur gardien au monde assuremment et l’un des meilleures joueurs que le stade rennais ait eu en sa possession.On t’aime Petr !!!!!!!!!!!!!!
Allez Rennes.
Matth35
5 septembre 2011 à 08h20Un gardien grande classe le meilleur de tous les temps au stade rennais !
Un jour peut etre il reviendra :-)
Pietro
5 septembre 2011 à 12h50Je me rappellerai toujours de la haie d’honneur des joueurs lors de ce match contre Montpellier. C’était beau. Un grand hommage pour l’un des plus grands de l’histoire du Stade Rennais.
Petitpat
5 septembre 2011 à 15h32un très grand joueur ! un professionnel que tout club rêve d’avoir !
merci PETR
très bon article ( comme d’habitude d’ailleurs !!)
christophe
6 septembre 2011 à 08h50Peut etre le meilleur gardien que l’on ai eu au stade, le seul point noir est la faute qu’il commet a Auxerre en demi-finale de coupe de france je crois, sinon l’histoire aurait été parfaite.
rodsrfc
6 septembre 2011 à 15h42j’étais moi même à Auxerre derrière le but de petr en plus... on attendais les prolongations et il fait une faute de main à la dernière minute... on perds mais bon il y avait peut être une petite faute sur lui car il était en l’air et il est un peu bousculé....l’arbitre ne siffle pas et on rentre à rennes déçus... Mais à côté de ça il en a sauvé combien de matchs... Il a aidé le club à grandir... comme tous les grands joueurs...
Ce gardien est juste énorme par le talent et sa sympathie.
Un grand merci à lui , de m’avoir offert tes gants avant ton départ à Chelsea, que je garde précieusement dans ma chambre.
Bibi peau de chien
20 mai 2012 à 19h09Grandiose dans tous les sens du terme : le talent , la mentalité , évidemment le plus grand gardien qui hélas ne sera jamais surpassé au Stade Rennais - La GRANDE CLASSE quoi ! Chelsea ne s’y était pas trompé ! Le meilleur gardien au monde , hier soir , il l’a encore prouvé ; & les commentateurs , - dont le sympathique Liza - ont commis une petite erreur en soulignant que les joueurs Allemands avaient manqué leurs tirs / péno ; ils auraient dù dire que c’était d’abord P.Cech qui avait magistralement arrêté leurs essais !
Sans lui les Anglais auraient fait « chou blanc » .
Pour en revenir à quelque chose de plus prosaÏque , il faut reconnaître que les recruteurs du Stade de l’époque avaient eu le flair ,& doivent en être félicités . Comme quoi il n’y a pas que des loupés !
Partant de là , espérons que pour les prochaines recrues , les « chasseurs » auront la même réussite - quitte à mettre le paquet financièrement , car on s’aperçoit qu’à l’heure du départ vers d’autres horizons , le placement s’avère rentable : voir le cas de Petr Cech - .