Le Stade rennais a changé, il doit maintenant le prouver

À quelques jours de la reprise du championnat, le Stade rennais balance entre convictions et incertitude. Au terme d'un été qui aura vu le club breton opérer une mue quasi-complète dans tous les secteurs, Philippe Montanier et ses hommes espèrent repartir du bon pied. Et si les discours sont à la construction et au long terme, les Rennais seront attendus au tournant, dans une saison que les supporters rêvent de voir comme celle d’un nouveau départ et d’une grande réconciliation.

C’était il y a tout juste quatorze mois, au centre d’entraînement de la Piverdière. L’arrivée de Philippe Montanier en tant qu’entraîneur principal du Stade Rennais FC venait tirer le rideau sur les années Antonetti et, peut-être plus important encore, sur une décennie de présence de Pierre Dréossi aux commandes du club breton. Avec l’arrivée du technicien normand, auréolé de ses récents succès à la tête de la Real Sociedad, et celle de Jean-Luc Buisine à la tête de la cellule de recrutement, c’était écrit : le Stade rennais allait changer d’ère.

Un an plus tard, l’enthousiasme est retombé en Bretagne, et le « projet de jeu » de l’ancien entraîneur de Valenciennes ne s’est pas réellement matérialisé au cours d’une première saison difficile. Une saison surtout marquée par le spectre de la relégation qui aura menacé les Rouge et Noir jusqu’au printemps, le bonheur d’une nouvelle belle aventure en Coupe, et la douleur d’une troisième défaite en finale en cinq ans. Une défaite sans vraiment combattre face au voisin guingampais et qui, aujourd’hui encore, reste en travers de la gorge des supporters rennais.

Du changement à tous les étages

Entre frustration et désamour, les fans désertent lentement les travées de la Route de Lorient depuis plusieurs années, et le nombre d’abonnés se réduit, inéluctablement, saison après saison. Pourtant, au club, le changement continue à tous les étages. Dans les bureaux d’abord, où le retour de René Ruello (en remplacement de Frédéric de Saint-Sernin) et une refonte en profondeur de l’organisation du club auront vu la création de deux pôles majeurs.
Olivier Tomine est ainsi devenu « directeur général des services du club », une nomination suivie quelques semaines plus tard par l’arrivée de nouveaux cadres à la direction des ventes (Fabrice Devilliers, ex-FC Lorient) et de la communication (Anne Giummelly, ex-FNAC), et du départ de deux cadres « historiques » des années Pinault, en poste au club depuis 2001 : Jean-François Creac’h Cadec, coordinateur sportif puis directeur des affaires sportives et Jérôme Poupard, directeur de la communication.
Philippe Montanier était lui promu au poste de « directeur général des affaires sportives » et voyait ses pouvoirs élargis avec des responsabilités sur « l’équipe première, l’effectif professionnel, le centre de formation et la cellule de recrutement », selon René Ruello.

Côté terrain, le changement est est encore plus spectaculaire. Un peu plus d’un an après sa prise de fonction, Philippe Montanier a quasiment fait disparaitre toute trace des années Antonetti. À l’emphase clairement mise sur le potentiel physique et athlétique par l’entraîneur corse, Montanier répond par un recrutement axé principalement sur la vivacité et les qualités techniques.
Lui qui rappelait lors de sa prise de fonction être « sensible au jeu court et au sol » n’a pas hésité à trancher dans le vif. Résultat, il ne reste aujourd’hui plus que cinq joueurs recrutés par Antonetti et Dréossi dans l’effectif professionnel du club breton : Benoit Costil, Jean-Armel Kana-Biyik, Jean II Makoun, Anders Konradsen et Sylvain Armand, arrivé au club quelques jours avant la nomination de Montanier. On peut y ajouter Sadio Diallo, aujourd’hui en prêt avec option d’achat à Lorient.
En un peu plus d’un an, l’entraîneur rennais a recruté pas moins de quatorze joueurs - ce chiffre n’incluant pas les trois joueurs arrivés en prêt au début de la saison 2013-2014 et non conservés - depuis sa prise de fonction, pour une vingtaine de départs. Sans compter la signature de premiers contrats professionnels pour sept jeunes issus du centre de formation.

Du jamais vu depuis l’an 2000

Ainsi, lors de ce mercato estival 2014, ce sont pas moins de neuf joueurs qui viennent renforcer le groupe professionnel, un chiffre qui pourrait même s’élever à dix si la signature du jeune gardien monténégrin Danijel Petković, ralentie par des soucis d’ordre administratif, devait être officialisée, voire onze si Philippe Montanier décidait de rechercher un latéral gauche de métier pour concurrencer Cheikh M’Bengue.
Parmi ces recrues de l’été 2014, on compte un gardien de but (Sorin), trois défenseurs (Mexer, Zajkov et André), trois milieux de terrain (Fernandes, Brüls et Prcić) et deux attaquants (Henrique et Hosiner), presque de quoi aligner une équipe complète et compétitive en Ligue 1.

On peut s’imaginer, espérer que ce mercato polyglotte et multiculturel, axé sur la technique et les qualités balle au pied, puisse révéler de belles surprises et signer le retour de l’enthousiasme sur la pelouse du stade de la Route de Lorient. Cependant, on peut aussi légitimement s’interroger sur la capacité de Philippe Montanier à tirer le meilleur d’un groupe de joueurs qui, pour la majorité, n’étaient pas au club il y a encore six mois.
Pour trouver trace d’un tel chamboulement, il faut remonter à la saison 2000-2001 (voir le tableau ci-dessous, par Sylvain), la dernière de Paul Le Guen à la tête des Rouge et Noir. À l’époque, le Stade rennais avait recruté pas moins de onze joueurs dont notamment Bernard Lama, Philippe Delaye, et les flops retentissants que furent Severino Lucas ou Mario Hector Turdó. Au terme d’une saison difficile, le Stade rennais avait pourtant fini par arracher une sixième place en Ligue 1 et une qualification pour la Coupe Intertoto, sans que cela ne sauve la peau de Paul Le Guen, débarqué par le président d’alors… René Ruello, au profit de Christian Gourcuff.

Alors forcément, quatorze ans plus tard, les mémoires de 2000-2001 reviennent à la surface, et l’on ne peut s’empêcher de comparer deux époques distinctes et pourtant si similaires. Philippe Montanier saura-t-il ramener le Stade rennais vers le haut de tableau, comme avait pu le faire Paul Le Guen en son temps ? Saura-t-il associer les résultats et la manière, là où le natif de Pencran avait échoué ? Et surtout, quels que soient les résultats, le technicien normand bénéficiera-t-il de plus de mansuétude que son lointain prédécesseur de la part de René Ruello ?
Autant de questions qui s’imposent comme enjeux cruciaux à l’orée d’une saison où, malgré les discours de façade, le Stade rennais ne pourra plus se satisfaire d’un statut d’équipe en construction. À deux saisons du terme de son contrat, le temps presse déjà pour Philippe Montanier, et des progrès tangibles en termes de points et de jeu sont attendus dès cet automne.

Revue d’effectif

Si les craintes existent sur l’équilibre d’une équipe remaniée de fond en comble, Philippe Montanier a aussi pris les devants en renforçant sa ligne offensive dès cet hiver, et en faisant signer la plupart des recrues estivales dès la reprise de l’entraînement collectif. Et, si rien ne remplace le temps de jeu en compétition, les joueurs ont déjà pu s’habituer les uns aux autres et développer leurs automatismes, au fil des huit matchs amicaux disputés pendant l’intersaison.
De ces rencontres amicales se sont également dégagées quelques tendances fortes, dont les contours d’un onze titulaire, ceux d’un groupe professionnel, et ceux d’un groupe élargi de vingt-six joueurs. Tour d’horizon.

- Gardiens de but

Dans les buts, la question du gardien titulaire ne se pose pas. Benoît Costil sort d’une saison étincelante avec le Stade rennais et, s’il doit encore gagner en sérénité, notamment dans les sorties aériennes, il reste le patron indiscutable dans les buts rennais. En support, Olivier Sorin apportera toute l’expérience de ses treize saisons en Ligue 1 et Ligue 2 pour soutenir son gardien titulaire.
Selon la signature ou non de Danijel Petković, Montanier aura le choix de recruter un troisième gardien (Ibrahim Koné, ancien gardien de l’US Boulogne, s’est notamment entraîné à Rennes cette semaine) ou d’attribuer ce rôle à Maxime Pattier, jeune gardien de 18 ans formé au club, et portier titulaire de la réserve pour la saison à venir.

- Défenseurs

En défense, l’arrivée de trois recrues vient combler les départs actés de John Boye et Emerson et celui, attendu, de Jean-Armel Kana-Biyik. Si les jeunes Gjoko Zajkov et Cédric Hountondji sont ambitieux, ils devraient se contenter, en ce début de saison, de se disputer le rôle de première doublure dans l’axe de la défense bretonne.
_Les places de titulaires, elles, semblent réservées à Sylvain Armand, vice-capitaine et nouveau « doyen » de la Ligue 1 du haut de ses 435 matchs dans le championnat de France, et à Mexer, le solide défenseur international mozambicain recruté cet été au Nacional Madeira.
Plus loin dans la hiérarchie, Sega Coulibaly a fait ses premiers pas avec le groupe professionnel lors de la Kaiserstuhl Cup le week-end dernier, mais il devrait rester à la disposition de la réserve cette saison. Pour Jean-Armel Kana-Biyik, le divorce semble être bel et bien consommé avec le Stade rennais, et son départ devrait être officialisé dans les jours ou semaines a venir.

• Mexer, “l’agité” ambitieux

• Gjoko Zajkov, un Macédonien à Rennes

Au poste d’arrière-gauche, la position de titulaire de Cheick M’Bengue semble relativement protégée. Si le Toulousain n’a pas toujours convaincu la saison dernière, il garde la confiance de son entraîneur au commencement de l’exercice à venir. Sauf recrutement d’un second latéral gauche de métier pour concurrencer l’international sénégalais, sa doublure devrait être le jeune défenseur polyvalent Steven Moreira. Capable de jouer à tous les postes de la défense, il a été le premier remplaçant à gauche depuis le départ d’Emerson au printemps dernier.

La situation est moins tranchée à droite, où Benjamin André a été recruté pour concurrencer le capitaine et titulaire du poste Romain Danzé. Le profil polyvalent et offensif de l’ancien ajaccien, également capable de jouer au milieu de terrain, a séduit Montanier, au point qu’il semble bien parti pour démarrer la saison dans le fauteuil de titulaire. Replacé milieu défensif pour les derniers matchs amicaux, Danzé ne devrait pas s’éterniser à ce poste après l’arrivée de Gelson Fernandes. Une situation difficile pour le Finistérien, qui devra mettre les bouchées doubles à l’entraînement et en match pour espérer retrouver une place de titulaire indiscutable.

• Benjamin André veut poursuivre sa progression

- Milieux de Terrain

Tout au long de la saison dernière, le milieu de terrain est resté le chantier prioritaire d’un Philippe Montanier qui, multipliant les expériences et les combinaisons, ne semble jamais avoir trouvé la bonne formule. Cette saison, l’histoire pourrait se répéter pour le Stade rennais malgré la grande densité de joueurs et de profils différents rassemblés par l’entraîneur du club breton. Nous estimerons ici que le club continuera d’évoluer avec un milieu récupérateur, un relayeur box-to-box et un meneur de jeu capable d’évoluer en piston avec ses deux coéquipiers pour assurer le repli défensif et le surnombre offensif.

Au poste de milieu défensif, suite au départ de Tiémoué Bakayoko pour l’AS Monaco, la nouvelle recrue Gelson Fernandes semble le mieux armé pour s’imposer dans un rôle ou ni Jean II Makoun, ni Anders Konradsen n’ont complètement convaincu la saison dernière.
_Doté de grosses qualités physiques, et capable de se projeter rapidement vers l’avant à la récupération du ballon, Fernandes pourrait présenter le profil idéal pour donner vie au système Montanier. Le Norvégien et le Camerounais, mais aussi Romain Danzé, Vincent Pajot ou Sanjin Prcić restent autant d’alternatives possibles en cas de méforme ou de blessure de l’international suisse.

Dans la position du relayeur, difficile de passer à côté Abdoulaye Doucouré. En quelques mois, depuis son retour à la compétition, le jeune milieu de terrain s’est imposé comme une présence indispensable et un véritable accélérateur dans l’entrejeu rennais, et il fut l’un des meilleurs atouts offensifs de son équipe lors de la phase retour de la saison de Ligue 1 (6 buts, 2 passes décisives).
Son jeu tout en accélérations et en mouvement constant est cependant usant physiquement, même pour un joueur avec une endurance naturelle comme la sienne, et là encore, Pajot, pour sa fougue et son apport défensif, Konradsen, pour sa capacité à tenir le ballon, Makoun, pour son expérience et sa qualité de passe, et Prcić, pour sa maîtrise technique, présentent de belles alternatives.

Le poste de milieu offensif, enfin, semble promis à Christian Brüls, une fois qu’il sera totalement remis de sa fracture au métatarse et de l’opération qu’il a subie la semaine dernière. D’ici-là, Philippe Montanier pourrait décider d’associer Doucouré à l’un des quatre milieux cités ci-dessus, de recentrer l’ailier brésilien Pedro Henrique, ou de faire descendre Ola Toivonen d’un cran, en soutien de Philipp Hosiner.
Sans oublier, bien entendu, la possibilité de voir les jeunes Adrien Hunou ou Axel Ngando grappiller du temps de jeu dans un rôle de meneur qui leur convient à merveille.

• Christian Brüls, « Tintin » au pays des Bretons

• Gelson Fernandes, le retour de la tradition suisse ?

- Attaquants

En attaque, la hiérarchie semble plutôt bien définie, et ce depuis le recrutement offensif opéré en janvier dernier. Le titulaire indiscutable du poste d’avant-centre reste Ola Toivonen. Le Suédois a impressionné par ses qualités physiques et techniques lors de sa première demi-saison au Stade rennais, et il sera attendu comme l’un des leaders du groupe Rouge et Noir cette saison.
Sauf départ de l’attaquant international suédois, Philipp Hosiner se contentera pour l’instant du rôle de deuxième gâchette et prendra le temps de jeu qui lui est offert pour montrer toute l’étendue de ses qualités.
Capable de jouer sur une aile mais plus à l’aise dans un rôle d’avant-centre, le jeune Wesley Saïd se tiendra prêt à entrer en jeu et grappiller de l’expérience et des minutes de jeu dès que l’occasion se présentera.

Sur l’aile gauche, Paul-Georges Ntep devrait commencer la saison dans la peau d’un titulaire, d’autant plus indiscutable depuis le départ de Romain Alessandrini pour l’Olympique de Marseille. L’international espoir devra pour cela continuer sur sa lancée de la fin de saison dernière, et canaliser un caractère parfois un peu trop flamboyant.
Son pendant sur l’aile droite devrait être soit Kamil Grosicki, soit la nouvelle recrue Pedro Henrique. Le Brésilien semble avoir pris un léger avantage sur le Polonais lors des matchs de pré-saison, mais seules les performances de Henrique et Grosicki sur les terrains de Ligue 1 permettront de départager les deux hommes.
Quoi qu’il en soit, ces trois joueurs devraient se partager les deux places de titulaire sur les ailes cette saison, les jeunes Zana Allée, Adrien Hunou, Axel Ngando ou Wesley Saïd pouvant dépanner, tout comme les deux arrières droits polyvalents Romain Danzé et Benjamin André.

• Philipp Hosiner, buteur pressé

La place des jeunes, l’impératif des résultats

Si les joueurs formés au club représentent, encore cette saison, un tiers du total de l’effectif professionnel rennais (neuf joueurs sur vingt-six), l’horizon semble se boucher pour une majorité d’entre eux.
Ainsi, quand Abdoulaye Doucouré semble s’être fait une place de choix dans le onze de départ de Philippe Montanier, et quand Cédric Hountondji ou Steven Moreira jouent les seconds rôles en défense, leurs camarades de promotions semblent bien loin dans la hiérarchie pour pouvoir espérer un temps de jeu substantiel. Adrien Hunou, Axel Ngando ou Zana Allée se retrouvent ainsi sans réelles certitudes par rapport à leurs chances de fréquenter les pelouses de Ligue 1, tandis que le chemin de Wesley Saïd est barré par deux avant-centres internationaux.
Une situation difficile pour les jeunes joueurs comme pour l’entraîneur, qui doit jongler en permanence entre l’obligation de faire jouer la meilleure équipe possible et la nécessité d’assurer l’harmonie de son groupe.

Pour certains jeunes, le salut pourrait passer par une saison en prêt, en Ligue 2 ou en Ligue 1, mais un départ même temporaire est aussi le risque de rater le train quand il se présentera. On peut notamment se demander quel aurait été l’apport d’un Axel Ngando, alors rayonnant à Auxerre, s’il avait été appelé dans le groupe professionnel pour parer aux méformes de Julien Féret et Foued Kadir en début de saison dernière.
S’il est de rigueur de dire que le travail paie, et que les joueurs qui donnent tout à l’entraînement auront une chance de prouver leur valeur en match, la réalité est souvent tout autre et, pour toute une génération de jeunes joueurs rennais, un combat de tous les instants commence dès maintenant, avec pour espoir de pouvoir pointer leur nez sur les terrains professionnels quand l’occasion se présentera.

Pour l’heure, le temps est à la veillée d’armes en attendant l’ouverture de la saison ce week-end. La confrontation avec l’Olympique Lyonnais d’Hubert Fournier, ce dimanche, ne sera en rien un indicateur précis de ce que sera la saison rennaise. Tout au moins, elle devrait nous donner quelques indices sur la tactique et le style de jeu prônés par Montanier en cette deuxième saison à la tête des Rouges et Noir.
Voici donc venu le temps de lever le rideau sur la saison 2014-2015, et de découvrir enfin si la grande réconciliation dans le beau jeu et l’allégresse est possible au stade de la Route de Lorient, ou si elle restera, pour quelques années encore, un espoir lointain et endormi dans la torpeur d’un club à la recherche de sa véritable identité.